LE TEMPLE DU SAVOIR

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A la decouverte de l'islam: Tout sur l'islam

A LA DECOUVERTE DE L'ISLAM ET DU MONDE ARABO-MUSULMAN

 

 

 

 

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A LA DECOUVERTE DE L'ISLAM ET DU MONDE ARABO-MUSULMAN

 

 

 

 

 

 

 

L’Islam

 

1

 

PRÉSENTATION

Page illustrée du Coran

Jusqu'au xi e siècle, les corans sont calligraphiés en coufique, la plus ancienne forme d'écriture arabe aux lettres anguleuses et au tracé rectilinéaire. Par la suite, des écritures plus cursives sont utilisées, définies par Ibn Muqla (886-940), vizir de Bagdad, qui pose les principes d'une écriture proportionnée : l'écriture Naskhi employée jusqu'au xiii e siècle, l'écriture Thuluth, grande écriture cursive destinée au lettrage d'or des corans, l'écriture Rayhani, développement élégant du Naskhi et enfin l'écriture Muhaqqaq aux lettres arrondies.

Bojan Brecelj/Corbis

islam, religion monothéiste apparue dans la péninsule Arabique au viie siècle, et fondée sur la révélation au prophète Mahomet d’un texte sacré, le Coran.

Dôme du Rocher (Jérusalem)

Situé dans la vieille ville, le dôme du Rocher, construit au VII e siècle par le calife Abd al-Malik, s'élève à l'emplacement du second Temple de Jérusalem. Le mur des Lamentations, seul vestige du Temple, est mitoyen de ce rocher et du quartier juif.

Israel Ministry of Tourism

Le terme arabe islam signifie littéralement « se rendre », mais son sens religieux dans le Coran correspond à « répondre à la volonté ou à la loi de Dieu ». Selon le Coran, l’islam est la religion primordiale et universelle, et la nature en elle-même est musulmane, car elle obéit aux lois auxquelles Dieu (Allah en arabe) l’a soumise. En ce qui concerne les êtres humains, qui possèdent une volonté propre, la pratique de l’islam n’implique pas obligatoirement une soumission, mais la libre acceptation des commandements divins.

Le musulman (littéralement, « celui qui se soumet à Dieu ») croit en la révélation du Coran ; il est membre de la communauté islamique, la umma. Cette communauté est forte aujourd’hui de plus d’un milliard de croyants répartis sur les cinq continents. Né dans la péninsule Arabique, l’islam s’est répandu au fur et à mesure des conquêtes arabes dans tout le Proche-Orient, autour de la Méditerranée, du Maroc à l’ouest à la péninsule indienne à l’est. Par la suite, lors de migrations humaines, des foyers de peuplement musulmans se sont développés, implantant l’islam en Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie, Philippines, etc.), dans le sous-continent indien et en Asie centrale. En Europe, l’islam est, en importance, la deuxième religion après le christianisme.

2

 

FONDATION ET BRANCHES DE L’ISLAM

Chronologie synthétique de l'islam médiéval

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À l’époque de Mahomet (v. 570-632), la péninsule Arabique abrite des Bédouins nomades qui vivent de l’élevage et de razzias, ainsi que des Arabes installés dans des villes, qui pratiquent le commerce. La religion des Arabes est alors polythéiste et idolâtre. Pourtant, il existe une ancienne tradition de monothéisme, ou du moins une croyance en une divinité suprême ; les communautés juives et chrétiennes ont probablement contribué à promouvoir des doctrines monothéistes.

2.1

 

Mahomet

Le Coran révélé à Mahomet durant une bataille

Selon l'islam, Mahomet — dont le visage ne peut être représenté — a reçu plusieurs révélations divines au cours de sa vie ; ce sont ces révélations qui ont été retranscrites et qui composent le Coran. Sur cette miniature, Mahomet est figuré sans visage (sur la droite), lors d'une révélation sur un champ de bataille. Le Coran révélé à Mahomet durant une bataille, xviii e siècle. Miniature d'un manuscrit en langue arabe. Musée des Arts turcs et islamiques, Istanbul (Turquie).

Archivo Iconografico, S.A./Corbis

Mahomet commence son activité prophétique à l’âge de 40 ans lorsque, selon la tradition, l’archange Gabriel (Jibrîl en arabe) lui apparaît au cours d’une vision. Mahomet confie à sa famille et à ses proches amis le contenu de ces révélations. Au bout de quatre années, il a converti quarante personnes, et commence à prêcher ouvertement dans sa ville natale de La Mecque. Face à l’hostilité des Mecquois, il se rend à en 622 à Yathrib (aujourd’hui Médine) ; le calendrier islamique débute avec cet événement, appelé l’Hégire (« émigration »).

Miniature de Mahomet avec ses compagnons

Ici entouré de ses compagnons, le prophète Mahomet est traditionnellement représenté ceint d'une aura de feu, et le visage voilé. Miniature persane datant d'environ 1599-1600.

SuperStock

À Médine, Mahomet accède bientôt à une autorité à la fois temporelle et spirituelle, car il est reconnu comme législateur et prophète. L’opposition arabe et juive qu’il rencontre à Médine est écrasée, et une guerre est déclarée contre La Mecque. De plus en plus de tribus arabes déclarent allégeance à Mahomet, et La Mecque capitule en 630. À sa mort, en 632, Mahomet est le chef d’un État arabe dont la puissance s’est rapidement étendue.

Les principaux enseignements de Mahomet sont la bonté, l’omnipotence et l’unicité de Dieu (Allah en arabe) ainsi que la nécessité d’être généreux et juste dans les relations humaines. D’importants éléments du judaïsme et du christianisme sont introduits dans la religion naissante, qui est cependant fortement enracinée dans la tradition arabe pré-islamique ; des institutions importantes, telles que le pèlerinage et le lieu saint de la Kaaba, sont empruntées au paganisme arabe et introduites sous une forme différente. Ainsi, en réformant la tradition arabe pré-islamique, Mahomet la confirme également.

2.2

 

La succession de Mahomet et la division de l’islam

C’est pendant les premiers siècles de l’islam (viie-xe siècles) que sont développées la loi islamique (la charia) et le droit canonique (le fiqh) — disciplines islamiques orthodoxes fondamentales —, ainsi que la spéculation théologique (le kalâm). C’est plus tôt encore, durant la période des quatre califes rashidun (« biens guidés »), entre 632 et 661, que la communauté des croyants se scinde à plusieurs reprises, et que se créent les trois branches actuelles de l’islam.

2.2.1

 

La scission chiite

Miniature du calife Othman

Portrait d'Othman, troisième calife de l'islam (644-656), figuré assis avec un chapelet de prière et un Coran — rappelant que la recension de la Révélation divine a été achevée au cours de son califat. Miniature indienne de l'école du Dekkan, fin du xviii e siècle. Gouache. Victoria and Albert Museum, Londres.

Victoria & Albert Museum, London /Art Resource, NY

Cousin et gendre de Mahomet, Ali est le quatrième calife. Dès la mort du prophète (632) et la nomination d’Abu Bakr à sa succession apparaît le premier désaccord au sein de la communauté, Ali invoquant sa qualité d’héritier légitime. La querelle s’intensifie lorsqu’en 644, à la mort du deuxième calife Omar, le vieil Othman est préféré à Ali. Le jour même de l’assassinat d’Othman, en juin 656, Ali est proclamé quatrième calife à Médine (aujourd’hui en Arabie saoudite). Le nouveau calife et ses partisans (les futurs chiites) prônent une rigueur religieuse non appliquée jusqu’alors.

« Ali et la dépouille de Zayd », fresque safavide

Ce détail d'une fresque safavide montre Ali — cousin du prophète Mahomet, quatrième calife (assassiné en 661), premier des imams de la branche chiite de l'islam — portant la dépouille de son arrière-petit-fils Zayd ibn Ali. En 740, depuis Kufa (aujourd'hui en Irak), ce dernier fomente une révolte contre le pouvoir sunnite des Omeyyades ; il meurt au combat, le front transpercé par une flèche ennemie. Plus tard, le calife omeyyade fait exhumer le corps de Zayd, et l'expose dans les rues de la villes, décapité et crucifié.Comme son aïeul Ali, Zayd ibn Ali est un martyr du chiisme ; il est également reconnu comme l'un des imams par les chiites zaydites.Détail d'une œuvre murale islamique relatant la scission entre musulmans sunnites et chiites, xvii e siècle. Fresque safavide. Mausolée de Zayd ibn Ali, Ispahan (Iran).

SEF/Art Resource, NY

De fait, ce qui rapproche les premiers partisans d’Ali est un désaccord avec les principes politiques de la nouvelle religion, et notamment avec le mode de succession au califat. Ils sont simplement liés par le soutien qu’ils apportent à Ali en sa qualité de dirigeant de la communauté musulmane, et par leur opposition à ceux qui se sont révoltés contre lui — comme Mu’awiya (fondateur de la dynastie des califes omeyyades) et les kharijites. Après l’assassinat d’Ali en janvier 661, ses partisans considèrent ses fils (les Alides) comme ses successeurs de droit au titre de calife.

2.2.2

 

La scission kharijite

Gouverneur omeyyade de Syrie, Mu’awiya conteste la légitimité d’Ali en tant que quatrième successeur de Mahomet au califat. En 657, il affronte les troupes califales d’Ali à Siffin et, au cours de la bataille, propose de mettre fin au combat en demandant un arbitrage. Lorsque Ali accepte ce compromis pour éviter un bain de sang, une partie de ses partisans se retire du champ de bataille, désapprouvant tout arbitrage autre que divin. Ces sécessionnistes sont les kharijites (de l’arabe kharej, « sortir »). S’opposant désormais à la fois à Mu’awiya et à Ali, ils élisent leur propre calife. Ils organisent ensuite le meurtre des protagonistes de l’arbitrage, mais ne parviennent à assassiner que leur ancien chef Ali, en 661.

Pour les kharijites, les œuvres sont aussi essentielles que la foi. Ainsi, ils soutiennent que commettre un péché grave exclut de la communauté islamique un musulman même pratiquant (qui continue à accepter les articles de la foi). Les kharijites finissent par considérer toutes les autorités politiques musulmanes comme impies et, après de nombreuses rébellions, sont finalement vaincus — une faction modérée des kharijites, appelée les ibadites, survit cependant et existe toujours, en Afrique du Nord, en Syrie et dans le sultanat d’Oman.

2.2.3

 

La communauté sunnite

C’est en réaction aux deux schismes chiite et kharijite que se forme le courant dominant, celui de la communauté musulmane qui continue de suivre la « voie du prophète » (la Sunna, la Tradition prophétique). La doctrine sunnite se met progressivement en place durant les premiers siècles de l’islam.

3

 

FONDEMENTS DE L’ISLAM

 

3.1

 

Les sources

Les deux sources fondamentales de la doctrine et de la pratique islamiques sont le Coran et la Sunna (ou conduite exemplaire du prophète Mahomet). Pour leur part, les chiites s’appuient également sur les propos attribués à leurs imams, ainsi que sur les interprétations qui en sont faites pour les courants dont le dernier imam est entré en occultation.

3.1.1

 

Le Coran

Les musulmans considèrent que le Coran est la parole de Dieu livrée à Mahomet par l’intermédiaire de Gabriel (Jibrîl en arabe), l’ange de la Révélation. Le texte du Coran correspond à l’ensemble des passages révélés à Mahomet au cours des vingt-deux années de sa vie prophétique (610-632). Il est divisé en 114 chapitres (sourates) de longueur inégale, le plus court ne contenant que 3 vers brefs et le plus long, 286 vers.

 

Coran

 

1

 

PRÉSENTATION

     

Page illustrée du Coran

Bojan Brecelj/Corbis

Coran, en arabe Qur’ân, texte sacré fondateur de l’islam.

Venant du verbe arabe qara’a (« lire », « réciter »), le mot qur’ân peut se traduire par « lecture » ou « récitation », bien que certains savants occidentaux rapprochent le terme d’un mot syriaque signifiant « lecture des Écritures ». Le mot qur’ân est appliqué au livre qui contient ce que les musulmans tiennent pour une série de révélations faites par Dieu (Allah en arabe) à Mahomet pendant ses années de prophétie à La Mecque et à Médine, au cours des premières décennies du viie siècle. Pour les musulmans, le Coran représente simultanément la source du dogme, la base de la liturgie et le code juridique de l’islam.

2

 

LA PAROLE DE DIEU

 

2.1

 

La révélation à Mahomet

Le Coran révélé à Mahomet durant une bataille

Selon l'islam, Mahomet — dont le visage ne peut être représenté — a reçu plusieurs révélations divines au cours de sa vie ; ce sont ces révélations qui ont été retranscrites et qui composent le Coran. Sur cette miniature, Mahomet est figuré sans visage (sur la droite), lors d'une révélation sur un champ de bataille. Le Coran révélé à Mahomet durant une bataille, xviii e siècle. Miniature d'un manuscrit en langue arabe. Musée des Arts turcs et islamiques, Istanbul (Turquie).

Archivo Iconografico, S.A./Corbis

Les musulmans considèrent que le Coran est la parole de Dieu livrée à Mahomet par l’intermédiaire de Gabriel (Jibrîl en arabe), l’ange de la révélation. Le texte du Coran correspond à l’ensemble des passages révélés à Mahomet au cours des vingt-deux années de sa vie prophétique (610-632).

Mahomet a en effet quarante ans lorsqu’il reçoit sa première révélation. Pendant une retraite solitaire dans une grotte sur la montagne de Harra, aux alentours de La Mecque, il a une vision de l’archange Jibrîl et ressent une telle douleur qu’il croit en mourir. Il reçoit l’ordre de « réciter » (iqra), et ne sait quoi dire. Il finit par réciter ce qui est devenu le début de la sourate XCVI du Coran :

Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé tout ; qui a créé l’homme de sang coagulé. Lis, car ton Seigneur est le plus généreux. Il t’a appris l’usage de la plume ; Il apprit à l’homme ce que l’homme ne savait pas.

Une longue période s’écoule entre cette première révélation et les suivantes, qui se succèdent jusqu’à la mort du prophète.

2.2

 

La compilation

     

Miniature du calife Othman

Portrait d'Othman, troisième calife de l'islam (644-656), figuré assis avec un chapelet de prière et un Coran — rappelant que la recension de la Révélation divine a été achevée au cours de son califat. Miniature indienne de l'école du Dekkan, fin du xviii e siècle. Gouache. Victoria and Albert Museum, Londres.

Victoria & Albert Museum, London /Art Resource, NY

Selon la tradition, les révélations que Mahomet a livrées à ses compagnons ont chacune été retenues par cœur ou parfois notées sur des supports divers comme des feuilles de palmier, des fragments d’os ou des peaux d’animaux. Après la mort de Mahomet en 632, ses disciples ont décidé de rassembler l’ensemble des révélations, qui ont finalement été réunies pour constituer le Coran tel que nous le connaissons, vers 650, sous le califat d’Othman.

3

 

LA SOURCE SCRIPTURAIRE CARDINALE DE L’ISLAM

     

 

3.1

 

Une œuvre sacrée

Le Coran est considéré par la plupart des musulmans comme la parole de Dieu au sens littéral. Il est de ce fait l’élément central de l’islam — au même titre que la Torah pour les juifs ou la personne de Jésus pour les chrétiens. Les prières quotidiennes, deuxième pilier de l’islam, incluent la récitation de passages du Coran, et l’éducation traditionnelle consiste notamment à l’apprendre par cœur au sein des écoles coraniques (ou médersas). Il est pour les musulmans l’une des deux sources principales de la loi islamique, ou charia — l’autre étant la Sunna, c’est-à-dire la Tradition prophétique relatant le comportement de Mahomet et, pour les chiites, des imams.

3.2

 

Forme et organisation du Coran

Premières pages du Coran

Sur les pages de ce manuscrit enluminé sont inscrites les premières lignes du Coran, le livre sacré de l'islam. Le Coran contient les révélations qu'a eues Mahomet à partir de 610 apr. J.-C., qui furent partiellement portées à l'écrit, en langue arabe, avant sa mort. Les musulmans considèrent que les textes qui le composent sont les paroles de Dieu transmises par l'archange Gabriel à Mahomet. Le Coran est récité pendant les prières et utilisé comme guide spirituel.

Paolo Koch/Photo Researchers, Inc.

Le Coran est divisé en 114 chapitres (appelés « sourates », sûra en arabe) portant chacun un titre différent. Ces sourates sont divisées en versets (âya). La division en versets est postérieure à la division en sourates. Les sourates ne sont pas classées selon l’ordre dans lequel elles auraient été révélées à Mahomet, mais en fonction de leur longueur. Globalement, les chapitres figurent dans l’ordre décroissant de longueur. La seule exception à ce principe est la première sourate — intitulée la Fâtiha (« celle qui ouvre ») et commençant par la formule Bismillâh al-rahmân al-rahîm — qui est relativement courte. La sourate II (la Génisse) est la plus longue, avec 286 versets dans l’édition la plus courante, tandis que la sourate CXIV (les Humains), avec 6 versets, est la plus courte.

L’ordre selon lequel ces révélations ont été inspirées au prophète permet de comprendre comment s’est développé l’enseignement de Mahomet. En effet, lorsqu’elles sont toutes réunies après sa mort pour former le Coran, elles ne sont pas organisées selon l’ordre chronologique : les compilateurs les assemblent dans le sens qu’ils pensent correspondre à la chronologie de la vie du prophète. Les exégètes musulmans réussissent ensuite à établir la relation entre les sourates du Coran et la vie de Mahomet, et l’on sait maintenant que les premières révélations, courtes et formulées dans un langage vif et imagé, avertissent l’homme qu’il sera jugé par Dieu pour ses actes et sévèrement puni pour n’avoir pas rectifié sa conduite. Avec le temps et au fur et à mesure que l’autorité de Mahomet s’impose sur la première communauté de musulmans fondée par lui à Médine, les révélations s’allongent, perdant de leur caractère d’urgence et portant davantage sur les solutions aux problèmes pratiques auxquels sont confrontés le prophète et ses disciples. Ainsi, les exégètes distinguent généralement les sourates datant de la période mecquoise de la révélation à Mahomet (sourates courtes), de celles datant de la période médinoise (plus longues).

3.3

 

L’arabe, langue de la révélation

Versets du Coran sur le Qutb Minar (Delhi, Inde)

Les cannelures du Qutb Minar de Delhi (Inde), une tour-minaret édifiée en 1199, sont ornées de calligraphies sculptées de versets du Coran.

Gillian Darley/Edifice/Corbis

La langue du Coran se distingue des autres formes d’arabe. C’est un mélange de prose et de poésie sans mètre. Le style est allusif et elliptique, et la grammaire ainsi que le vocabulaire sont souvent difficiles. Comme de nombreux textes sacrés, il se prête à différentes interprétations. L’apprentissage par cœur de l’ensemble du texte sacré par le croyant va de pair avec une tradition d’interprétation. Il a toujours été considéré comme l’exemple d’arabe le plus parfait, qu’aucune production humaine ne saurait égaler. Dans la mesure où il est généralement admis par les musulmans que le prophète était illettré, il semble miraculeux qu’une telle œuvre ait pu être produite par son intermédiaire.

L’arabe littéral indique habituellement les consonnes sans les voyelles, et la tradition veut que les voyelles aient été ajoutées au texte de la révélation. Au ive siècle de l’hégire (xe siècle) divers systèmes de « lettres » (c’est-à-dire de manières de lire, du fait de l’ajout de voyelles) étaient recensés, et sept d’entre eux ont alors été reconnus d’égale valeur : les lectures de Nâfi (mort à Médine, en 785), d’Ibn Kathîr (mort à La Mecque, en 737), d’Abu Amr (mort à Kufa, vers 770), d’Ibn Âmir (mort à Damas, en 762), de Âsim ((mort à Kufa, en 744), de Hamza (mort en Irak, en 772), et d’al-Kisâ’i (mort près de Rayy, en 805). Aujourd’hui, deux de ces « lectionnaires » sont encore couramment utilisées ; il s’agit de ceux de Nâfi — transmis par Warsh pour le Maghreb (le Couchant, l’Occident arabe) — et de Âsim — transmis par Hafs pour le Machrek (le Levant, l’Orient arabe).

Ces lectures ne doivent pas être confondues avec les variantes de certains passages du Coran qui ont été conservées par la tradition musulmane. Ces variantes passent pour provenir de versions du Coran qui auraient été conservées par certains compagnons de Mahomet, mais qui différaient de la version d’« Othman » ou ont été supplantées par elle.

3.4

 

Contenu du Coran

Par son contenu, le Coran est principalement un ensemble de recommandations et de commandements éthiques, d’avertissements à propos du dernier jour et du jugement final à venir, de récits sur des prophètes antérieurs à Mahomet et des personnes vers lesquelles ils ont été envoyés, enfin de règles concernant la vie religieuse, la pratique cultuelle et des thèmes comme le mariage, le divorce et les héritages.

Son message fondamental est qu’il n’y a qu’un seul Dieu, créateur de toutes choses, qui seul doit être servi par un culte et un comportement en accord avec les préceptes du Coran. Ce Dieu est miséricordieux et omnipotent. Il n’a cessé d’appeler l’humanité à le vénérer par la voix de plusieurs prophètes qu’il a envoyés. Ces prophètes, parmi lesquels figurent Jésus (Issa), ont été sans arrêt rejetés par des peuples impies que Dieu a, pour cette raison, châtiés. Les grands thèmes du Coran et nombre des récits qui les illustrent se situent dans la continuité des textes sacrés juifs et chrétiens, mais sont développés d’une manière différente. De nombreux détails des récits concernant les prophètes antérieurs sont plus proches des versions des apocryphes juifs et chrétiens, et autres écrits semblables, que des versions bibliques.

4

 

EXÉGÈSE ET THÉOLOGIE

Sans la tradition d’exégèse qui l’accompagne, une grande partie du Coran serait difficile à comprendre, et même inaccessible.

4.1

 

L’exégèse coranique

L’exégèse coranique est une discipline des sciences religieuses traditionnelles qui s’est perpétuée de l’établissement du texte jusqu’à l’époque contemporaine. De nombreux ouvrages de commentaires du Coran (tafsîr) ont été rédigés sur le sujet. Il existe quelques commentaires attribués à des spécialistes des trois premiers siècles de l’islam, mais l’œuvre majeure la plus ancienne du tafsîr est celle d’al-Tabari (mort en 923). Cet ouvrage prend chaque verset du Coran et donne l’opinion de divers spécialistes anciens et contemporains sur des aspects comme la vocalisation, la grammaire, la lexicographie, l’interprétation éthique et morale, et le lien entre le texte et la vie de Mahomet. Ces différents points de vue sont donnés sans commentaire d’al-Tabari, bien qu’il indique souvent celui qu’il préfère.

De nombreux commentaires postérieurs reprennent la méthode critique établie par al-Tabari, mais d’autres sont plus simples et plus courts parce qu’ils choisissent certains versets et se limitent à une ou deux interprétations, ou se spécialisent dans un domaine — par exemple le vocabulaire coranique, considéré comme particulièrement difficile.

Le travail d’interprétation est pour l’essentiel consacré aux « raisons de la révélation ». Les versets et groupes de versets sont mis en rapport avec la vie de Mahomet, et sont compris comme ayant été révélés au cours d’incidents précis de sa vie ou pour résoudre des problèmes particuliers auxquels il a été confronté. Le texte est donc considéré comme se situant dans le contexte immédiat de la vie de Mahomet, mais ayant une signification plus universelle et éternelle.

Certains spécialistes contemporains non musulmans ont l’impression que des éléments de la vie de Mahomet ont été amplifiés voire déformés par certains versets coraniques. Ce processus a été qualifié de « midrashique », du fait de sa similitude avec la manière dont la tradition juive à créé les récits du Midrash concernant certains personnages bibliques, par l’interprétation créative du texte de la Torah. Si tel est le cas, expliquer le Coran en faisant référence à la biographie du prophète obligerait à adopter une méthode de raisonnement circulaire.

La tradition du tafsîr a souvent reflété les divergences et tendances qui se sont manifestées au sein de l’islam. L’interprétation chiite de certains versets a souvent différé radicalement de celle des sunnites, trouvant par exemple des références au statut spécial d’Ali (cousin et gendre de Mahomet) et des imams dans les versets coraniques. Récemment, les « modernistes » réformateurs comme les « fondamentalistes » ont interprété le texte d’une manière conforme à leur propre point de vue. Certains se sont efforcés de montrer que le Coran n’est pas seulement en accord avec beaucoup d’idées de la science moderne, mais qu’en fait il les préfigure. C’est la nature souvent opaque du texte coranique qui se prête à des approches aussi divergentes.

4.2

 

Le Coran dans la théologie islamique

L’un des conflits théologiques majeurs de l’islam primitif a porté sur la question de savoir si le Coran doit être considéré comme créé dans le temps, ou incréé et éternel. Le contexte du conflit (voir théologie spéculative de l’islam ou kalâm) était complexe, recouvrant diverses questions théologiques ainsi qu’un argument relativisant l’autorité des califes et des docteurs de la loi (ulémas). L’opinion selon laquelle le Coran est incréé est devenue prédominante, bien qu’elle se soit heurtée à l’opposition de groupes importants au sein de l’islam, en particulier des chiites.

5

 

LES TRADUCTIONS DU CORAN

La possibilité de traduire le Coran de la langue arabe vers une autre langue, et les circonstances dans lesquelles les traductions peuvent être utilisées ont longtemps été un sujet de controverse. Il a toutefois été traduit par des musulmans et des non-musulmans dans plusieurs langues.

En effet, l’islam a atteint dans son expansion des régions très éloignées de la péninsule Arabique, où les populations autochtones ne sont ni arabes, ni arabisées, ni arabophones. Aux périodes médiévale et moderne, plusieurs traductions ont été effectuées en persan, en turc, en chinois, en japonais, ainsi que dans plusieurs langues indonésiennes et africaines ; mais ces traductions avaient pour unique objectif que tout musulman non arabophone comprenne la parole divine (la récitation devant pour sa part être effectuée en arabe appris par cœur). Puis en 1932, un membre de la prestigieuse université al-Azhar du Caire a officiellement permis aux musulmans non arabophones de lire le Coran dans une version traduite, et de réciter la prière dans leur propre langue.

Dans le monde non musulman, et en particulier en Occident, des traductions partielles du Coran ont été effectuées dès le Moyen Âge, à des fins de controverse religieuse. Plusieurs de ces traductions ont été réalisées au xiiie siècle, sous l’égide des dominicains, en Espagne (alors pour partie musulmane). La première traduction intégrale dans une langue européenne est la version latine à vocation polémique effectuée en 1698 par L. Marracci et publiée sous le titre Alcorani textus universus et refutatio Alcorani (« Texte complet du coran et réfutation »). La première traduction française date de 1787, elle est due à M. Savary.

 

3.1.2

 

La Sunna

Seconde source de l’islam, la Sunna (la Tradition prophétique relatant le comportement de Mahomet) est connue grâce aux hadiths, l’ensemble des traditions fondées sur les actes et les paroles du Prophète. Contrairement au Coran, qui a été appris par cœur par de nombreux fidèles de Mahomet et qui a été transcrit relativement tôt, la transmission des hadiths a été en grande partie orale, et les textes qui font aujourd’hui autorité datent du ixe siècle.

Au début de la période islamique, la faillibilité ou l’infaillibilité du Prophète (sauf en ce qui concerne les révélations du Coran) est un sujet de controverse. Cependant, plus tard, le consensus de la communauté islamique est que lui-même ainsi que les prophètes qui l’ont précédé sont infaillibles. Il n’en demeure pas moins que, comme les hadiths se sont transmis surtout verbalement, il a été admis que des erreurs ont pu s’être glissées dans la transmission des faits et gestes du Prophète.

 

Hadith

 

1

 

PRÉSENTATION

hadith, dans l’islam, court récit rapportant une parole (aqwal) ou un acte (af’al) de Mahomet ; l’ensemble des hadiths constitue la Sunna (la « Tradition »).

Les hadiths permettent de réglementer divers aspects de la vie du croyant musulman, tels que les relations entre les individus ou la relation à Dieu (Allah en arabe) ; ils contiennent également des lois, des discussions sur des sujets théologiques comme les méthodes de jeûne et de prière, ainsi que des codes de conduite personnelle, sociale et commerciale.

2

 

L’IMITATION DU PROPHÈTE

En cas de doute sur une question religieuse ou juridique, l’idée existait déjà du vivant de Mahomet de le consulter et de suivre son exemple. Ainsi, les compagnons du prophète se sont particulièrement attachés à se rappeler ses paroles et ses gestes, et les ont oralement transmis à la génération suivante, qui les a elle-même rapportés à la suivante, etc. Progressivement, un nombre incalculable de hadiths s’est mis à circuler dans le monde musulman ; il en existe aujourd’hui plusieurs centaines de milliers, dont la forme et le contenu diffèrent souvent entre les traditions sunnite et chiite.

3

 

CONTENU TYPE D’UN HADITH

Le hadith est ainsi un « dit » de Mahomet, remontant soit au prophète lui-même, soit à l’un de ses compagnons. Un hadith débute toujours par la chaîne de transmission (isnad) du récit : « A a dit, qui lui-même le tient de B, qui l’a reçu de C, qui l’a entendu de D, compagnon du prophète… ». Vient ensuite le récit lui-même (matn), dont l’introduction (taraf) présente souvent le type de hadith dont il va être question (dit ou geste de Mahomet).

4

 

VALIDITÉ ET VALEUR DES HADITHS

 

4.1

 

Authentification

Les premiers recueils de hadiths remontent au iiie siècle de l’hégire (ixe siècle). À cette époque, le nombre impressionnant de hadiths en circulation conduit les théologiens à entreprendre une authentification de ces recueils. L’isnad (la liste des noms de ceux qui se sont transmis le hadith de génération en génération, remontant jusqu’au compagnon tenant l’information du prophète lui-même) sert alors de critère principal dans cette classification : si les chaînes de transmission remontent directement à Mahomet, que les personnes citées sont toutes connues pour leur honnêteté, et s’il paraît plausible que celui qui a transmis l’information a véritablement pu rencontrer celui auquel il l’a transmise, alors le hadith est reconnu comme authentique. Si la chaîne de transmission ne répond pas à l’une de ces conditions, le hadith est considéré comme suspect.

Les hadiths ont donc été distingués en fonction de leur chaîne de transmission (isnad), qui peut être continue, interrompue ou relâchée. Il est également noté si un hadith est connu par plusieurs filières de transmetteurs (ce qui accentue sa fiabilité), et quel est le degré de fiabilité et de mémoire des transmetteurs et des rapporteurs. Les hadiths ont ainsi été distingués entre les authentiques et les acceptables, ceux déclarés suspects ayant été rejetés (hadiths apocryphes).

4.2

 

Classification

Plusieurs types de classification des hadiths ont été élaborés, certains optant pour un classement thématique, d’autres pour une classification basée sur la chronologie de la chaîne des transmetteurs. Un autre système de classification tient compte du contenu du texte, et distingue hadith divin (parole divine rapportée par le prophète), hadith élevé (récit émanant du prophète), hadith arrêté (récit rapporté par un compagnon du prophète) et hadith divisé (récit rapporté par la première génération suivant les compagnons du prophète).

5

 

PRINCIPAUX RECUEILS DE HADITHS

Six recueils de hadiths, jugés authentiques conformément aux critères d’authentification, ont finalement été acceptés par l’ensemble des musulmans sunnites comme faisant autorité et possédant un statut plus élevé que d’autres collections existantes. Il s’agit des compilations d’al-Bukhari et de Muslim (deux recueils appelés al-Sahîh, « L’Authentique »), mais aussi de celles d’Abu Dawud, d’al-Tirmidhi, d’al-Nasa’i et d’Ibn Maja (quatre recueils appelés Sunan, « Les Pratiques [du prophète] »). À cette liste peut être ajouté le recueil d’Ibn Hanbal, dont les hadiths sont classés en fonction des rapporteurs (recueil connu sous le nom de Musnad).

Les chiites disposent de leur propre corpus de recueils de hadiths, dont le plus célèbre est celui d’al-Kulayni (connu sous le nom d’al-Kâfi, « Le Suffisant »).

Puisque la Tradition du prophète qui y est relatée est reconnue comme inspirée par Dieu, ces écrits sont eux-mêmes tenus comme une forme de révélation divine. Ils sont par conséquent traités avec grande déférence, faisant l’objet de somptueuses éditions manuscrites et imprimées. Il n’en demeure pas moins que certains de ces recueils de hadiths ont été suspectés pendant plusieurs siècles avant que leur statut ne soit reconnu ; aujourd’hui encore, le recueil d’Ibn Maja est considéré par certains théologiens comme inférieur aux cinq autres.

 

 

3.2

 

Les dogmes

     

 

3.2.1

 

L’unicité de Dieu (Allah)

Le monothéisme est au centre de l’islam. C’est la foi en un seul Dieu (Allah en arabe), unique, omnipotent, éternel et transcendant : « Il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah » (« La ilaha illa Allah » ; début de la chahada, premier des cinq piliers de l’islam). La croyance en plusieurs dieux ou en l’extension de la divinité de Dieu à un tiers est radicalement étrangère à l’islam. Dieu a créé l’homme et la nature dans un acte primordial de pitié. Il a offert à chaque élément de sa création une nature qui lui est propre et des lois qui régissent sa conduite. Le monde est un tout bien ordonné, harmonieux, un cosmos dans lequel tout a une place et des limites. Aucun vide, aucune dislocation ou rupture ne peut par conséquent être trouvé dans la nature. Dieu gouverne l’univers qui, de par son ordre, est le signe et la preuve de Dieu et de son unicité.

Selon l’islam, Dieu présente quatre fonctions particulières : la création, les moyens de subsistance, le conseil et le jugement. Dieu, qui a créé l’univers par pure pitié, est condamné à le maintenir. Toute la nature est faite pour favoriser l’humanité, qui peut l’exploiter et en tirer avantage. L’objectif ultime de l’humanité est cependant d’être « au service de Dieu », c’est-à-dire de ne vénérer que lui et de bâtir un ordre social et éthique dépourvu de toute « corruption ».

3.2.2

 

Les prophètes

L’islam commande de croire en la mission du prophète Mahomet, mais aussi en celle de tous ceux qui l’ont précédé, à savoir les prophètes de l’Ancien Testament (Adam, Noé, Abraham, Moïse, etc.) et du Nouveau Testament (Jésus). Si le message divin a été révélé dans sa totalité à Mahomet, chaque prophète antérieur n’en est pas moins dépositaire d’une révélation partielle. Les messages de tous les prophètes émanent de la même source divine qui, dans le Coran, est appelée « Les Tables conservées », « Le Livre caché », ou « La mère de tous les livres divins ».

Les prophètes représentent une unité indivisible, et il faut croire en eux tous, car en accepter certains et en rejeter d’autres équivaut à renier la vérité divine. Dans l’islam, tous les prophètes sont humains ; rien en eux n’est divin, mais ils représentent les exemples les plus parfaits pour l’humanité.

Cependant, Mahomet est doté d’un statut particulier ; il est décrit dans le Coran comme « le Sceau de tous les prophètes ». C’est de là qu’est issue la croyance islamique selon laquelle le cycle prophétique est terminé par le Coran. Pour les musulmans, l’islam est la dernière et la plus parfaite des révélations de Dieu, qui accomplit et remplace toutes les précédentes.

 

3.2.3

 

Les anges

Le Coran précise que le musulman doit croire aux anges, en particulier aux quatre archanges Jibrîl (Gabriel), l’ange de la révélation divine à Mahomet, Mikhâïl (Michel), qui veille sur la nature, Isrâfîl, sonnant la trompette du jugement dernier, et Izrâïl, l’ange de la mort. Mais il faut également croire aux autres anges, comme en l’ange déchu, appelé Iblîs ou Shaytan (le diable), lequel commande l’armée des esprits maléfiques (djinns et shaytans).

3.2.4

 

Le jour du jugement

Selon l’islam, les actes divins de création et de conseils prennent fin avec l’acte du jugement. Le jour du jugement dernier, toute l’humanité sera rassemblée et les individus seront jugés séparément en fonction de leurs actes. Ceux qui auront « réussi » seront admis dans le jardin (paradis), et les « perdants », ou les mauvais, iront en enfer — bien que Dieu soit miséricordieux et pardonne à ceux qui le méritent.

Outre le jugement dernier, qui concerne les individus, le Coran reconnaît un autre type de jugement divin, qui est infligé, dans leur histoire, aux peuples et aux communautés. Comme les individus, les nations peuvent être corrompues par la richesse, le pouvoir et l’orgueil et, à moins qu’elles ne se corrigent, elles sont punies par destruction ou soumission à des nations plus méritantes (voir eschatologie).

4

 

LOI ET DROIT ISLAMIQUES

     

 

4.1

 

La loi islamique (charia)

La loi islamique, appelée la charia, définit les objectifs moraux de la communauté et correspond à « la voie à suivre ». La charia ne correspond à aucun corpus précis et fini. Ainsi, dans la société islamique, le terme loi possède une signification beaucoup plus large que dans son acception laïque, car elle comprend des impératifs non seulement légaux, mais aussi religieux et moraux. La loi islamique distingue ainsi les obligations de culte (ibâdât) de celles régissant les relations en société (mu’âmalât).

4.1.1

 

Les obligations de culte (ou piliers de l’islam)

     

Mihrab d'une mosquée

Situé sur le mur qibla des mosquées, le mihrab est une niche indiquant la direction de La Mecque vers laquelle sont dirigées les prières. Ce mihrab appartient à une mosquée d'un village du nord d'Oman.

Avec l'aimable autorisation de Brigitte Lenz

Cinq obligations, appelées les « piliers de l’islam », sont considérées comme cardinales et commandent la vie de la communauté. Il s’agit de :

     

Les cinq piliers de l'islam sont cinq devoirs rituels que les musulmans sont dans l’obligation d’effectuer.

Les cinq piliers (en arabe, arkan) de l’islam sont :

a.

 

LA CONFESSION DE LA FOI (LA CHAHADA)

Le premier pilier de l’islam est la confession de la foi, la chahada : « La ilaha illa Allah, Mohammadour rasoulou Allah » (« Il n’y a d’autre dieu qu’Allah et Mahomet est Son messager »). Cette confession, formule de conversion et dernières paroles du mourant, doit être faite publiquement par tout musulman au moins une fois dans sa vie. Prononcer la chahada n’est pas seulement une affirmation de l’identité religieuse en tant que musulman, en particulier lors de la conversion à l’islam, mais représente également une partie de l’appel formel à la prière (adhan).

Il existe des déclarations symboliques plus complexes dans l’islam, apparues tardivement ; en outre, il n’y a pas un seul symbole orthodoxe ou qui fasse autorité, puisqu’il n’existe pas une autorité orthodoxe ou un ensemble de dogmes unique au sein de l’islam. Les chiites pour leur part ajoutent généralement la phrase « wa Ali Wali Allah » à la chahada, ce qui signifie « et Ali ibn Abi Talib est l’ami d’Allah ».

b.

 

LA PRIÈRE (LA SALAT)

Deuxième pilier de l’islam, la prière — la salat, appelée namaz en Iran, en Inde et en Turquie — permet au musulman d’exprimer, sans intermédiaire, son adoration envers Dieu. Quotidiennement, le croyant doit effectuer cinq prières obligatoires. Elles ne sont effectuées qu’après l’ablution rituelle et dans un ordre particulier, à des moments précis de la journée : avant le lever du soleil (Al-fajr), à midi (Al-dhouhr), au milieu de l’après-midi (Al-asr), immédiatement après le coucher du soleil (Al-maghrib) et avant minuit (Al-icha). Les chiites autorisent l’association des prières de midi et de l’après-midi ainsi que celle des prières du crépuscule et de minuit de sorte qu’ils peuvent ne prier que trois fois par jour.

Dans l’islam, où que se passe la prière (dans une mosquée ou dans tout autre lieu), celle-ci est également associée à un ensemble d’attitudes, à savoir se tenir debout dans la direction de la Kaaba, s’incliner et se prosterner selon un rituel précis.

c.

 

L’AUMÔNE (LA ZAKAT)

Troisième pilier de la sagesse, l’aumône — la zakat, « purification » — permet dans sa signification première la purification des biens acquis par le croyant tout en protégeant ce dernier de l’avarice, de la convoitise et de l’avidité. Elle peut être prélevée annuellement sur les cultures, l’élevage, les métaux précieux et les liquidités de tous ceux dont les avoirs dépassent le simple niveau de subsistance et dont les dettes ne dépassent pas les avoirs. Mais dans la majeure partie des États musulmans, la zakat est devenue un acte de charité volontaire, en faveur des pauvres, mais également des nouveaux convertis, des endettés, etc. (IX, 60).

Depuis la fin du Moyen Âge, les chiites dominants font collecter l’impôt par leurs juristes, qui agissent en qualité de gouverneurs de l’imam.

d.

 

LE JEÛNE (LE SAWM)

Derniers jours du Ramadan

Le jêune imposé lors du mois de ramadan constitue le quatrième pilier de l'islam, et se termine par l'Id al-fitr, marqué par des prières et des festivités.

REUTERS/CORBIS-BETTMANN

Quatrième devoir du musulman, le jeûne — le sawm — est inscrit dans le Coran dans la deuxième sourate (II, 183). Il est ordonné, pendant le mois de ramadan, uniquement aux musulmans adultes et en bonne santé. De l’aube au crépuscule, toute boisson, tout aliment et toute relation conjugale sont interdits. Les malades et les femmes qui allaitent ne sont pas tenus de respecter le jeûne mais sont censés rattraper plus tard cette incapacité à jeûner.

 

Ramadan

 

1

 

PRÉSENTATION

ramadan, dans l’islam, neuvième mois du calendrier lunaire islamique, mais également mois saint de jeûne (le sawm) qu’observe tout musulman pratiquant, adulte et en bonne santé.

2

 

LE RAMADAN, UNE DÉVOTION CORANIQUE

Quatrième des cinq piliers de l’islam, le ramadan est défini dans la deuxième sourate du Coran (« La Génisse », II, 183-185 et 187). D’après le texte, le jeûne du ramadan a été instauré afin que les croyants puissent cultiver leur piété ; le choix s’est porté sur ce mois particulier car c’est le mois durant lequel le prophète Mahomet a reçu la première des révélations divines (« L’Appel, al-Qurân, est descendu au mois de Ramadân », II, 185).

3

 

LE RITUEL DU JEÛNE

Al-Wasiti, Procession à la fin du Ramadan

Caractéristique de l'école de Bagdad, cette miniature du peintre et copiste al-Wasiti illustre un exemplaire du manuscrit des Maqamat rédigées par al-Hariri au xii e siècle.Al-Wasiti, Procession à la fin du Ramadan, 1236-1237 ; miniature illustrant les Maqamat d'al-Hariri. Folio 19 du manuscrit Ar 5847. Bibliothèque nationale de France, Paris.

Bibliotheque Nationale, Paris/Laurie Platt Winfrey, Inc./Woodfin Camp and Associates, Inc.

Le jeûne commence à la nouvelle lune du mois de ramadan et se termine à la nouvelle lune du mois de chawwal.

Pendant la période du ramadan, le jeûne débute chaque jour à l’aube pour s’achever au crépuscule. Durant ce laps de temps, il est interdit aux musulmans d’ingérer tout aliment, toute boisson, d’avoir des rapports intimes ou mauvais caractère. Si le jeûne diurne est obligatoire, la veillée est pour sa part recommandée. Chaque nuit en effet, lors de la rupture du jeûne, sont généralement récitées des prières rituelles, composées de longs passages du Coran. Un repas (iftar) est servi après le coucher du soleil, un autre (sahur) étant pris le plus tard possible, avant l’aube et la reprise du jeûne.

Cependant, le ramadan ne peut être réduit à un simple jeûne : cet exercice spirituel est une mise en condition pour une réflexion intérieure et une dévotion envers Dieu (Allah en arabe). Selon Bayhaqi, pieux musulman du xie siècle, « C’est le mois de la patience, et la récompense de la patience est le Paradis. C’est le mois du don. C’est un mois dans lequel les ressources du croyant augmentent. Un mois dont le début est miséricorde, dont le milieu est pardon et la fin affranchissement du feu de l’Enfer. » (Bayhaqi, Anthologie du renoncement).

4

 

FESTIVITÉS DU RAMADAN

     

 

4.1

 

La « nuit du destin »

La nuit du 26e au 27e jour du mois de ramadan — pendant laquelle est survenue la première révélation divine — est appelée Lailat al-Qadr, « nuit du destin ». Selon le Coran (sourate XCVII, « La Puissance »), c’est au cours de cette nuit que Dieu a défini la course du monde pour l’année à venir.

4.2

 

La « rupture du jeûne »

Derniers jours du Ramadan

Des fidèles prient lors de l'Id al-fitr, qui marque la fin du mois saint de jeûne, dans la galerie supérieure d'une mosquée de Delhi, en Inde.

REUTERS/CORBIS-BETTMANN

Les trois jours suivant la fin du ramadan — appelés l’Aïd el-Fitr, « rupture du jeûne » (de l’arabe Aïd « fête », et Fitr « rupture ») — sont célébrés par des prières et des festivités particulières.

 

 

e.

 

LE PÈLERINAGE À LA MECQUE (LE HADJ)

     

Kaaba (La Mecque)

Le pèlerinage vers la ville sainte de La Mecque est l'un des cinq piliers de l'islam, c'est-à-dire l'une des cinq obligations religieuses qui s'imposent à tout musulman. Plus de deux millions de croyants effectuent ce pèlerinage au cours du dernier mois de l'année musulmane. Une fois à l'intérieur de la Grande Mosquée, ils doivent faire sept fois le tour de la Kaaba, édifice cubique sacré dont la construction est attribuée à Abraham.

Ruchan Arikan/Photo Researchers, Inc.

Cinquième pilier de l’islam, le hadj représente le « plus important » des deux pèlerinages à La Mecque. Toutes les femmes et tous les hommes musulmans en bonne santé doivent l’effectuer au moins une fois dans leur vie, tant qu’ils disposent de moyens économiques suffisants. Contrairement au « petit pèlerinage » (umra) à La Mecque, il n’est possible d’effectuer le hadj qu’à certaines périodes déterminées de l’année : au 10e mois lunaire commencent les premières cérémonies individuelles, qui consistent à circuler sept fois autour de la Kaaba et sept fois entre le mont Safa et le mont Marwa ; puis, entre le 9 et le 12e jour du mois de dhul al-Hijja (12e mois), les cérémonies collectives réunissent tous les pèlerins, dans une vallée face au mont Arafat, entre midi et le coucher du soleil ; les pèlerins se rendent ensuite à Mina, non loin de La Mecque, où ont lieu des sacrifices de bétail.

Ceux qui effectuent le hadj peuvent s’attribuer le titre honorifique de « Hadj » précédant leur nom.

Hadj

hadj, dans l'islam, principal pèlerinage à La Mecque (en Arabie Saoudite).

Considéré comme un devoir dans le Coran, le hadj est l'un des cinq piliers de l'islam (en arabe, arkan). Tous les musulmans adultes, hommes et femmes, doivent effectuer le hadj au moins une fois dans leur vie, s'ils en ont les moyens physiques et économiques. Contrairement au « petit pèlerinage » (oumra) à La Mecque, qui peut être effectué n'importe quand, le hadj ne peut avoir lieu qu'une fois dans l'année : les premières cérémonies commencent le 10e mois lunaire et se poursuivent entre le 9 et le 12 dhu al-Hijja (12e mois).

Seuls les musulmans sont autorisés à pénétrer dans les lieux saints de La Mecque, Mina, Muzdalifa, Médine et Arafat. Avant d'atteindre La Mecque, les pèlerins doivent accéder à un état de pureté rituelle, en effectuant des ablutions et en revêtant la ihram, un voile blanc sans couture, conservé par la suite par les pèlerins pendant toute leur vie et qui leur sert de linceul à leur mort. Pendant cet état de pureté, certains actes, tels que les rapports conjugaux, sont interdits aux pèlerins. Arrivé à La Mecque, le pèlerin effectue un ensemble de rites individuels, dont faire sept fois le tour (tawaf) de la Kaaba, « la première maison des hommes », rebâtie par Abraham et dont la pierre blanche apportée par l'archange Gabriel se noircit du péché des hommes (Pierre noire).

Ces cérémonies forment le « petit pèlerinage » et peuvent être effectuées à tout moment de l'année. Le grand pèlerinage, le hadj, commence le 10e mois lunaire par les cérémonies individuelles que nous venons de citer et se poursuit par des cérémonies collectives, entre le 9e et le 12e jour du mois de dhu al-Hijja. Tous les pèlerins s'arrêtent, entre midi et le coucher du soleil, dans une vallée face au mont Arafat, puis se rendent à Mina où ont lieu la lapidation symbolique du démon et le sacrifice de moutons et de chèvres.

Lorsque les musulmans ont effectué le hadj, ils sont autorisés à porter le titre de « Hadj ». Durant la première moitié du XXe siècle, quelque 30 000 musulmans ont effectué le pèlerinage à La Mecque chaque année ; aujourd'hui, le nombre de pèlerins est proche de 3 millions.

 

   

 

4.1.2. Les obligations sociales

   
           

Règlementant la société et les relations entre individus, la charia correspond à un grand nombre de prescriptions de la vie quotidienne du croyant. Ces prescriptions touchent ainsi à la relation au corps (pudeur, circoncision, ablutions, etc.), à l’organisation de la famille (patriarcale) — donc également au lien conjugal (règlementation du mariage et du divorce), au statut de la femme et à la sexualité —, aux interdits alimentaires (viandes licites et illicites, alcool, etc.), aux lois testamentaires (héritage, dispositions funéraires), à l’interdit du prêt à intérêt, ou encore à la justice (adultère, vol, meurtre, fraude, etc.).

4.2

 

Le droit musulman (fiqh)

 

4.2.1

 

Les sources du droit

Mise en application de la loi islamique, le droit musulman (fiqh) s’appuie sur quatre sources ou « fondements de la loi ». Les deux premières sont les sources scripturaires de la loi, le Coran et la Sunna. Utilisant le jugement personnel (ra’y), les deux autres sources, profanes, sont le consensus (ijmâ’) et le raisonnement par analogie (qiyâs).

4.2.2

 

Les écoles juridiques (madhâhib)

Cinq écoles de loi (madhâhib) ont toujours cours dans l’islam, quatre sunnites et une chiite.

Les quatre écoles sunnites apparaissent au cours des deux premiers siècles de l’islam : le malikisme (du nom de Malik ibn Anas, mort en 796), le hanafisme (du nom d’Abu Hanifa, mort en 767), le chafiisme (du nom de Mohammad al-Chafii, mort en 820), et le hanbalisme (du nom d’Ahmad ibn Hanbal, mort en 855). Elles se distinguent essentiellement par l’importance accordée à l’autorité des textes ou au raisonnement analogique, mais reconnaissent les conclusions des autres écoles comme étant parfaitement légitimes et comprises dans le cadre de l’islam orthodoxe. Chaque école a tendance à dominer dans certaines régions : le hanafisme a sa zone d’influence dans le sous-continent indien, en Asie centrale, en Turquie et dans une moindre mesure en Égypte, en Jordanie, en Iran, en Irak ; le malikisme en Afrique du Nord et de l’Ouest ; le chafiisme en Asie du Sud-Est et en Afrique orientale ; et le hanbalisme en Arabie saoudite.

L’école chiite, appelée le ja’farisme (du nom du sixième imam, Jafar al-Sadiq, mort en 765) domine pour sa part en Iran.

5

 

THÉOLOGIE ET MYSTIQUE

     

 

5.1

 

La théologie spéculative (kalâm)

Aux viiie et ixe siècles, la traduction en arabe des ouvrages des philosophes grecs entraîne la mise en place de la théologie spéculative musulmane (kalâm). Fondant sa réflexion sur la raison et la logique rigoureuse, le mutazilisme est la première des écoles du kalâm. L’insistance fondamentale des mutazilites porte sur l’unicité absolue et la justice de Dieu, mais ils s’accordent également à croire en la responsabilité de l’homme dans ses actions. Au xe siècle, une opposition aux thèses mutazilites apparaît, inspirée par le philosophe al-Achari et ses adeptes (les acharites). Les opinions d’al-Achari et de son école — notamment la croyance en la prédestination et, par conséquent, le refus du concept du libre arbitre de l’homme — deviennent progressivement dominantes dans l’islam sunnite et le sont encore chez la plupart des musulmans. À la même époque, un troisième courant du kalâm se met en place, le maturidisme, qui défend sensiblement les mêmes positions que les acharites.

5.2

 

La philosophie islamique (falsafa)

     

Averroès

Les œuvres philosophiques d'Averroès (1126-1198), médecin et juriste auprès du calife marocain Yusuf, tels ses commentaires d'Aristote, demeurent ses écrits les plus importants : il y développe surtout les aspects rationalistes et matérialistes de la philosophie aristotélicienne, ce qui lui vaut les attaques des théologiens « littéraristes ». Occultées pendant de longues années par les penseurs musulmans, sa philosophie et sa pensée religieuse sont aujourd'hui redécouvertes.

Roger Antrobus/Corbis

Les mutazilites sont probablement les premiers musulmans à emprunter des méthodes philosophiques grecques pour exposer leur doctrine. Certains de leurs opposants utilisent les mêmes méthodes, et le débat est à l’origine du mouvement philosophique islamique qui s’appuie fortement sur la traduction arabe du corpus grec et sur l’étude des travaux philosophiques et scientifiques grecs. Le premier philosophe musulman est al-Kindi, lequel tente d’adapter les concepts de la philosophie grecque aux vérités révélées de l’islam, qu’il considère comme supérieures au raisonnement philosophique. Comme le sont également les philosophes musulmans suivants de cette époque, il est d’abord influencé par les travaux d’Aristote et par le néoplatonisme, dont il fait la synthèse dans un système philosophique unique.

Au xe siècle, le Turc al-Farabi est le premier philosophe musulman à subordonner la révélation et la loi religieuse à la philosophie. Al-Farabi avance que la vérité philosophique est la même dans le monde entier et que les nombreuses religions existantes sont les expressions symboliques d’une religion universelle idéale. Au xie siècle, le philosophe et médecin persan Ibn Sina (Avicenne), élève d’al-Farabi, réalise l’intégration la plus systématique du rationalisme grec et de la pensée islamique — au détriment de plusieurs articles de foi orthodoxes, tels que la croyance en l’immortalité individuelle et en la création du monde. Il prétend également que la religion est simplement de la philosophie sous une forme métaphorique qui la rend acceptable par les masses, incapables de saisir les vérités philosophiques formulées de manière rationnelle. Ces opinions entraînent des attaques contre Avicenne, et la philosophie en général, par des penseurs islamiques plus orthodoxes et en particulier par le théologien al-Ghazali, dont l’ouvrage Critique des philosophes (Tahâfut al-Falâsifa) s’attache surtout au déclin de la spéculation philosophique rationaliste au sein de la communauté islamique. Ibn Ruchd (Averroès), philosophe et médecin andalou du xiie siècle, défend les opinions aristotéliciennes et néoplatoniciennes contre al-Ghazali et devient le philosophe musulman le plus important dans le monde occidental par son influence sur la scolastique chrétienne.

5.3

 

La mystique : soufisme et confréries musulmanes

Le mouvement mystique appelé soufisme apparaît au viiie siècle lorsque de petits cercles de musulmans, en réaction à l’attachement croissant aux biens terrestres de la communauté islamique, commencent à mettre l’accent sur la vie intérieure et sur la purification morale. Au cours du ixe siècle, le soufisme se transforme en une doctrine mystique, dont la communion directe ou même l’union extatique avec Dieu représente l’idéal. Cette aspiration à l’union mystique avec Dieu va à l’encontre de l’engagement islamique orthodoxe de monothéisme. Pour cette raison, le soufi al-Hallaj est mis au supplice en 922, à Bagdad. Les soufis importants tentent par la suite de réaliser une synthèse entre le soufisme modéré et l’orthodoxie et, au xie siècle, al-Ghazali parvient avec succès à introduire le soufisme au sein du sunnisme orthodoxe.

Au xiie siècle, le soufisme cesse d’être la recherche d’une élite instruite et se transforme en un mouvement populaire complexe. L’insistance des soufis sur la connaissance intuitive et l’amour de Dieu accroît l’appel de l’islam vers les masses, et permet dans une large mesure son extension, du Proche-Orient vers l’Afrique et l’est de l’Asie. Les fraternités soufies se multiplient rapidement. Le succès de ces confréries musulmanes est surtout dû aux aptitudes et à la générosité de leurs fondateurs et dirigeants qui non seulement pourvoient aux besoins spirituels de leurs adeptes, mais aident également les pauvres quelle que soit leur confession, et servent fréquemment d’intermédiaires entre le peuple et le gouvernement.

6

 

L’ISLAM ET LA SOCIÉTÉ

Mosquée de Samarra

Minaret de la grande mosquée de Samarra (848-852 apr. J.-C.), Irak.

SEF/Art Resource, NY

La vision islamique de la société est théocratique, au sens où le but de tous les musulmans est « la Loi de Dieu sur Terre ». Cependant, ceci n’implique pas de règles cléricales, bien que les autorités religieuses possèdent un rôle politique considérable dans certaines sociétés musulmanes. L’idée d’un modèle de société islamique est fondée sur l’interpénétration de toutes les sphères de la vie spirituelle, rituelle, politique et économique formant une unité indivisible. Cet idéal repose sur des notions telles que la « loi islamique » et l’« État islamique », et explique la forte emprise de l’islam sur la vie et les obligations sociales des croyants.

6.1

 

La société islamique

     

 

6.1.1

 

La communauté des fidèles (umma)

Le fondement de la société islamique est la communauté des fidèles (la umma), renforcée par les exigences de la pratique religieuse. La communauté doit être modérée et éviter tous les extrêmes. Au Moyen Âge, les autorités religieuses islamiques ont revendiqué un degré d’infaillibilité pour la communauté, qui a toutefois été limité par la domination occidentale sur les pays musulmans.

6.1.2

 

La famille

La première communauté islamique a eu pour but de renforcer la famille au détriment des anciennes loyautés tribales. Le Coran insiste sur la piété filiale et l’« amour et l’indulgence » entre époux. Les hommes et les femmes y sont déclarés égaux, bien que soit parallèlement signalé que les hommes bénéficient de plus de responsabilités (ayant notamment la charge d’assurer les moyens de subsistance du ménage). La fidélité sexuelle est rigoureusement exigée.

Le Coran prône des mesures destinées à améliorer la condition des femmes contemporaines de la Révélation (c’est-à-dire du viie siècle de notre ère). L’infanticide des filles, jadis dominant dans certaines tribus, est interdit ; les filles obtiennent une part de l’héritage, bien que cette part corresponde à la moitié de ce qui est alloué aux garçons. Le Coran recommande avec insistance de bien traiter les femmes et accorde aux épouses le droit de divorcer en cas de mauvais traitements.

Le Coran autorise la polygamie masculine dans la limite de quatre épouses, mais établit également que « si tu crains de ne pas être également juste envers les épouses, n’épouse qu’une seule femme ». L’abus de la polygamie et du droit des hommes, reconnu dans l’islam traditionnel, à répudier leur femme (même si sa conduite est irréprochable) a récemment conduit à la promulgation de lois familiales réformées dans la plupart des pays musulmans.

6.2

 

L’islam et les sociétés non musulmanes

 

6.2.1

 

La relation aux autres religions

Les musulmans n’ont généralement pas cherché à établir un dialogue fort avec les représentants des autres religions. Ce n’est que récemment que les autorités musulmanes ont engagé un dialogue avec des représentants du christianisme et du judaïsme, reconnus dans l’islam comme les deux autres religions du « Livre ».

La tradition islamique possède une règlementation précise pour les communautés musulmane, juive et chrétienne. En effet, l’islam divise théoriquement le monde en trois zones distinctes : dâr al-islâm (« la Maison de l’islam »), dâr al-sulh (« la Maison de la Paix », territoires non musulmans ayant conclu une trêve avec l’islam) et dâr al-harb (« la Maison de la Guerre », le reste du monde). Il distingue également trois catégories d’individus : les musulmans, les « gens du Livre » (ahl al-kitâb, détenteurs de l’Écriture) et les infidèles (kâfir, pluriel kâfirûn, c’est-à-dire les non croyants). Si, à l’origine, l’expression « gens du Livre » ne désignait que les juifs et les chrétiens, elle a par la suite été étendue à d’autres communautés monothéistes (par exemple, aux adeptes du zoroastrisme).

Historiquement, en terre d’islam (dâr al-islâm), les « gens du Livre » doivent se soumettre à l’autorité politique musulmane, ce qui leur permet de conserver leur foi et de pratiquer librement leur culte ; ils bénéficient d’un contrat de protection leur offrant le statut d’« hôtes protégés » (dhimmi), mais doivent payer un impôt de capitation (la jizya) rappelant leur situation d’infériorité juridique et financière. Pour ce qui est des non croyants, c’est-à-dire ceux que les musulmans ne reconnaissent pas comme « gens du Livre », ils doivent en principe se convertir à l’islam ou être réduits en esclavage. Cependant, cette loi a rarement été appliquée. Un converti à l’islam ne peut renoncer à sa nouvelle religion, qu’il soit un dhimmi ou un païen, car c’est un péché mortel que d’abandonner l’islam, même pour une religion dont la révélation est reconnue. Il n’en demeure pas moins que, si la religion a règlementé le statut de chaque individu au sein des terres islamiques, rien n’a été prévu pour les musulmans vivant hors du domaine de l’islam.

6.2.2

 

Le cas particulier du djihad

Le terme djihad, généralement traduit par « guerre sainte », désigne la lutte pour atteindre l’objectif islamique qui consiste à « réformer la Terre », ce qui peut comprendre l’usage de la force si nécessaire. Cependant, l’objectif prescrit du djihad n’est pas une expansion territoriale ou la conversion forcée des peuples à l’islam, mais l’hypothèse d’une puissance politique destinée à mettre en vigueur les principes de l’islam grâce à des institutions publiques. Le concept du djihad a néanmoins été employé par certains dirigeants médiévaux musulmans pour justifier des guerres déclarées par pures visées politiques. Progressivement cependant, le djihad a été interprété en termes plus défensifs qu’offensifs. Il n’en demeure pas moins qu’à partir du xxe siècle, le concept du djihad a inspiré une frange de la communauté musulmane dans son combat contre l’influence occidentale.

7

 

L’ISLAM ET LE MONDE MUSULMAN AUJOURD’HUI

     

 

7.1

 

Répartition de la communauté des fidèles

     

Musulmans priant face au mur qibla

Sur cette photographie historique, quatre musulmans prient en direction de la ville sainte de La Mecque, comme l'indique le mihrab du mur qibla. Ce cliché, réalisé par N. V. Bogaevskii en 1871-1872, a été pris dans une mosquée de l'ancien Empire russe, à Uroteppa (actuel Tadjikistan).

N.V. Bogaevskii/Corbis

Divisé en trois branches — le sunnisme largement majoritaire (environ 90 p. 100 des musulmans), le chiisme (près de 10 p. 100) et le kharijisme (moins de 1 p. 100) — le monde musulman est toujours constitué de la communauté des fidèles (la umma) qui, aujourd’hui, se répartit entre :

• des États souverains, dont le système politique peut être une monarchie (tels l’Arabie saoudite ou le Maroc) ou une république (Algérie, Turquie, Iran, Soudan, Indonésie, Pakistan, etc.) ;
• un État à population mixte (le Liban) ;
• des communautés importantes au sein de pays non musulmans (comme le Turkménistan, la Chine et la Malaisie, mais également les pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord).

L’islam est ainsi une communauté plurielle rassemblant une multitude de peuples, de nationalités, de langues, de cultures (arabes, berbères, irano-indiennes, turques, malaises, noirs africaines, etc.) autour d’une foi unique : la croyance en Dieu (Allah en arabe) et en son prophète Mahomet.

Mosquée au Tadjikistan

L'immense majorité de la population du Tadjikistan, composée à 62 p. 100 de Tadjiks, peuple d'origine iranienne, et à 28 p. 100 d'Ouzbeks, peuple de langue turque, est de confession musulmane sunnite. Sévèrement réprimée durant la période soviétique, la pratique de l'islam fut à nouveau autorisée au lendemain de l'indépendance du pays en 1991.

V. Khristoforov/TASS/SOVFOTO-EASTFOTO

Les musulmans se distinguent également par l’école juridique à laquelle ils se rattachent (les madhâhib, voir droit musulman), la principale étant le hanafisme (la plus souple, suivie par plus du tiers des croyants), puis le chafiisme, le malikisme et le hanbalisme (école très peu suivie).

7.2

 

Questions doctrinales et problématiques contemporaines

Sans pour autant ignorer ou masquer la pluralité et la complexité du monde musulman contemporain, il est possible d’y distinguer deux grandes tendances opposées : les traditionnalistes et les modernistes.

Les traditionalistes défendent une application rigoureuse de l’islam et une lecture littérale des textes révélés ; on utilise communément les termes d’islamistes (exigeant une stricte application de la loi islamique, la charia) et d’intégristes pour désigner ces musulmans traditionalistes, fondamentalistes et prosélytes. Pour exemple, l’application de la loi islamique est demeurée rigoriste en Arabie saoudite, où le wahhabisme (courant sunnite issu de l’école hanbalite) est la doctrine officielle depuis le xviiie siècle. Pour sa part fondé dans les années 1920, le mouvement des Frères musulmans (des sunnites traditionalistes intransigeants) cherche à « ré-islamiser » la communauté musulmane en créant un unique État islamique, combattant par la force toute influence occidentale, et ne reconnaissant que le Coran comme Constitution. Enfin, il est à noter que pour les plus extrémistes, la foi en l’islam doit être valorisée par le sang des martyrs et la guerre sainte (djihad).

Face à ces différents développements du traditionalisme islamique, les modernistes affirment pour leur part que l’islam — religion tolérante et rationnelle — n’est pas hostile au progrès, à l’innovation, et à sa propre évolution pour s’adapter au monde contemporain. La réflexion contemporaine se porte notamment sur le statut de l’individu et plus particulièrement sur celui de la femme, dont la vie est fortement règlementée par la loi et la tradition. Bien que ces réflexions ne correspondent à aucun mouvement d’ensemble dans le monde musulman, il est notable que des applications plus souples de la loi islamique aient été mises en place dans de nombreux États souverains.

 

8. LIEUX SAINTS

8.a.Jérusalem

 

1

 

PRÉSENTATION

Dôme du Rocher

Situé dans le quartier musulman de Jérusalem, le dôme du Rocher, également appelé mosquée d'Omar, lieu supposé de l'ascension de Mahomet, est l'un des grands lieux saints de l'islam. Il s'élève à l'emplacement de l'ancien Temple de Jérusalem, dont seul subsiste le mur des Lamentations.

Richard Nowitz

Jérusalem, en hébreu Yerûshâlâyîm et en arabe al-Quds, ville du Proche-Orient, capitale déclarée d’Israël (non reconnue par la communauté internationale) et principale ville du pays, capitale de la Judée, située à 800 m d’altitude entre la mer Méditerranée et la mer Morte, à environ 93 km à l’est de Tel-Aviv-Jaffa.

Centre administratif et religieux, la ville possède quelques industries, cantonnées dans ses faubourgs, et tire l’essentiel de ses recettes du tourisme, notamment des pèlerinages chrétiens ; en effet, ville sainte de trois religions, le judaïsme, le christianisme et l’islam, Jérusalem, dotée d’une atmosphère unique, est chargée d’histoire et de symboles.

2

 

PAYSAGE URBAIN

Jérusalem (plan de la ville)

© Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

La ville de Jérusalem s’est développée autour du noyau de la vieille ville, entourée de murailles percées de portes, vestiges des constructions ottomanes du xvie siècle, divisée en quartiers arménien, chrétien, juif et musulman. Le quartier chrétien, au nord-ouest, où se trouve la porte Neuve, est limitrophe de la porte de Jaffa, dans le quartier arménien au sud-ouest, et de la porte de Damas, dans le quartier musulman au nord. Dans le quartier musulman, partie nord-est de la vieille ville, se trouve la porte d’Hérode, la porte de Saint-Étienne et la porte Dorée, à l’est de laquelle se situent le mont des Oliviers et le jardin de Gethsémani. Le quartier juif, au sud-est, est fermé par la porte de Sion, qui ouvre sur le mont Sion et la tombe du roi David. Dans le même quartier se trouve la porte Double. La vieille ville représente pour les chrétiens le lieu sacré où Jésus-Christ vécut ses derniers jours sur Terre. Elle est sacrée pour les juifs en tant que symbole historique de la patrie juive et capitale du premier royaume juif. Elle l’est également pour les musulmans en tant que point de départ de l’ascension au ciel du prophète Mahomet. Tout autour de la vieille ville se trouve la ville nouvelle, qui s’est développée à partir du milieu du xixe siècle. Elle s’étend sur les collines environnantes jusqu’aux cités-jardins, puis au désert. Ses larges avenues et ses immeubles modernes d’habitations et de bureaux contrastent avec les ruelles étroites et les bâtiments souvent vétustes de la vieille ville. C’est dans cette partie moderne de la ville que se trouvent les bâtiments de la Knesset, le Parlement israélien et les ministères, et que se concentre l’essentiel de la population juive de Jérusalem.

3

 

ART ET ARCHITECTURE

Mur des Lamentations

Unique vestige du second Temple de Jérusalem, le mur des Lamentations est un lieu sacré de pèlerinage pour les juifs.

Tony Souter/Hutchison Library

Lieu de rencontre des trois principales religions monothéistes, Jérusalem possède un patrimoine artistique et architectural exceptionnel. Pour les juifs, c’est avant tout le Mur des Lamentations, unique vestige de la muraille ouest du grand Temple, construit par Hérode le Grand, qui donne à la ville sa valeur religieuse. Les fouilles archéologiques ont par ailleurs mis au jour plusieurs nécropoles juives et le tombeau de la famille d’Hérode. Pour les chrétiens ce sont des lieux tels que le mont des Oliviers, l’église du Saint-Sépulcre, bâtie au-dessus de la basilique du IVe siècle, elle-même érigée au-dessus de l’emplacement du tombeau traditionnel du Christ, le tombeau des Prophètes ou encore le tombeau de la Vierge Marie, qui font de Jérusalem un lieu saint. Pour les musulmans, ce sont le dôme du Rocher, également appelé mosquée d’Omar, bâti sur le mont Moriah, lieu supposé de l’ascension au ciel de Mahomet et la mosquée al-Aqsa, l’un des sanctuaires les plus sacrés de l’islam. La ville compte aussi la Citadelle, construction du xive siècle, occupant le site de la forteresse d’Hérode, des vestiges de l’époque romaine et, dans sa partie nouvelle, de nombreux sites intéressants : musée archéologique, musée d’Israël, musée islamique, l’université hébraïque (1918), de nombreuses synagogues, églises et mosquées.

4

 

HISTOIRE

 

4.1

 

Les origines

Plan de la vieille ville de Jérusalem

© Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Le site de Jérusalem fut habité dès la préhistoire. Les premiers habitants en furent chassés entre 5000 et 4000 av. J.-C., par un peuple appelé les Cananéens dans l’Ancien Testament. Les envahisseurs, un peuple de différentes composantes où les Jébuséens dominaient, tombèrent sous la domination égyptienne au XVe siècle av. J.-C., au cours des conquêtes du roi Thoutmosis III. Puis, en 1250 environ av. J.-C., les Hébreux commencèrent la conquête de Canaan. Pourtant, Jérusalem, abritée derrière de remarquables fortifications, ne tomba que deux cents ans plus tard, lorsque David s’en empara quelques années après avoir reçu l’onction et avoir été sacré roi d’Israël.

4.2

 

La Ville sainte des juifs

Selon l’Ancien Testament, David décida de faire de Jérusalem sa résidence et la capitale de son pays. Le nouveau roi y fit apporter l’arche d’Alliance depuis Qiryat Ye’crim (Lieu saint de l’époque, à l’ouest de Jérusalem) et l’installa dans un tabernacle neuf. Il fit bâtir un nouveau palais et renforça les fortifications de la ville. Le fils et successeur de David, Salomon, poursuivit le développement de la ville. Il fit construire une muraille et de nombreux bâtiments d’une splendeur inconnue jusqu’alors en Israël : le Temple et le nouveau palais royal, entouré d’un mur. Le palais, érigé sur des terrasses successives, comprenait une maison, construite avec des poutres de cèdre et des piliers apportés des forêts du Liban, une salle du trône, des appartements princiers et une prison. Surélevés par rapport au nouveau palais, les cours et les bâtiments du Temple furent construits en cèdre et en pierre. Dans la cour se trouvait l’autel des sacrifices et une « mer en fusion » ou réservoir à eau en bronze.

Jérusalem poursuivit son expansion après le règne de Salomon jusqu’à ce que les dix tribus du nord d’Israël se dégagent de la souveraineté de la maison de David pour former le royaume d’Israël. La ville, désormais capitale des tribus de Juda et Benjamin, déclina fortement. Menacée pendant deux siècles par des sièges et des expéditions militaires, ce n’est que sous les règnes du roi Uzziah de Judée (783-742 av. J.-C.) et de son fils Jotham (742-735 av. J.-C.) que la ville put retrouver son prestige ancien. De cette période à l’ascension de la puissante famille Maccabée, environ six siècles plus tard, l’histoire de Jérusalem se confond étroitement avec celle du peuple juif. Sous les Maccabées, Jérusalem entra dans une ère de prospérité sans précédent et devint la Ville sainte du judaïsme et le grand lieu de pèlerinage du monde juif.

4.3

 

L’occupation romaine

La conquête de Jérusalem par les Romains, sous le général Pompée le Grand, en 63 av. J.-C., n’entraîna pas de dégâts matériels importants. La ville atteignit sa plus grande prospérité sous le règne de Hérode le Grand, reconnu roi des Juifs par les Romains. En plus d’une reconstruction somptueuse et coûteuse du Temple, le roi Hérode entreprit la construction d’un nouveau palais, à l’ouest de la ville, d’un hippodrome, d’un théâtre et d’un réservoir important. Moins d’un siècle plus tard, pourtant, pendant une rébellion juive contre l’autorité romaine, Titus, fils de l’empereur romain Vespasien, prit et rasa la ville en 70 apr. J.-C. Seuls quelques vestiges des fortifications à l’ouest demeurèrent.

En 130 apr. J.-C., l’empereur romain Hadrien visita Jérusalem, pour la plus grande partie en ruines, et commença sa reconstruction. L’insurrection désespérée des juifs, menée par Simon Bar Kocheba contre les Romains entre 132 et 135, décida l’empereur à faire de Jérusalem une ville vidée de son sens religieux et d’en interdire l’accès aux juifs. La nouvelle ville reçut le nom d’Aelia Capitolina. Son mur d’enceinte fut construit sur le tracé de l’ancienne muraille, excepté au sud, où une partie importante de la ville initiale fut rasée.

4.4

 

Une ville chrétienne conquise

On sait peu de chose sur l’histoire de la ville entre l’époque de Hadrien et celle de l’empereur romain Constantin le Grand, sous lequel le christianisme devint religion impériale (313). La proportion de chrétiens dans la population de Jérusalem augmenta progressivement et les pèlerins affluèrent dans la ville. L’église du Saint-Sépulcre fut édifiée sur ordre de Constantin, puis, au siècle suivant, l’église de Saint-Étienne, au nord de la ville, fut construite par l’impératrice d’Orient Eudoxie, qui fit également rebâtir la muraille sud de la ville et la grande église de Sainte-Marie, sur la colline du Temple.

La ville chrétienne, après avoir été prise par les Perses, sous le règne de Khosro II en 614, reprise par l’empereur byzantin Heraclius en 628 échut, en 637, aux musulmans sous le califat d’Omar Ier. Un sanctuaire, le dôme du Rocher, fut élevé au-dessus du rocher réputé être le lieu de l’autel du Temple de Salomon. Les chrétiens furent traités avec indulgence, mais lorsque les califes égyptiens fatimides prirent Jérusalem en 969, leur situation devint plus précaire. Les Turcs Seldjoukides firent la conquête de la ville en 1078. La destruction de l’église du Saint-Sépulcre fut l’un des motifs des croisades. En 1099, les croisés, commandés par le Français Godefroi de Bouillon, prirent la ville et massacrèrent un grand nombre de ses habitants. Jérusalem devint de nouveau une ville chrétienne et la capitale d’un royaume chrétien jusqu’à sa prise, en 1187, par le chef musulman Saladin. Cette nouvelle conquête mit pratiquement fin à l’administration chrétienne. Au xiiie siècle, Jérusalem fut occupée par les mamelouks égyptiens et perdit progressivement son importance jusqu’au xixe siècle.

4.5

 

Jérusalem contemporaine

Pendant ces siècles toutefois, de nombreux juifs, fuyant la persécution en Europe, revinrent à Jérusalem. À la fin du xixe siècle, ils étaient devenus majoritaires dans la population. La ville fut prise par les forces britanniques en 1917 et fut administrée, de 1922 à 1948, dans le cadre du mandat britannique en Palestine. Après la création de l’État d’Israël, en 1948, Jérusalem devint le lieu d’âpres combats entre Juifs et Arabes. L’Assemblée générale des Nations Unies, dans son projet du 29 novembre 1947, avait proposé que Jérusalem et ses environs soient déclarés enclave internationale. L’objectif était de garantir un libre accès à tous les groupes religieux aux lieux saints de la ville. Cependant, au printemps de 1948, les armées israélienne et jordanienne s’emparèrent successivement de Jérusalem. Israël occupa la partie ouest de la ville, où se trouvent les quartiers modernes résidentiels et d’affaires, et la Jordanie, la partie est, comprenant la vieille ville. Les forces israéliennes contrôlaient, en outre, un couloir d’accès sur la côte, s’étendant jusqu’à Tel-Aviv-Jaffa. L’armistice signé le 3 avril 1949 entérina cette division de la ville entre les deux États rivaux. En 1950, la ville nouvelle devint la capitale d’Israël. Au cours de la guerre des Six Jours, en juin 1967, les forces israéliennes s’emparèrent de la vieille ville et la Knesset décréta unilatéralement la réunification de la ville entière. Cette réunification fut confirmée par la Knesset en 1980, lorsque la ville fut déclarée « capitale éternelle » d’Israël.

Population (2004) : 701 512 habitants.

 

8.b. Kaaba

Kaaba, lieu saint de l'islam, structure en pierre d'une seule pièce, en forme de cube, située au centre de la Grande Mosquée de La Mecque, en Arabie Saoudite.

Elle est présente dans la tradition islamique et était déjà un lieu de pèlerinage et considérée comme le sanctuaire le plus important (de l'arabe, haram) de l'Arabie prémusulmane. Selon la tradition musulmane, la Kaaba a été construite par les prophètes Abraham et Ismaël, dont descendent les Arabes. Lors du pèlerinage annuel (hadj), l'un des cinq piliers de l'islam, les fidèles effectuent sept fois le tour de la Kaaba (la circumambulation ou tawaf). La Pierre noire, scellée dans l'angle oriental de la structure, est solennellement baisée, à chaque passage, par tous les pèlerins.

Pour les musulmans, la Kaaba est la « maison de Dieu », où le divin touche le terrestre. Elle est lavée une fois par an et recouverte d'un tissu de soie noir. La Kaaba a été agrandie depuis l'époque de Mahomet : une cour a depuis été construite autour et une porte en or a été ajoutée.

 

8.c. Kerbela

Kerbela, ville du centre de l’Irak, capitale de la province de Kerbela, au bord du désert de Syrie.

Elle est reliée par un canal au Hindiyah, une branche de l’Euphrate. Les principales activités industrielles sont la fabrication de textiles et de chaussures, et l’industrie alimentaire. Kerbela, une des principales villes saintes de l’islam, est le centre de pèlerinage des musulmans chiites. En effet, au centre de la ville se trouve le tombeau de Hussein, deuxième fils d’Ali et de Fatima (fille de Mahomet) assassiné à Kerbela. Gravement endommagée durant la guerre du Golfe, Kerbela fut le théâtre en mars 1991 d’une lutte entre les rebelles chiites et les unités de la garde républicaine fidèles au dirigeant irakien Saddam Hussein. Au bout de deux semaines d’âpres combats, les rebelles furent vaincus.

Population (1987) : 296 705 habitants.

 

8.d.La  Mecque

 

1

 

PRÉSENTATION

Mecque, La, en arabe Makka, ville de l’ouest de l’Arabie saoudite, dans le Hedjaz, à proximité du port de Djeddah.

2

 

HAUT LIEU DE PÈLERINAGE MUSULMAN

Grande Mosquée de La Mecque (Arabie saoudite)

Capitale religieuse de l'islam, La Mecque est la ville natale du prophète Mahomet. La ville, interdite aux non-musulmans, constitue un haut lieu de pèlerinage dans l'islam. La Grande Mosquée contient une immense cour quadrilatérale, nommée al-Haram. Au centre de celle-ci, la Kaaba — édifice cubique et aveugle — abrite la Pierre noire, vers laquelle se tournent les musulmans pour prier.

Mehmet Biber/Photo Researchers, Inc.

Ville natale du prophète Mahomet, fondateur de l’islam, La Mecque, interdite aux non musulmans, est la capitale religieuse et le plus grand centre de pèlerinage de l’islam — le pèlerinage à La Mecque (hadj) est l’un des cinq piliers de l’islam. De surcroît, La Mecque indique la direction (qibla) dans laquelle doit se tourner tout musulman pour les prières quotidiennes.

Pèlerins à la Kaaba

La Kaaba est l'édifice de La Mecque dans lequel se trouve la Pierre noire, le point d'orientation vers lequel se tournent les musulmans pour prier.

Mehmet Biber/Photo Researchers, Inc.

Située au carrefour de plusieurs routes commerciales, La Mecque est une importante ville d’échanges depuis des siècles. La Grande Mosquée abrite la Kaaba, un édifice cubique aveugle situé dans la cour d’al-Haram qui, selon le Coran, aurait appartenu à Abraham. Dans le coin sud-est de la Kaaba est scellée la Pierre noire (probablement une météorite), que l’archange Gabriel aurait donnée à Abraham et vers laquelle se tournent les musulmans pour prier. Le puits sacré appelé le Zamzam, qui est supposé avoir été utilisé par Agar (la servante d’Abraham et mère d’Ismaël), se situe également dans l’enceinte de la mosquée.

3

 

HISTOIRE

La ville de La Mecque est mentionnée pour la première fois par le géographe égyptien Ptolémée, qui l’appelle Makoraba au iie siècle apr. J.-C. Mahomet y fait ses premières prédications et en fait, en 630, le centre de l’islam. Sous les Omeyyades (661-750) et les Abbassides (750-1258), la ville est gouvernée par un membre de la famille du calife. Elle est saccagée en 930 par les Qarmates, qui en ôtent la Pierre noire et la conservent pendant huit ans. La ville sainte est conquise par les Égyptiens au xiiie siècle puis, au xvie siècle, par les Ottomans tout en restant administrée par les chérifs alides de la lignée de Hassan (fils d’Ali et de Fatima). De 1813 à 1840, la ville tombe sous la domination de Méhémet Ali, qui la restitue au sultan en 1840. En 1916, le chérif Hussein ibn Ali se révolte contre la domination turque et se déclare indépendant. Il est chassé de la ville, en 1924, par Ibn Séoud, alors sultan du Nejd, qui fait de La Mecque la capitale religieuse de l’Arabie saoudite.

Population (2004) : 1 294 168 habitants ; agglomération : 1 446 419 habitants.

 

8.e. Médine

Médine, en arabe al-Madina ou Madinat al-Nabi, ville d’Arabie saoudite, chef-lieu de province, située dans le Hedjaz, à 594 m d’altitude.

Centre d’une riche oasis, c’est une cité caravanière et un marché agricole actif. Médine est surtout une ville sainte de l’islam, où des milliers de pèlerins viennent, chaque année, se recueillir sur le tombeau du prophète Mahomet, qui repose dans la mosquée du Prophète (qui date du début viie siècle), dans la partie orientale de la ville. La mosquée contient également les tombes de la fille de Mahomet, Fatima, et d’Umar Ier, second calife orthodoxe de l’Empire musulman. Médine projette actuellement de reconstruire la ligne ferroviaire du Hedjaz, qui la relia à Damas (en Syrie).

Dans l’Antiquité, Médine était connue sous le nom de Yathrib. Le géographe grec Ptolémée la désignait comme Lathrippa au iie siècle apr. J.-C. Le prophète Mahomet s’y réfugia en 622, au début de l’Hégire. Médine fut la capitale religieuse du monde musulman jusqu’en 661, année du transfert du califat à Damas. Plus tard, la cité fut occupée par les Égyptiens, puis par les Turcs ottomans. Ces derniers furent chassés, en 1919, par les troupes d’Hussein ibn Ali, cheikh de La Mecque, puis premier roi du Hedjaz. En 1924, les forces d’Hussein furent défaites par Abdul Aziz ibn Séoud, émir du Nedjd. La ville de Médine fut incorporée au royaume d’Arabie Saoudite en 1932. Medina-en-Nabi, signifie en arabe, « cité du Prophète » et Medina Řasul Allah « cité de l’Apôtre de Dieu ».

Population (2004) : 918 889 habitants.

 

8.f. Nadjaf

Nadjaf, ville du sud de l’Irak, située dans la province du même nom, près de l’Euphrate, à 160 km environ au sud-ouest de Bagdad.

Également appelée Al Nadjaf, Nadjaf (parfois orthographiée Najaf ou Nedjef) a été fondée par le calife abbasside Haroun al-Rachid au viiie siècle, sur le site putatif de la sépulture d’Ali (cousin et gendre de Mahomet), quatrième calife de l’islam et imam des chiites. Au xe siècle, un grandiose mausolée a été érigé en l’honneur de celui-ci. À ce titre, Nadjaf est l’un des principaux lieux de pèlerinage des musulmans chiites.

Population (estimation 2003) : 585 000 habitants.

 

 

9. NOTIONS

 

 9.a. Allah

 

1

 

PRÉSENTATION

Allah (Dieu en arabe), Dieu unique et créateur de l'univers dans la religion musulmane.

Le concept de divinité dans l'islam présente de nombreux points communs avec ceux du judaïsme et du christianisme. Dieu est considéré comme unique (ahad), parfait et éternel (samad), omnipotent et le créateur du cosmos. Les musulmans accentuent traditionnellement l'importance de l'unité et de l'unicité absolue de Dieu. Dans les polémiques qui opposent les différentes tendances islamiques, et celles qui séparent les musulmans des autres religions monothéistes, chacun a souvent accusé ses opposants de suivre des doctrines incompatibles avec l'identité de Dieu. On a privilégié ici l'interprétation mutazilite (IXe siècle), minoritaire au sein de l'islam, pour sa dimension critique en théologie.

2

 

LES NOMS DE DIEU DANS L'ISLAM

Des explications contradictoires sur les origines du mot arabe Allah, qui est apparenté au nom donné à Dieu dans les autres langues sémites, ont été avancées. La plus reconnue indique qu'il s'agit de la contraction de al-ilah, « le dieu ». On suggère que les arabes païens de l'Arabie pré-islamique, bien que vénérant plusieurs dieux, ont fini par poser l'existence d'un dieu supérieur aux autres, souvent désigné simplement par « le dieu ». Mahomet (Mohammed) utilisa ensuite ce nom existant pour se référer au seul et unique Dieu dont il était l'un des Prophètes.

L'islam emploie fréquemment d'autres noms pour se référer à Dieu. Ils expriment généralement des qualités ou caractéristiques particulières attribuées à Dieu. Parmi les plus connus, on peut citer ar-Rahman (« l'Origine ») et ar-Rahim (« le Compatissant »). On affirme généralement qu'il existe 99 noms par lesquels on désigne Allah, qui sont « les plus beaux noms de Dieu ». Les musulmans se donnent fréquemment des noms patronymiques formés par l'un des noms de Dieu précédé du terme abd (« serviteur de ») : Abd Allah, Abd al-Rahman, Abd al-Rahim, etc.

3

 

THÉOLOGIE : PUISSANCE DIVINE ET LIBERTÉ HUMAINE

La formalisation d'une théologie développée et complexe, c'est-à-dire d'un ensemble d'écrits qui étudie les problèmes concernant la nature de Dieu et ses relations avec le monde, fut l'un des principaux soucis des successeurs de Mahomet, dans les premiers temps de la nouvelle religion. Dans la religion islamique, la théologie en qualité de discipline est généralement appelée kalam (littéralement « débat » ou « argumentation »). Les concepts, la terminologie et les thèmes du kalam influencèrent les théologies juive et chrétienne lorsqu'elles se sont développées en arabe dans le monde islamique.

L'un des principaux problèmes abordés dans le kalam est la question de savoir si les actions humaines dépendent de la volonté humaine ou sont prédéterminées par Dieu. D'une part, Dieu est considéré comme la cause et le créateur de toute chose, qui sait et prévoit tout ; d'autre part, il est enseigné que Dieu tiendra les hommes pour responsables de leurs actes et les récompensera ou les punira selon le cas. Si l'on insiste formellement sur la puissance de Dieu, il existe un risque de le décrire comme omnipotent et donc source du Bien mais aussi du Mal, ce qui est évidemment sacrilège. Si l'on souligne la responsabilité humaine dans les actes, on court le risque de refuser la toute-puissance de Dieu.

Certains théologiens musulmans rationalistes, en particulier ceux qui appartiennent à l'école de Mutazila, qui s'est développée au IXe siècle, insistent sur la libre volonté humaine. Ils avancent que la justice est une caractéristique nécessaire de toute définition de Dieu et que, puisque Dieu doit être juste, les êtres humains doivent pouvoir choisir entre le Bien et le Mal. Les opposants à la Mutazila soutiennent que cette opinion met des limites inacceptables à la puissance de Dieu, et que la justice n'est pas une abstraction de la volonté divine. Si Dieu l'avait souhaité, Il aurait pu établir un ordre moral, ce qui va à l'encontre de ce qui existe actuellement. Le devoir de l'Homme est d'obéir à la loi de Dieu telle qu'Il l'a révélée par le Prophète.

Différentes positions de compromis cherchant à concilier l'omnipotence divine et la responsabilité humaine dans les actes ont été développées. La plus connue, adoptée par de nombreux musulmans sunnites, est associée à l'école d'al-Ashari. Elle affirme que Dieu est le créateur de toute chose et par conséquent la source suprême des actions humaines, mais l'individu est responsable de ses actes parce qu'il les « acquiert ». Ce concept d'« acquisition » est la caractéristique principale de l'approche d'al-Ashari du problème de savoir comment concilier l'omnipotence divine et la libre volonté humaine.

4

 

LES ATTRIBUTS DE DIEU

Un autre problème préoccupe les théologiens musulmans marqués par la philosophie et l'aristotélisme : peut-on dire que Dieu possède des « attributs » et, dans ce cas, comment les relier à la nature ou à l'essence divine ? Le kalam est né dans une atmosphère profondément influencée par les idées philosophiques de la Grèce antique et leur développement ultérieur. La différence qui existe entre l'essence et les attributs dans des entités fut une caractéristique de ces idées. En ce qui concerne Dieu, le problème était de savoir si on peut parler, par exemple, de Sa vue, de Son ouïe ou de Son Verbe sans impliquer qu'Il est plus qu'un. Si nous considérons que Dieu peut voir comme un attribut non créé, distinct de Son essence, comme le prétendent certains, nous disons effectivement qu'Il est plus qu'une entité existante non créée. Si être non créé est une caractéristique uniquement divine, nous dirions alors qu'il y a plus d'un Dieu. La doctrine mutazilite reconnaît à Dieu une transcendance absolue et les références anthropomorphiques du texte sacré sont à prendre au figuré et nécessitent donc une interprétation.

Le Coran fait mention de la doctrine chrétienne selon laquelle Jésus est le Verbe de Dieu non créé : les théologiens qui rejetaient la possibilité d'attributs non créés distincts de l'essence divine peuvent avoir été influencés par le désir d'éviter ce qu'ils considéraient comme du polythéisme dans la doctrine chrétienne de la Trinité. Une fois encore, l'école théologique de Mutazila, qui insistait sur l'unité divine et la divine justice, fut la première à rejeter la possibilité que Dieu ait possédé des attributs non créés distincts de Son essence.

Le débat sur les attributs présente de nombreux aspects. Il a été associé à une discussion sur la question de savoir si le Coran est créé ou non créé. Dans la religion islamique, le Coran est considéré comme la parole de Dieu (kalam Allah). Comme le Verbe est un attribut, l'école de Mutazila et d'autres ont souligné le fait que le Coran ne peut pas être non créé mais a été créé par le temps. Les traditionalistes refusèrent d'accepter cette théorie, et furent amenés à contredire la Mutazila en affirmant que le Coran est non créé. Ils remportèrent finalement le débat, et leur opinion fut acceptée dans la théologie de l'islam sunnite. D'autres groupes musulmans ont admis que le Coran a été créé avec le temps.

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COMMENT PARLER DE DIEU ?

L'un des autres aspects de la discussion concerne la forme de langage employée pour parler de Dieu. Les monothéistes se satisfaisaient généralement de parler de Dieu de manière anthropomorphique. Dans la Bible et le Coran, Dieu est décrit siégeant sur un trône, la main tendue, avec un visage, etc. La Mutazila et ceux qui partageaient ses opinions considérèrent cette forme de langage comme inappropriée et inacceptable. Elle implique à la fois que Dieu possède des attributs et, comme on le compare à sa création, que ceci mène à une conception trop limitée de la divinité. Certains ont avancé, comme les adeptes chrétiens de la via negativa, que personne ne peut voir la face positive de Dieu mais seulement ce qu'Il n'est pas. Un débat, en rapport avec cette discussion sur le langage anthropomorphique, s'est développé pour savoir si le croyant verrait Dieu après la mort. L'opinion traditionnelle, qui se réfère, pour preuve, à un verset coranique, prétend que oui ; la Mutazila, elle, pensa que cette conception impliquait une idée fausse sur la nature de Dieu et tenta d'expliquer le verset du Coran comme une sorte de métaphore.

Comme dans le débat relatif à la prédétermination divine et la libre volonté humaine, le contraste initial absolu entre l'école de Mutazila et ses opposants traditionalistes a finalement entraîné différentes traditions de compromis. Les traditionalistes ont insisté sur la réalité des attributs, mais sans préciser comment elle intervenait et sans établir de comparaison entre Dieu et ses créatures. Les adeptes d'al-Ashari ont plus tard formulé une doctrine qui admet la réalité des attributs dans l'essence divine et ont insisté sur le fait qu'ils ne sont pas identiques à Dieu mais également non distincts de lui.

Ces débats n'ont pas été menés à un niveau purement intellectuel et théorique. Ils étaient liés aux conflits politiques qui concernaient le problème fondamental de la nature et de la source de l'autorité religieuse dans l'islam. Dès le Prophète, l'islam s'inscrivait dans une histoire où le politique et le religieux étaient indissociablement liés. Dans la première moitié du IXe siècle, la Mutazila fut soutenue par le califat, et sa doctrine théologique considérée comme l'orthodoxie. Cependant, leurs opposants traditionalistes qui refusaient également que les califes disposent de l'autorité religieuse l'emportèrent finalement. Leurs idées devinrent dominantes dans l'islam sunnite, où elles continuèrent à être développées et systématisées de façon de plus en plus complexe. De nombreux points de vue de la Mutazila furent adoptés par le chiisme et d'autres groupes opposés aux sunnites.

Dans les premiers siècles de l'islam, l'existence de Dieu était simplement admise comme un fait évident. Vers le XIe siècle (Ve siècle de l'Hégire), cependant, le développement de la philosophie par quelques penseurs musulmans parut ne pas rendre l'existence de Dieu nécessaire. À cette époque, les pensées philosophiques avaient été fortement influencées par l'aristotélisme, et Aristote semblait enseigner que le monde était non créé et éternel. C'est probablement pour lutter contre cette doctrine que différents arguments en faveur de l'existence de Dieu furent exprimés. Ils ressemblent beaucoup à ceux que l'on trouve dans la théologie chrétienne : des arguments soulignant le besoin d'une cause initiale, des arguments concernant le conception de l'univers, d'autres fondés sur la caractère entièrement contingent des choses créées.

 

9.b.  Aman

Aman, dans le Livre d’Esther de l’Ancien Testament, ministre influent du roi perse Assuérus. Il veut exterminer les Juifs, alors que l’un d’eux, Mardochée, refuse de s’incliner devant lui. Esther, épouse du roi et fille adoptive de Mardochée, intervient et sauve le peuple juif.

Aman est puni par le roi et monte sur la potence qu’il a préparée pour Mardochée.

 

9.c. djihad

 

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PRÉSENTATION

djihad, propagation et défense de l’islam.

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SIGNIFICATION

Djihad signifie en arabe « exercer ses plus grands efforts pour atteindre le règne de Dieu ». En tant que religion universaliste, l’islam se doit d’être propagé sans discontinuer par la communauté musulmane sur toute terre non musulmane, jusqu’à s’étendre au monde entier. Pour parvenir à ce but, différents versets du Coran recommandent, soit de mener une propagande persuasive, soit de combattre toute attaque contre l’islam. Le djihad est donc avant tout une obligation religieuse communautaire. Selon la doctrine traditionnelle, combattre pour le djihad est un acte de « dévotion pure » (ikhlas), et ceux qui se sont « sacrifiés » deviennent les « témoins » (shahuda) et se voient accorder une place « immédiate » au paradis.

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GRAND DJIHAD ET PETIT DJIHAD

Les musulmans distinguent deux sortes de djihad : le « grand djihad » (al-djihad al-akbir) et le « petit djihad » (al-djihad al-asghir).

Le grand djihad, également appelé djihad al-nafs, désigne la lutte intérieure, spirituelle, de l’individu contre le vice, la passion et l’ignorance.

Le petit djihad est défini comme la « guerre sainte » contre les pays et les sujets infidèles (non-musulmans). Il a une signification légale et doctrinale prescrite par le Coran et les hadiths (récits des paroles et des actions de Mahomet).

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LA « GUERRE SAINTE »

La « guerre sainte » est l’unique forme de guerre qui est théoriquement admissible par l’islam. Pour entrer en djihad contre un État qui ignore l’islam ou qui le rejette hors de ses frontières, un appel (dawa) doit lui être lancé ; s’il n’en tient pas compte, la loi islamique, selon les interprétations, appelle à entrer en guerre contre cet État, les armes à la main, ou considère que la lutte armée n’est qu’une des modalités du djihad, et préconise le prosélytisme et la propagande missionnaire. Les livres de la loi précisent que les non-combattants, femmes, enfants ou moines, doivent bénéficier du respect des musulmans.

Le djihad peut également avoir un caractère défensif, comme cela a été le cas lors des croisades chrétiennes en Terre sainte au Moyen Âge ou lors de la Reconquista (reconquête) espagnole. Certains savants musulmans modernes ont mis en avant l’aspect défensif du djihad par rapport aux autres aspects.

 

9.d.  houri

houri (de l'arabe huriyah), dans l'islam, une des femmes de grande beauté qui résident au paradis et accordent aux fidèles vertueux des plaisirs sensuels après la mort. Les houris sont éternellement jeunes et pures, bien qu'elles aient le pouvoir de concevoir et de porter des enfants selon le désir du croyant. Les théologiens musulmans modernes, outrés par la vision excessivement sensuelle du paradis que suggère le concept des houris, tentèrent d'en proposer une interprétation allégorique.

 

9.e.  Organisation de la conférence islamique [OCI]

Organisation de la conférence islamique [OCI], association de 57 États arabes, créée en vue de favoriser la solidarité entre ses membres et d'encourager la coopération économique, sociale, culturelle et scientifique.

Elle vise également à éliminer la ségrégation et la discrimination raciales, à prendre les mesures qui s'imposent pour soutenir la paix et la sécurité internationales, à coordonner les efforts pour préserver les Lieux saints, à soutenir la lutte menée par le peuple palestinien pour vivre en paix dans un territoire aux frontières reconnues, à défendre les droits des pays musulmans, et à créer une atmosphère propice à la coopération et à la compréhension entre les États membres et les autres pays.

L'OCI a été fondée en 1969 et son organe suprême est la conférence des chefs d'État, qui se réunit tous les trois ans. Elle est gérée par la conférence des ministres des Affaires étrangères qui se réunissent annuellement pour préparer les rapports et discuter des moyens d'appliquer la politique. Le siège administratif de l'OCI est le secrétariat général, basé à Jeddah, en Arabie saoudite. Il est chargé, entre autres, de fournir l'aide nécessaire aux nombreux organismes subsidiaires spécialisés de l'organisation, comme le Centre islamique pour le développement et le commerce, et la Banque islamique de développement.

Les grandes priorités politiques de l'OCI sont la Palestine, l'Afghanistan, les minorités musulmanes et les mouvements de libération africains. L'un de ses objectifs économiques majeurs est la création d'un marché commun islamique, qui renforcerait la coopération entre États membres et améliorerait leur position collective face au reste du monde. Les objectifs sociaux englobent la construction et l'équipement de nouvelles écoles, la création de nouvelles universités et le soutien des organismes de santé et d'aide sociale.

 

1O. LES RELIGIEUX

10.a.  ayatollah

ayatollah, titre honorifique réservé aux principaux juristes (mudjahid) chez les musulmans chiites imamites.

Le titre d’ayatollah (de l’arabe Ayat Allah, « signe miraculeux de Dieu ») revêt une importance particulière chez les Iraniens et n'est généralement pas utilisé par les chiites imamites du monde arabe (comme en Irak, au Bahreïn et au Liban) ou du sous-continent indien.

Depuis le XVIIe siècle, il existe une hiérarchie élitiste parmi les juristes imamites, contrairement à leurs homologues sunnites. Ceux qui se trouvent au sommet de cette hiérarchie sont généralement appelés marja al-taqlid (« source de référence pour l'émulation »), un titre qui se réfère au caractère engagé des pouvoirs de ces juristes sur les autres juristes, ou docteurs de la loi.

Le titre d'« ayatollah » n'est apparu en Iran comme synonyme de marja al-taqlid qu'à partir du XIXe siècle, bien que les imamites iraniens accordent rétrospectivement cet honneur à des juristes influents de périodes plus anciennes. Depuis le XXe siècle, le titre désigne pratiquement tous les juristes, et un terme supplémentaire, al-Uzma (qui signifie « suprême »), a donc dû être ajouté généralement afin d'indiquer que le juriste a le rang de marja al-taqlid. Le juriste imamite le plus connu du XXe siècle fut le défunt chef spirituel iranien l'ayatollah Ruhollah Khomeiny qui fonda la République islamique d'Iran et fit coïncider à l'image de l'époque de l'islam classique le rôle de chef politique et d'autorité religieuse.

 

10.b.  derviche

derviche (turc, du persan darvēs, « mendiant »), membre d'une classe de musulmans pieux, les soufis.

Il existe un grand nombre de confréries de derviches, qui se distinguent par leurs règles, leur costume et leurs rites d'initiation. Elles ne sont pas toutes fidèles aux prescriptions ordinaires de l'islam et leurs membres sont autorisés à exercer diverses activités, selon les confréries auxquelles ils appartiennent. Certains sont des derviches vagabonds qui vivent d'aumônes. D'autres vivent dans des monastères et observent des règles spéciales, font pénitence ou se consacrent à la méditation. D'autres encore sont des commerçants ou des paysans ordinaires qui ne pratiquent les cérémonies de leur confrérie qu'à certaines occasions. Artistes religieux, certains derviches constituent des compagnies que l'on engage pour réciter des dhikr ou prières invocatoires à l'occasion de fêtes publiques et privées. Répétant inlassablement leurs formules, les récitants entrent souvent en extase, accomplissant des tours de force, avant d'être saisis de convulsions.

Bien que le prophète Mahomet ait prôné la pauvreté de son vivant, les confréries de derviches ne se développèrent que quelque deux cents ans après sa mort, essentiellement au cours du VIIIe siècle apr. J.-C. L'une des plus anciennes et des plus répandues est la qadiriyya, fondée en 1165, dont les membres sont connus en Europe sous le nom de « derviches hurleurs » en raison de leurs cris scandés. Non moins célèbres sont la rifaiyya, créée en 1182, dont les membres pratiquent l'art d'avaler du verre, du charbon ardent et des épées, la confrérie des mawlawiyya ou derviches tourneurs, formée en 1273 par les disciples du poète et mystique persan Jalal al-Din Rumi, ainsi que celle des qalandariyya, les derviches errants.

 

10.c.  fakir

fakir, mendiant musulman pratiquant l'ascétisme et, par extension, ascète hindou vivant d'aumônes. Appliqué spécifiquement aux fidèles musulmans, le terme est synonyme de derviche.

De nombreux fakirs (en arabe faqir, « pauvre ») passent leur vie à mendier et à prêcher, bien que la plupart des fakirs hindous pratiquent le régime monastique le plus strict, se consacrant à la méditation et à la prière et aux plus sévères formes d'ascétisme.

Une certaine catégorie de fakirs, dont le seul lien avec des ordres religieux est une revendication de sainteté, pratique des mortifications de la chair telles que s'étendre sur des lits de clous, réalisent des tours de passe-passe, pratiquent l'hypnotisme et la ventriloquie afin d'obtenir des aumônes. Dans de nombreuses régions, ils sont considérés inégalables dans les arts de la magie, de la sorcellerie et de la prestidigitation.

 

10.d.  imam

 

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PRÉSENTATION

imam, dans l’islam, titre religieux dont le concept diverge selon les courants islamiques.

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L’IMAM CHEZ LES SUNNITES

     

Intérieur d'une mosquée médiévale

Cette miniature du xiii e siècle montre l'intérieur d'une mosquée médiévale. Le minbar est figuré au premier plan ; c'est de cette chaire à degrés que l'imam guide la prière et prononce les sermons. Au milieu des colonnades de l'architecture sont suspendues deux lampes en verre caractéristiques de l'art de l'islam.École de Bagdad, « Abu Zayd prêchant à Samarkand », illustration des Maqamat (« les Séances ») d'al-Hariri (1054-1122).

Bridgeman/Art Resource, NY

Chez les sunnites, l’imam est le nom donné au croyant qui dirige la prière commune. Comme il n’y a pas de hiérarchie (clergé) dans la communauté sunnite, l’imam est — du moins en théorie — un homme ordinaire, élu dans cette fonction par ses pairs en raison de sa grande piété et de ses vastes connaissances religieuses ; il peut cependant perdre ce titre s’il ne parvient pas à accomplir sa mission.

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L’IMAM CHEZ LES CHIITES

« Ali et la dépouille de Zayd », fresque safavide

Ce détail d'une fresque safavide montre Ali — cousin du prophète Mahomet, quatrième calife (assassiné en 661), premier des imams de la branche chiite de l'islam — portant la dépouille de son arrière-petit-fils Zayd ibn Ali. En 740, depuis Kufa (aujourd'hui en Irak), ce dernier fomente une révolte contre le pouvoir sunnite des Omeyyades ; il meurt au combat, le front transpercé par une flèche ennemie. Plus tard, le calife omeyyade fait exhumer le corps de Zayd, et l'expose dans les rues de la villes, décapité et crucifié.Comme son aïeul Ali, Zayd ibn Ali est un martyr du chiisme ; il est également reconnu comme l'un des imams par les chiites zaydites.Détail d'une œuvre murale islamique relatant la scission entre musulmans sunnites et chiites, xvii e siècle. Fresque safavide. Mausolée de Zayd ibn Ali, Ispahan (Iran).

SEF/Art Resource, NY

Pour tous les chiites, l’imam doit appartenir à la tribu des Qoraychites (celle du Prophète) ; plus précisément, il doit (sauf pour les kaysanites) être un descendant d’Ali (cousin et gendre de Mahomet) et de son épouse Fatima (fille de Mahomet). Ali et son fils Hassan — les deux premiers imams des chiites — sont conjointement reconnus par les mouvements chiites dominants comme imams et comme califes, ce qui leur confère une double autorité, à la fois spirituelle et temporelle.

Pour les chiites imamites et ismaéliens, l’imam est le chef du monde par ordre divin ; il occupe cette fonction parce qu’il a été désigné par son prédécesseur selon les instructions divines. En outre, toujours selon les imamites et les ismaéliens, l’imam possède des attributs que les sunnites ne reconnaissent généralement qu’aux prophètes, tels que l’infaillibilité (isma), des pouvoirs de thaumaturge et la connaissance octroyée par Allah (ilm). Ils croient en effet que le Coran contient une signification cachée ou ésotérique (batin), ainsi qu’une signification apparente ou exotérique (zahir) ; par conséquent, ils emploient l’outil exégétique du tawil, c’est-à-dire l’interprétation de la signification cachée du Coran, grâce à la connaissance de l’imam.

En revanche, pour les chiites zaydites, l’imam n’est pas doté de qualités surhumaines, mais est simplement le meilleur dirigeant et l’érudit religieux le plus savant de son époque : seuls l’érudition, la piété et l’activisme politique peuvent développer le potentiel d’un imam.

 

1O.e.  mahdi

 

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PRÉSENTATION

mahdi (de l’arabe al-mahdi, « le bien guidé »), dans l’islam, nom donné à celui qui doit rétablir la foi et la justice sur la Terre, et dont la venue précèdera celle du messie le jour du jugement (Yawm al-Qiyamah).

Si ni le terme, ni le concept n’apparaissent clairement dans le Coran, il est en revanche question du mahdi dans plusieurs hadiths (récits de la vie de Mahomet). Durant les premiers siècles de l’islam — sous les califats omeyyade (661-750) et abbasside (750-1258) —, certains musulmans ont reconnu le mahdi dans le calife régnant, d’autres l’ont identifié comme étant le descendant (contemporain ou futur) du Prophète.

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DANS LA TRADITION SUNNITE

Cinq des six hadiths reconnus par les sunnites mentionnent le mahdi, lequel, selon les paroles rapportées de Mahomet, appartiendrait à la famille de ce dernier. Doté d’un rôle eschatologique, le mahdi est devenu celui qui gouvernera le monde avant l’avènement du prophète Issa (Jésus), à la fin des temps.

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DANS LA TRADITION CHIITE

Le chiisme, qui épouse également cette croyance eschatologique, donne plus encore d’importance au mahdi, reconnu comme descendant d’Ali (quatrième successeur de Mahomet et premier des imams du chiisme) et de Fatima (fille du Prophète). La notion est en particulier au cœur de la croyance des chiites imamites et ismaéliens. Ainsi, les imamites, les qarmates et les bohras (deux branches du chiisme ismaélien) — qui interprètent la mort ou la disparition du dernier imam de leurs lignées respectives comme une « occultation » divine — identifient leur imam caché au mahdi.

Depuis le Moyen Âge, certains théologiens sunnites ont considéré le mahdi comme l’imam caché des chiites imamites, tout en restant fidèles à la stricte interprétation sunnite en matière d’autorité religieuse.

 

10.f.  mufti

mufti, titre donné aux théoriciens et interprètes du droit canonique musulman.

Sur demande, les muftis conseillent les juges quant à l'application des lois canoniques, appelées fatwas.

En théorie, tout homme instruit et respecté peut créer une fatwa si on le lui demande ; néanmoins, à l'heure actuelle, les muftis sont officiellement nommés dans la plupart des pays musulmans. Il en existe un par tribunal.

 

10.g. marabout (religieux)

marabout (religieux), religieux musulman chargé de la formation spirituelle et agent privilégié de l'islamisation.

Les marabouts sont à l'origine des membres d'un ordre ascétique musulman qui résidaient dans des couvents-forteresses (ribâts) situés aux frontières maritimes et terrestres de l'Empire musulman. Le terme arabe murâbit signifie en effet « résident d'un ribât ». Ces moines-soldats menaient en même temps une vie militaire et une vie de prière. Ils étaient les successeurs des puissants Almoravides (en arabe al-murabitûn) qui dirigèrent le Maroc, une partie de l'Algérie, et l'Espagne aux XIe et XIIe siècles.

Le mot en vient plus tard à désigner en Afrique du Nord un musulman menant une vie ascétique et mystique.

En Afrique noire, le marabout désigne un musulman au service de la Parole de Dieu. Il tente de guider avec sagesse ceux qui viennent à lui et de dispenser les faveurs divines, aussi bien matérielles (santé, succès de toute sorte) que spirituelles. Il est souvent entouré d'enfants qu'il forme dans une sorte d'école coranique. Dans les confréries, ils sont perçus comme guides religieux, comme recours pour la santé et la vitalité du groupe, et comme leaders temporels suppléant aux structures traditionnelles défaillantes. Parfois lié au culte des talismans et amulettes, il bénéficie en général d'un respect considérable ; il est souvent craint pour son pouvoir religieux et social. Parfois teintées de « paganisme » africain, les activités des marabouts sont critiquées par certains musulmans qui considèrent le Coran comme la seule source de l'autorité et militent pour un retour à la pureté de l'islam.

Le terme « marabout » désigne également un tombeau à coupole (qubba) dans lequel repose un saint homme vénéré localement. On trouve cet aspect de la dévotion populaire tant dans les campagnes que dans les villes.

 

11. hégire

 

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PRÉSENTATION

hégire, année fondatrice du calendrier musulman, soit l’an 622 de notre ère.

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L’ÉMIGRATION DE MAHOMET

Dans l’islam, l’hégire (en arabe hijrah, « émigration ») désigne la journée du 16 juillet 622, lorsque le prophète Mahomet et ses compagnons, en proie à l’hostilité des notables, quittent La Mecque pour se réfugier dans la ville-oasis de Yathrib (aujourd’hui Médine), à 350 km au nord.

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LE DÉBUT DE L’ÈRE ISLAMIQUE

L’hégire — ce départ de Mahomet et de ceux qui croient en sa parole — correspond de fait à la fondation de la première communauté de croyants (umma), puisque jusqu’alors la communauté arabe reposait sur une organisation clanique. L’événement a été par conséquent considéré par les musulmans comme une rupture majeure, comme le premier d’une nouvelle ère : l’ère islamique.

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LE CALENDRIER MUSULMAN

Selon la tradition, le calendrier musulman aurait été systématisé en 638 par Omar, le deuxième calife de l’islam. L’année 622 correspond à l’an I de l’ère de l’hégire, en abrégé « AH 1 » ou « H 1 » (du latin anno hegirae). Le calendrier musulman reposant sur le cycle lunaire, l’année islamique comporte 12 mois et appartient à un cycle de trente ans, dans lequel les 2e, 5e, 7e, 10e, 13e, 16e, 18e, 21e, 24e, 26e et 29e années sont bissextiles et comptent 355 jours (on parle d’années abondantes), les autres étant des années à 354 jours (années communes).

Nota bene : Il est possible de calculer, à un jour près, la date grégorienne à partir de la date musulmane grâce à la règle suivante : multiplier le millésime de l’année musulmane par 0,970224 et ajouter 621,5774. Le nombre obtenu à gauche de la virgule donne l’année et la partie décimale multipliée par 365 est le jour de l’année.

 

12. Le tabou

 

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PRÉSENTATION

tabou, interdiction rituellement sanctionnée frappant le contact avec un objet, une personne ou un type de comportement.

Le terme « tabou » est emprunté au XVIIIe siècle au vocabulaire des parlers polynésiens par le navigateur James Cook, après son retour des îles Hawaï (1777) — en polynésien, tapu signifie « interdit », « défendu ». James Cook et les autres voyageurs qui relèvent le terme au tournant du XIXe siècle sont tous frappés par les nombreux interdits qu’ils rencontrent dans les sociétés polynésiennes et, par la suite, dans certaines sociétés mélanésiennes — interdits qu’ils sont souvent eux-mêmes contraints d’observer. Le tabou est constitué de trois éléments : une croyance dans le caractère impur ou sacré de telle personne, telle chose ou tel comportement ; une prohibition, c’est-à-dire l'interdiction de toucher ou d'user de cette personne ou de cette chose ou d’adopter tel comportement ; la punition frappant celui qui transgresse l’interdit, sous la forme d’un châtiment surnaturel ou de la mauvaise fortune.

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UNE FORME « D’IRRATIONALITÉ PRIMITIVE » ?

Définitivement entré dans la langue anglaise à la fin du XVIIIe siècle sous la forme du participe passé tabooed, le terme est repris à la fin du XIXe siècle par les orientalistes et les anthropologues évolutionnistes. Dans le cadre de l’étude des religions, ceux-ci sont amenés à distinguer les superstitions des formes religieuses supérieures. Ainsi, dans son étude de la Bible, l’orientaliste britannique William Robertson Smith (1846-1894) voit les séries d’interdits énoncées par le Lévitique comme des tabous qu’il impute à la survivance d’un état primitif de spiritualité religieuse. L’anthropologue britannique James G. Frazer, dans son livre le Rameau d’or, établit un inventaire des tabous, considérés comme une preuve « d’irrationalité primitive » que les « sauvages » mettent en place afin de se protéger contre les forces surnaturelles par lesquelles ils s’estiment menacés.

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SYSTÈMES DE TABOUS ET SYSTÈMES DE CLASSIFICATIONS

Au XXe siècle, l’anthropologie aborde la question des systèmes de tabou dans une perspective radicalement différente. D’un point de vue résolument fonctionnaliste, Émile Durkheim et Alfred R. Radcliffe-Brown mettent l’accent sur leur valeur rituelle, insistant notamment sur leur utilité pour séparer les choses ou les hommes.

Par la suite, Mary Douglas, Edmund Leach et Claude Lévi-Strauss analysent les tabous de manière plus systémique et les envisagent comme partie intégrante des systèmes de classification et d’organisation du monde que les hommes développent pour ordonner et donner un sens au réel. Pour Lévi-Strauss, les systèmes de tabous ne concernent pas le contenu intrinsèque des objets qui en sont frappés, mais ces systèmes utilisent ces objets comme pour établir ou souligner une série d’oppositions ou de relations entre des termes et organiser ainsi le monde d’une manière significative et cohérente. Dans le cadre de son analyse symbolique des prohibitions alimentaires énoncées par le Lévitique, l’anthropologue Mary Douglas souligne que la prohibition de la consommation du porc chez les Juifs n’est pas liée aux caractères physiques de l’animal, mais au contraire à la place qu’il tient dans le système de classification des animaux terrestres : n’entrant dans aucune classe définie par le Livre saint, le porc a un statut à part qui le rend impur. Les systèmes de tabous ne sont donc plus envisagés comme procédant d’une pensée irrationnelle, mais au contraire d’une pensée logique qui se sert du monde concret pour fournir des analogies et des rapprochements. Leur caractère arbitraire n’apparaît que si l’on ne prend en compte que le contenu des termes sur lesquels ils portent et non la manière dont ils s’inscrivent dans un système de sens avec d’autres termes. Outre cette fonction classificatoire, les tabous permettent aussi d’exercer un contrôle sur le monde et sur les hommes : en frappant une série de transgressions, l’interdit perpétue les lois qui régissent une société.

 

13.Le totémisme

Le totémisme, système d'idées, de symboles et de pratiques fondé sur une relation supposée entre un individu ou un groupe social et un objet naturel dénommé totem. Dérivé d'une langue nord-amérindienne, le mot « totem » désigne soit un animal ou un végétal, soit sa représentation ; le totem symbolise l'ancêtre ou l'esprit protecteur d'un groupe. Celui-ci entretient une relation surnaturelle avec l'animal sacré, dispensateur de bienfaits et garant de sa cohésion. En dehors de l'Afrique noire et de l'Océanie, le totémisme prend, dans le Nord-Ouest américain, la forme de gigantesques poteaux sculptés polychromes, notamment chez les Tlingits en Alaska. Taillés dans le bois, les animaux superposés sont les emblèmes du chef, de son lignage et de son clan.

La relation totémique est particulièrement forte chez certains Amérindiens et chez les Aborigènes australiens. Dans leurs sociétés, le totem est souvent considéré comme un compagnon et un allié doté de pouvoirs surnaturels et, en tant que tel, il est respecté et parfois vénéré. Les membres d'un groupe totémique s'identifient ou s'assimilent souvent au totem, qui peut être désigné par des noms ou des symboles spéciaux. La filiation peut remonter jusqu'à un ancêtre totémique originel, qui devient le symbole du groupe. À l'exception de certains rituels totémiques, il est interdit de tuer, de manger ou de toucher le totem. Certains chamans prétendent entretenir un lien direct avec un animal ou une plante totémiques.

Le concept de totémisme a fait l'objet de nombreuses polémiques. La plupart des théories formulées au XIXe et au début du XXe siècle ont été finalement rejetées. Autrefois considéré comme une religion, ou du moins comme une forme primitive de culte religieux, le totémisme renvoie aujourd'hui à un simple concept d'anthropologie, produit d'une rupture épistémologique et n'ayant aucune réalité objective. Il est généralement admis qu'une relation totémique peut comporter des éléments religieux tels que le culte des ancêtres et l'animisme, la croyance en les esprits. Le scepticisme actuel sur le totémisme dans la littérature anthropologique est illustré par les théories de Claude Lévi-Strauss.

Sigmund Freud propose dans Totem et Tabou (1912) une explication de la crise œdipienne : avec le tabou de l'inceste commence la civilisation, notamment la religion, et disparaît le totem. Aujourd'hui, certains anthropologues affirment que le totémisme australien était un moyen de conservation qui permit aux hommes de s'adapter à leur environnement naturel.

 

 



19/03/2012
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