LE TEMPLE DU SAVOIR

LE TEMPLE DU SAVOIR

La philosophie islamique

islamique, philosophie

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PRÉSENTATION

 

Averroès

Médecin et juriste auprès du calife marocain Yusuf, Averroès est surtout réputé pour ses commentaires des œuvres d'Aristote, qui lui vaudront le titre de « Commentateur ». Tout en montrant le primat de la raison sur la foi, sa tentative de réconciliation de la philosophie aristotélicienne avec la doctrine religieuse lui a valu les attaques des théologiens « littéraristes ». Occultées pendant de longues années par les penseurs musulmans, sa philosophie et sa pensée religieuse sont aujourd'hui redécouvertes.

Roger Antrobus/Corbis

islamique, philosophie, philosophie propre à la culture de l'islam.

La philosophie islamique connaît plusieurs grandes tendances. La philosophie péripatéticienne suit très largement la tradition de la philosophie grecque, tandis que le soufisme et la « philosophie de la révélation » sont fondés sur la notion de connaissance mystique comme principe directeur de la pensée. Dès la fin du XIIe siècle, la philosophie péripatéticienne perdit son influence dans le monde islamique, où s'affirma durant plusieurs siècles l'idée que la philosophie est une activité dangereuse et hérétique remettant en cause les fondements de l'islam.

Depuis une période récente, on assiste à un renouveau de la philosophie péripatéticienne dans le monde islamique, marqué par ailleurs par la puissante influence de la philosophie occidentale moderne. Pourtant, en un sens, la philosophie n'a jamais été en déclin, même lorsque sa forme grecque fit l'objet de suspicion, dans la mesure où le monde islamique a toujours tenté de comprendre l'essence des réalités du Coran et du monde créé par Dieu.

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ORIGINES DE LA PHILOSOPHIE ISLAMIQUE

 

Page illustrée du Coran

Bojan Brecelj/Corbis

La philosophie islamique débuta avec le traitement de problèmes juridiques et théologiques qui surgirent dans les premières années de l'expansion de l'islam et qui faisaient souvent appel à des raisonnements d'ordre philosophique. Ainsi, un des grands débats portait sur la question de savoir jusqu'à quel point il est possible de décrire Dieu à l'aide de concepts accessibles à l'entendement humain ou dans quelle mesure nous pouvons nous considérer comme libres au regard de la puissance de Dieu.

L'influence de la philosophie grecque atteignit le monde islamique lorsque le centre de l'Empire islamique passa de Damas à Bagdad et que le calife al-Mamun fonda, en 832, la Bayt al-hikma, la « Maison de la sagesse », qui était à la fois un observatoire, une bibliothèque et un centre de traduction de textes grecs en arabe.

Dès cette époque, l'islam dominait l'Égypte, la Syrie et la Perse, pays appartenant tous au monde de la culture grecque. Nombre des premiers traducteurs étaient des chrétiens, qui traduisaient du grec en syriaque puis du syriaque en arabe. À côté des traductions de textes philosophiques et scientifiques grecs, il y eut également de nombreuses traductions de littérature indienne et de littérature persane en arabe, lesquelles ne furent pas sans influencer le contenu des travaux scientifiques et mathématiques ultérieurs rédigés en arabe.

L'Empire islamique était entré en contact avec de grandes puissances culturelles, qu'il aspirait à comprendre et qui avaient engendré le désir d'utiliser les découvertes scientifiques et théoriques du monde non islamique.

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L'OPPOSITION À LA PHILOSOPHIE

De nombreux musulmans mettaient en doute la nécessité de la philosophie pour les disciples de l'islam au nom de la foi en l'explication pratique et théorique que l'islam livrait de la nature de la réalité, la philosophie grecque paraissant souvent présenter des explications contraires. Les musulmans, disposant déjà d'un système théorique très élaboré — comprenant la jurisprudence (fiqh), la théologie, la grammaire et les principes d'interprétation du Coran — étaient nombreux à douter de la nécessité d'une science « étrangère » produite et transmise au monde islamique en grande partie par des incroyants.

Ces doutes religieux à l'égard de la philosophie n'étaient pas sans fondement si l'on considère qu'un grand nombre des principes directeurs de la philosophie grecque semblaient contraires à l'islam. Par exemple, la philosophie grecque tendait à admettre avec Aristote que le monde est éternel, qu'il existe une hiérarchie d'étants gouvernés par l'intellect ou la raison, que l'ascétisme est le seul style de vie souhaitable et que la raison est l'instrument adéquat de la recherche théorique. Ces thèses apparaissaient fort problématiques du point de vue religieux : si le monde est éternel, Dieu ne l'a pas créé à partir du néant ; si l'intellect est le stade supérieur du réel, seuls ceux qui sont capables d'atteindre un haut niveau d'intellectualité peuvent prétendre au salut. L'ascétisme s'oppose à l'idée normale de la vie bonne dans l'islam, conçue comme l'équilibre des plaisirs et des devoirs. Enfin, les musulmans considéraient que l'islam leur montre la bonne voie, alors que les philosophes tendaient à substituer la raison à la religion, laissant entendre que la religion est la voie appropriée de ceux qui sont incapables de faire usage de la raison, voie par conséquent bien inférieure à celle du raisonnement.

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PRINCIPAUX PENSEURS

 

Avicenne

Considéré comme le plus grand philosophe arabe du xi e siècle, Avicenne est aussi un grand médecin. Son ouvrage encyclopédique le Canon de la médecine est une compilation de toutes les connaissances médicales de l'Antiquité. Traduit en latin par Gérard de Crémone au xii e siècle, cet ouvrage devient un manuel de référence dans les principales universités européennes et exerce une influence considérable sur la culture occidentale. Dans le domaine de la philosophie, la renommée d'Avicenne repose sur le Livre de la guérison, dans lequel il développe la distinction entre essence et existence, inspirée des spéculations du philosophe arabe Al-Farabi.

Agenzia LUISA RICCIARINI—MILANO

Les philosophes islamiques s'efforcèrent de résoudre ces contradictions apparentes. Le premier philosophe arabe, al-Kindi, ne voyait pas de contradiction fondamentale entre l'islam et la philosophie, celle-ci aidant le musulman à comprendre la vérité par des méthodes de tout autre nature.

Une fois mieux établie dans le monde islamique, la philosophie parvint à se distancier de la religion. Tous les penseurs qui ont succédé à al-Farabi considéraient la religion comme la voie de la vérité du simple croyant, par conséquent comme une version simple plutôt faible de la vérité. Le plus habile pourfendeur de cette conception de la philosophie fut Averroès, ou Ibn Ruchd, qui y mit fin, pour l'essentiel, au XIIe siècle, en critiquant les simplifications abusives et non fondées de la théologie musulmane et en refusant d'opposer philosophie aristotélicienne et révélation coranique, les considérant comme deux voies différentes pour atteindre la vérité. Les autres figures marquantes de cette période de la philosophie péripatéticienne furent Avicenne (Ibn Sina), Avempace (Ibn Baja), et Ibn Tufayl, dont les œuvres furent abondamment traduites en hébreu et en latin, et qui devinrent un élément essentiel des études universitaires et médicales de l'Europe judéo-chrétienne au Moyen Âge.

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TRANSMISSION À L'EUROPE CHRÉTIENNE

À l'origine, c'est par l'intermédiaire du monde islamique que la philosophie grecque est parvenue au monde chrétien. La curiosité intellectuelle suscita l'emprunt d'idées originaires d'une culture différente et à bien des égards hostile. C'est tout particulièrement au XIIIe siècle que naquit en Europe un vif intérêt pour la philosophie islamique.

Des commentateurs comme Averroès étaient particulièrement appréciés pour leur interprétation d'Aristote, le philosophe de loin le plus estimé à l'époque. Selon le courant connu sous le nom d'« averroïsme radical » ou de la « théorie de la double vérité », d'après laquelle les propositions religieuses et philosophiques sont incompatibles bien qu'elles soient vraies toutes deux. Dépassant le cadre de la philosophie d'Averroès proprement dite, cette théorie exerça une influence décisive sur la séparation qui finit par s'opérer entre philosophie et religion dans la philosophie européenne. Averroès, pour sa part, considérait que la religion et la philosophie sont deux voies différentes conduisant au même but — le salut —, la contradiction entre les deux n'étant qu'apparente. Seul le philosophe est en mesure de comprendre comment ces deux approches divergentes peuvent être réconciliées par la raison, et il n'est nul besoin d'ébranler la foi du simple croyant par de telles considérations. Car cela ne susciterait que méfiance à l'égard de l'orthodoxie du philosophe ou affaiblissement de la foi du croyant. Deux conséquences indésirables que le philosophe doit veiller à éviter en donnant une expression mesurée de ses vues.

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PHILOSOPHIE ET SAGESSE

L'arabe possède deux mots pour « philosophie », qui représentent de façon significative la distinction entre les deux principaux types d'approches philosophiques. Le terme falsafa a été nouvellement forgé pour désigner le mot grec philosophia. Le mot arabe hikma, de son côté, signifie « sagesse » au sens le plus large et peut s'appliquer à toute une gamme d'œuvres philosophiques plus orientées vers le mysticisme et à une méthode de philosophie qui appréhende la réalité en vue de transformer l'âme et qui n'est jamais complètement étrangère à la recherche d'une pureté spirituelle. Cette forme de philosophie a toujours eu sa place dans le monde islamique, notamment en Perse et en Inde, où elle se perpétua après le déclin de la philosophie péripatéticienne au XIIe siècle.

Si la hikma s'est développée dans les directions les plus diverses, on peut y distinguer les courants soufiste et illuminationniste, qui l'un et l'autre cherchent non seulement à comprendre rationnellement le monde mais s'interrogent aussi sur la crainte qui habite l'homme face au mystère divin de l'univers. Les principaux penseurs de ces courants sont Ibn Arabi, Suhrawardi, et Mulla Sadra, et cette forme de philosophie s'est avérée particulièrement populaire dans la partie chiite du monde islamique. Apparue lorsque les musulmans commencèrent à s'interroger sur le sens profond de leur religion, elle s'est perpétuée jusqu'à nos jours, florissant particulièrement en Iran.

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HÉRÉSIE ET PHILOSOPHIE

La critique de la philosophie péripatéticienne débuta dans la seconde moitié du XIe siècle et atteignit son apogée avec le traité Incohérence des philosophes d'al-Ghazali. Il soutenait que les philosophes défendent des idées qui sont ou hérétiques, ou contraires à la vérité de l'islam. Mais loin d'en faire le cœur de sa critique, il s'efforçait plutôt de montrer que les principales thèses philosophiques ne sont pas consistantes, même à l'aune de leurs propres raisonnements, preuve que les principes de la religion ne sont pas rationnellement menacés par les idées philosophiques. Dans sa critique de la philosophie, il distinguait la philosophie de la logique, soutenant que celle-ci joue un rôle important dans la compréhension des questions religieuses. D'autres contempteurs de la philosophie, comme Ibn Taymiyya, ont été jusqu'à critiquer la logique. Mais dans l'ensemble, la tradition péripatéticienne de la philosophie a décliné dans le monde islamique sunnite tout en gagnant d'autres secteurs de la vie intellectuelle, comme la jurisprudence, avant de connaître un renouveau au XIXe siècle dans le cadre du mouvement de la Renaissance islamique (Nahda).

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RAISON ET RÉVÉLATION

La question de savoir quelle est la nécessité de la philosophie, dans la mesure où l'islam enseigne au croyant tout ce qu'il a besoin de savoir, a souvent menacé le rôle de la philosophie islamique et a suscité un certain nombre de réponses. Tout d'abord, l'islam se présente comme une foi rationnelle et le Coran appelle constamment le lecteur à examiner les preuves qu'il avance à l'aide de la raison. Si l'islam tient la raison en si grande estime, on est en droit de supposer que la philosophie est une activité importante pour les musulmans. En second lieu, si le prophète Mahomet est le dernier prophète, comme le veut l'islam, c'est que Dieu souhaite que les hommes fassent usage de leur raison pour comprendre la nature du réel. Aucune nouvelle prophétie ne pouvant les aider à comprendre l'univers, il faut qu'ils s'en remettent à l'islam et à leur propre raison, ce qui, en retour, implique qu'il n'y a pas d'incompatibilité fondamentale entre la religion et la raison.

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LA PHILOSOPHIE ISLAMIQUE MODERNE : LE MONDE ARABE

Une des tâches principales de la philosophie dans le monde islamique depuis le XIXe siècle a été de comprendre la question de son déclin relatif, voire de sa décadence, par rapport à l'Occident. Le mouvement de renaissance Nahda a cherché à allier les principaux acquis de la civilisation européenne moderne et ceux de la culture islamique classique, dont la philosophie qui avait précédé l'impérialisme et les siècles de décadence. Jamal al-Din al-Afghani et le cheikh Muhammad Abduh ont tous deux défendu l'essence rationnelle de l'islam, qui peut donc être maintenu à côté des formes de pensée scientifique de l'Occident. Parallèlement au regain de la philosophie islamique péripatéticienne, nombre des courants majeurs de la philosophie occidentale ont été intégrés au monde islamique, processus qui se poursuit de nos jours. De même, de nombreux philosophes islamiques adoptent des thèses de la philosophie occidentale pour comprendre les problèmes théoriques qui se posent à eux.

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LA PHILOSOPHIE ISLAMIQUE MODERNE : LA PERSE

Un des penseurs les plus influents du XXe siècle en Iran a été le Français Henry Corbin, qui a très largement contribué au renouveau de la tradition perse en philosophie. Il a montré qu'il existait une école pérenne de sagesse philosophique alliant à la fois des idées de la religion perse pré-islamique et des idées des soufistes et des illuminationnistes. Cette sagesse (hikma) est liée au symbole de la lumière (d'où le nom d'« illuminationniste » donné à ce type de philosophie), qui représente une voie par laquelle les individus peuvent accéder à la compréhension de leurs besoins spirituels et des principes fondamentaux de l'humanité et de la réalité. Toutes les religions étant fondées sur certaines idées générales, le soufisme offre aux musulmans un moyen de s'en rapprocher. À l'importance que donne l'islam à l'unicité de Dieu correspond l'insistance sur l'unité du réel, fondement de la critique de l'approche scientifique occidentale de la nature, qui tend à instrumentaliser et à exploiter celle-ci. La philosophie islamique a une conception fondamentalement moniste de l'humanité et du monde et est portée par le souci de comprendre la totalité spirituelle de l'humanité.

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Kindi, al-

Kindi, al- (v. 801-v. 873), le premier philosophe arabe important. Né à Kufa, il fit ses études à Bassora et à Bagdad, en Irak. Il fut un des premiers musulmans à étudier la philosophie grecque antique et un des premiers traducteurs des ouvrages d'Aristote en arabe. Appelé le philosophe des Arabes parce qu'il descendait de la noblesse arabe, il est l'auteur de plus de deux cent soixante-dix ouvrages dont la plupart sont de courts traités couvrant un grand éventail de sujets, tels que la philosophie, la médecine, les mathématiques, l'optique et l'astrologie. Certains de ses ouvrages furent traduits en latin au Moyen Âge et influencèrent les érudits chrétiens en Europe.

La philosophie d'al-Kindi fut fortement influencée par le néoplatonisme et l'aristotélisme médiéval. Il tenta de fournir une base philosophique à la théologie spéculative des mutazilites, adoptée plus tard par les imams des chiites. Tout en affirmant que les thèses essentielles de la philosophie et de la religion étaient en harmonie, il plaça la révélation au-dessus de la philosophie et les intuitions prophétiques au-dessus de la raison. L'influence d'al-Kindi sur les penseurs musulmans perdura environ un siècle après sa mort.

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Ibn Arabi

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PRÉSENTATION

Ibn Arabi (1165-1241), philosophe et mystique soufi, considéré comme le plus grand des maîtres (al-Shaykh al-akbar).

Outre son importante œuvre théorique, Ibn Arabi fit le récit des nombreuses expériences et rencontres mystiques (prémonitions, visions, dialogue avec les morts, etc.) qu'il eut tout au long de sa vie. Il est aussi l'auteur de recueils de poésies mystiques.

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VIE

Né à Murcie, au sud-est de l'Espagne, en 1165, Ibn Arabi fut le premier philosophe musulman à formaliser la tradition soufie, courant mystique dont les deux fondements théoriques étaient le Coran et la sunna, paroles et actes du prophète Mahomet. L'essentiel du mouvement était une initiation pratique aux exercices spirituels d'un maître à un disciple. Ses oncles étaient eux-mêmes soufis et son père fut un ami d'Averroès à qui il fut présenté. Les nombreux voyages et séjours dans les grands centres intellectuels du monde arabo-musulman ont permis à Ibn Arabi de faire, d'une part, la synthèse des courants soufis auprès des plus grands maîtres et, d'autre part, de diffuser à de nombreux disciples l'essentiel de son enseignement et la pratique de la voie soufie.

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LA VOIE SOUFIE

Dieu est la réalité absolue et cette réalité se manifeste en toute chose à différents niveaux d'existence. La « Voie » (tariq) soufie est donc la méthode qui permet de lire et d'interpréter ces signes de la réalité afin d'accéder à un état spirituel proche d'une connaissance intime de Dieu.

La progression commence par la prise de conscience de soi dans le monde et l'obligation du disciple de se tourner vers Dieu et de n'être réceptif qu'à lui. Cette première étape est un renoncement. Le second niveau est un état d'adoration sans limite et d'émerveillement. Le soufi est au cœur du monde un reflet de la réalité de Dieu. L'aboutissement de la « Voie » soufie est l'expérience intime et la connaissance pure de la Divinité. À la suite d'Ibn Arabi, al Sarraj définit les vertus que développe le soufi et qui jalonnent son initiation. D'abord le repentir et le scrupule, puis l'abstinence et la pauvreté, la patience et la confiance, et enfin le contentement et la contemplation. Voir aussi Islam ; Soufisme.

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Ghazali, al-

Ghazali, al- (1058-1111), philosophe et théologien musulman, dont la contribution à l'évolution de l'islam fut essentielle. Né à Tus (ancienne Perse, aujourd'hui Iran), al-Ghazali, connu également sous le nom latinisé d'Algazel, enseigna, de 1091 à 1095, la jurisprudence à l'université Nizamiga de Bagdad sous la protection du vizir Nizam al-Mulk. Après l'assassinat de ce dernier par les Ismaïliens, al-Ghazali composa des ouvrages de polémique contre cette secte et renonça à son poste. Éprouvé dans sa foi, il s'écarta de son scepticisme initial pour se convertir au soufisme. Derviche errant pendant dix ans, il accepta une nouvelle chaire à Nishapur, qu'il abandonna toutefois peu après pour se retirer définitivement à Tus.

Al-Ghazali a relaté son combat intérieur — et la solution religieuse à laquelle il est finalement parvenu — dans Erreur et Délivrance, maître-ouvrage qui fut comparé aux Confessions de saint Augustin. Dans la Revivification des sciences religieuses, il présenta sa conception unifiée de la religion, qui intégrait des éléments provenant de trois sources jusqu'alors considérées comme contradictoires, à savoir : la tradition musulmane, l'intellectualisme de la philosophie grecque et le mysticisme soufi. Certains considèrent encore cette œuvre comme le plus grand livre de théologie écrit par un musulman, surpassé seulement par le Coran. Avec le But des philosophes et l'Incohérence des philosophes, al-Ghazali entreprit de réfuter les thèses néoplatoniciennes d'autres philosophes musulmans (en particulier celles d'Avicenne), qui rejetaient les doctrines religieuses orthodoxes telles que la création, l'immortalité de l'âme et la providence divine.

Le grand mérite d'al-Ghazali fut d'apporter aux idées islamiques les formes de la dialectique grecque, sans pour autant asservir la théologie à la philosophie.

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Farabi, al-

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PRÉSENTATION

Farabi, al- (872-950), philosophe hellénisant du monde islamique, qui a tenté d’étayer la foi sur la raison, et affirmé le primat de la vérité philosophique sur la révélation. Pour lui, les vérités philosophiques sont universelles, contrairement aux croyances des religions.

Après avoir étudié la logique, aristotélicienne puis alexandrine, la grammaire, les mathématiques, la musique et la philosophie, al-Farabi s’installe à la cour de Sayf al-Dawla, souverain hamdanide d’Alep, qui accueille une cour de lettrés. Il est l’un des premiers penseurs musulmans à commenter et transmettre au monde arabe les doctrines de Platon et d’Aristote qui, selon lui, sont identiques (Synthèse des opinions des deux sages). Pour cette raison, al-Farabi sera surnommé le « deuxième maître », le premier étant Aristote. Son influence sera considérable sur des philosophes musulmans ultérieurs comme Avicenne, Avempace et Averroès.

2

 

DU SAGE AU PROPHÈTE

Al-Farabi, dont la cosmologie porte la marque du néoplatonisme de Plotin, suppose un Être suprême, Dieu, l’Un sans cause, d’où découle le multiple dont procède la création. L’Un crée le monde par le seul exercice de l’intellect, et de lui procèdent les « causes secondes », qui génèrent à leur tour chacune un intellect. Ce processus se répète de l’Un jusqu’aux différents niveaux de l’Univers et jusqu’aux éléments, et enfin, passant par des formes de plus en plus complexes, jusqu’à l’Homme (De l’intellect).

L’Homme, le seul à être doté d’une « faculté parlante », doit être libéré de la matière de façon à atteindre l’« intellect acquis », stade ultime que vise le sage, et par lequel il reçoit la révélation. Dans le système d’al-Farabi, le sage sera donc aussi prophète, celui qui possède à la fois intelligence et imagination, et qui saura dévoiler aux hommes du commun les vérités intelligibles.

Il est aussi celui qui sera capable de les guider vers le bonheur. Al-Farabi accorde ainsi à la théorie politique beaucoup plus d’attention que tout autre philosophe musulman, adaptant, dans le Livre du gouvernement de la cité, le système platonicien de la République et des Lois : le sage devient chef de la Cité, cité vertueuse qui couronne le système farabien.

3

 

ŒUVRE

Al-Farabi a formulé l’idéal d’une religion universelle, dont toutes les autres religions existantes seraient l’expression symbolique. Il est l’auteur d’une centaine d’ouvrages, qui ont été perdus pour beaucoup d’entre eux, comme ses commentaires d’Aristote, et dont quantité d’autres ont subsisté seulement dans leur traduction en latin médiéval. Outre ses écrits philosophiques, il a compilé un catalogue des sciences, première tentative musulmane de systématisation de la connaissance humaine. Il a aussi contribué à la théorie musicale dans son Grand Livre de la musique.

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Farabi, al-

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PRÉSENTATION

Farabi, al- (872-950), philosophe hellénisant du monde islamique, qui a tenté d’étayer la foi sur la raison, et affirmé le primat de la vérité philosophique sur la révélation. Pour lui, les vérités philosophiques sont universelles, contrairement aux croyances des religions.

Après avoir étudié la logique, aristotélicienne puis alexandrine, la grammaire, les mathématiques, la musique et la philosophie, al-Farabi s’installe à la cour de Sayf al-Dawla, souverain hamdanide d’Alep, qui accueille une cour de lettrés. Il est l’un des premiers penseurs musulmans à commenter et transmettre au monde arabe les doctrines de Platon et d’Aristote qui, selon lui, sont identiques (Synthèse des opinions des deux sages). Pour cette raison, al-Farabi sera surnommé le « deuxième maître », le premier étant Aristote. Son influence sera considérable sur des philosophes musulmans ultérieurs comme Avicenne, Avempace et Averroès.

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DU SAGE AU PROPHÈTE

Al-Farabi, dont la cosmologie porte la marque du néoplatonisme de Plotin, suppose un Être suprême, Dieu, l’Un sans cause, d’où découle le multiple dont procède la création. L’Un crée le monde par le seul exercice de l’intellect, et de lui procèdent les « causes secondes », qui génèrent à leur tour chacune un intellect. Ce processus se répète de l’Un jusqu’aux différents niveaux de l’Univers et jusqu’aux éléments, et enfin, passant par des formes de plus en plus complexes, jusqu’à l’Homme (De l’intellect).

L’Homme, le seul à être doté d’une « faculté parlante », doit être libéré de la matière de façon à atteindre l’« intellect acquis », stade ultime que vise le sage, et par lequel il reçoit la révélation. Dans le système d’al-Farabi, le sage sera donc aussi prophète, celui qui possède à la fois intelligence et imagination, et qui saura dévoiler aux hommes du commun les vérités intelligibles.

Il est aussi celui qui sera capable de les guider vers le bonheur. Al-Farabi accorde ainsi à la théorie politique beaucoup plus d’attention que tout autre philosophe musulman, adaptant, dans le Livre du gouvernement de la cité, le système platonicien de la République et des Lois : le sage devient chef de la Cité, cité vertueuse qui couronne le système farabien.

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ŒUVRE

Al-Farabi a formulé l’idéal d’une religion universelle, dont toutes les autres religions existantes seraient l’expression symbolique. Il est l’auteur d’une centaine d’ouvrages, qui ont été perdus pour beaucoup d’entre eux, comme ses commentaires d’Aristote, et dont quantité d’autres ont subsisté seulement dans leur traduction en latin médiéval. Outre ses écrits philosophiques, il a compilé un catalogue des sciences, première tentative musulmane de systématisation de la connaissance humaine. Il a aussi contribué à la théorie musicale dans son Grand Livre de la musique.

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Biruni, al-

Biruni, al- (973-v. 1050), savant et philosophe arabo-islamique d’origine iranienne, essentiellement mathématicien et astronome de l’école de Ptolémée. Comme scientifique, sa contribution la plus importante concerne ses observations précises de phénomènes naturels. Appelé parfois « le maître », il est l’un des scientifiques musulmans les plus renommés de son temps.

Al-Biruni a rédigé plus de 113 ouvrages, mais la plupart ont été perdus. Les sujets traités étaient l’astronomie, l’astrologie, la chronologie, la géographie, les mathématiques, la mécanique, la médecine, la pharmacologie, la météorologie, la minéralogie, l’histoire, la religion, la philosophie, la littérature et la magie. Il existe encore un ou plusieurs livres sur chacun de ces sujets. Parmi les travaux les plus importants d’al-Biruni, on retiendra Canon, son étude la plus complète sur l’astronomie ; Densités, qui recense les poids spécifiques des différents métaux, liquides et pierres précieuses ; Astrolabe, l’une des meilleures descriptions de cet instrument ; et India, son œuvre la plus connue, dans laquelle il utilise le sanskrit pour décrire les coutumes, les langues, la science et la géographie indiennes.

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Avicenne

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PRÉSENTATION

 

Avicenne

Considéré comme le plus grand philosophe arabe du xi e siècle, Avicenne est aussi un grand médecin. Son ouvrage encyclopédique le Canon de la médecine est une compilation de toutes les connaissances médicales de l'Antiquité. Traduit en latin par Gérard de Crémone au xii e siècle, cet ouvrage devient un manuel de référence dans les principales universités européennes et exerce une influence considérable sur la culture occidentale. Dans le domaine de la philosophie, la renommée d'Avicenne repose sur le Livre de la guérison, dans lequel il développe la distinction entre essence et existence, inspirée des spéculations du philosophe arabe Al-Farabi.

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Avicenne ou Ibn Sina (980-1037), philosophe et médecin persan.

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VIE

Né à Afshanah, près de Boukhara (capitale de la Transoxiane, aujourd’hui en Ouzbékistan), fils d’un haut fonctionnaire de l’Administration, Abu Ali al-Husayn Ibn Abd Allah Ibn Sina, connu en Occident sous le nom latinisé d’Avicenne, étudie la médecine et la philosophie à Boukhara. À l’âge de dix-huit ans, il est nommé médecin de la cour auprès de l’émir de Boukhara. Il demeure à ce poste jusqu’à la chute de l’empire des Samanides en 999. Après un exil d’une vingtaine d’années, il officie à nouveau, durant les quatorze dernières années de sa vie, à Ispahan, en qualité de conseiller scientifique et de médecin d’Ala’ad-Dawla, premier des princes kakuyides.

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ŒUVRE MÉDICALE

Considéré par les Arabes comme un des plus grands philosophes musulmans, Avicenne est une figure importante de la médecine et de la philosophie. Son ouvrage, le Canon de la médecine, longtemps manuel de référence au Moyen-Orient et en Europe, constitue un classement systématique et un résumé de la connaissance médicale et pharmaceutique de son temps et des époques antérieures. La première traduction latine de cet ouvrage date du xiie siècle ; une version hébraïque a paru en 1491, et une version arabe — deuxième texte seulement à avoir été imprimé en arabe — en 1593.

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ŒUVRE PHILOSOPHIQUE

Le plus célèbre ouvrage philosophique d’Avicenne est Kitab al-Shifa (« le Livre de la guérison »), série de traités sur la logique d’Aristote, la métaphysique, la psychologie, les sciences naturelles et sur d’autres sujets. La philosophie d’Avicenne repose sur une synthèse de la philosophie d’Aristote et du néoplatonisme. À l’instar de la plupart des philosophes médiévaux, Avicenne nie l’immortalité de l’âme individuelle, l’intérêt de Dieu pour les détails, et la création du monde dans le temps, trois points capitaux de la pensée arabe dominante. L’hostilité que suscitent ses vues a valu à Avicenne d’être la cible principale de la campagne menée contre une telle philosophie par le courant dominant des théologiens sunnites comme al-Ghazali. Néanmoins, la philosophie d’Avicenne est demeurée influente tout au long du Moyen Âge.

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Avicebron

Avicebron (v. 1021-1058), philosophe et poète juif, connu également sous le nom de Solomon ben Yehuda ibn Gabirol.

Né à Málaga, Avicebron étudie à Saragosse. Dès son plus jeune âge, il montre des talents intellectuels et artistiques remarquables. Alors que son œuvre est partagée entre poésie et philosophie, il souhaite ne s’attacher qu’aux valeurs spirituelles.

Mekor Hayim (« Source de vie »), dialogue néo-platonicien est son ouvrage majeur. Écrit en arabe, il était connu des scolastiques du Moyen Âge dans sa traduction latine Fons vitae.

Considérée comme l’œuvre d’un philosophe chrétien, la théorie de l’universalité de la matière qu’il présente a été soutenue par Jean Duns Scot, et violemment attaquée par saint Thomas d’Aquin. L’ouvrage se compose d’un premier développement sur la matière, puis un second sur la volonté divine, et enfin une troisième partie parle de la connaissance de Dieu. Avicebron part donc du sensible pour accéder au spirituel, qui se manifeste dans l’essence divine, et achève donc un parcours inverse de celui des néo-platoniciens (qui vont de l’Un vers le sensible). L’originalité d'Avicebron apparaît également dans sa conception de la matière, proche de celle d’Aristote, mais qu’il situe à tous les niveaux de l’être, même de l’intelligible.

Le Fons vitae a eu peu d’influence sur la philosophie juive, mais certains affirment qu’il a joué un rôle dans le développement de la Cabale.

La poésie religieuse d'Avicebron, d’une grande profondeur, est surtout connue grâce à l’ode intitulée Keter malkhut (« la Couronne royale »), qui s’achève par une confession des péchés, actuellement intégrée dans le rituel liturgique de Yom Kippur. Sa poésie séculaire traite de la nature et de l’amour et donne une description de sa propre vie. Il a aussi rédigé en arabe un traité sur l’éthique, Perfection des qualités morales.

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djinn

1

 

PRÉSENTATION

djinn, créature divine au pouvoir maléfique citée dans le Coran, communément redoutée par les hommes, et dont la figure fait partie intégrante des récits populaires du Proche-Orient.

2

 

ORIGINES

Le personnage du djinn, figure originaire de Perse, est issu de croyances populaires antérieures à l’islam. Assimilé à une sorte d’esprit, ou parfois de démon, il est mentionné à plusieurs reprises dans les textes coraniques — et en particulier dans la sourate LXXII, « les Djinns ». Créatures créées par Allah et nées avant les hommes, les djinns sont présentés comme les figures antagoniques des anges, également présents dans le Coran.

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CARACTÉRISTIQUES

Bien que certains d’entre eux soient bienveillants à l’égard des hommes, la plupart des djinns sont considérés comme des êtres dotés de pouvoirs maléfiques. Créés à partir du feu, ils sont craints par les hommes, aux yeux desquels ils demeurent le plus souvent invisibles. Ils n’hésitent cependant pas à emprunter une apparence humaine ou animale, couramment celle d’un serpent, pour se manifester au monde terrestre. Les djinns partagent de nombreux points communs avec les hommes : tout comme eux, ils consomment de la nourriture, se reproduisent et meurent. Ils possèdent également la particularité de pouvoir être croyants ou non. On attribue aussi aux djinns une grande force physique et la capacité à se déplacer très rapidement. Il est dit qu’ils peuplent de préférence les endroits isolés et désertés par les hommes. Iblîs, dont la figure est à rapprocher de celle du diable, fait partie de la communauté des djinns, dont il est le chef.

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CROYANCES POPULAIRES

De nombreuses superstitions sont rattachées aux djinns, dont on dit qu’ils possèdent la capacité de prendre possession des hommes et de provoquer toutes sortes de catastrophes et de maladies. Menteurs et dotés d’une grande malice, ils ont également le pouvoir d’influencer négativement les humains et de les pousser à commettre toutes sortes de méfaits — « Cet homme inventerait-il contre Allah des mensonges, ou un Djinn serait-il en lui ? » (XXXIV, 8). Des récitations et des incantations sont alors utilisées pour repousser leur influence néfaste et s’en protéger. Une foi profonde en l’islam est couramment considérée comme la seule façon de se protéger de leurs assauts. Il convient également de noter que le personnage du djinn, ou du génie, apparaît dans de nombreux contes et récits légendaires du monde musulman dont, en premier lieu, les contes des Mille et Une Nuits, où il est présenté aussi bien sous son aspect positif que négatif. Dans chacun des récits où il intervient, il démontre son immense pouvoir et sa capacité à agir directement sur le destin des hommes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Iblîs

1

 

PRÉSENTATION

Iblîs, nom du diable dans la religion musulmane.

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CARACTÉRISTIQUES

Iblîs, parfois également désigné sous le nom d’Eblis, est cité à plusieurs reprises dans le Coran (notamment dans les sourates XV, XVII, XXXVIII). Il y apparaît également plusieurs fois sous l’appellation de Shaytan (étymologiquement celui qui « détourne quelqu’un de son intention »), terme à rapprocher de Satan (de l’hébreu ha-satan, « l’accusateur » ou « l’adversaire »).

Iblîs est le plus important des esprits maléfiques de la tradition islamique. Il est parfois vu comme un ange déchu, mais plus souvent comme un djinn, une créature d’origine divine créée à partir du feu et dotée de pouvoirs maléfiques, mais un djinn révolté contre l’ordre de Dieu (comme celle des hommes, l’assemblée des djinns, selon le Coran, se divise en soumis à Allah et révoltés contre lui). Iblîs est le plus puissant des djinns et, de ce fait, leur chef.

3

 

LA RÉBELLION D’IBLÎS

Selon le Coran (sourate XXXVIII), après la création d’Adam, le premier homme, Allah donne l’ordre à l’assemblée des anges, à laquelle prend part Iblîs, de se prosterner devant Adam pour lui rendre hommage — plusieurs hypothèses ont été proposées par les commentateurs du Coran pour expliquer la présence d’Iblîs, djinn, donc créature inférieure aux anges, à l’assemblée de ces derniers : soit Iblîs aurait été élevé au rang d’ange, soit aurait-il reçu le commandement de la Terre avant la création de l’homme en raison de sa loyauté envers Allah, soit encore serait-il, par essence, mi-ange mi-djinn.

Cependant, considérant qu’Adam lui est par nature inférieur, car créé à partir de glaise, Iblîs est le seul présent à l’assemblée des anges à refuser d’accomplir ce qui lui est demandé : « Je suis meilleur que lui : tu m’as créé de feu, tu l’as créé d’argile » (XXXVIII, 76). Victime de son orgueil, il est banni du Paradis par Allah (« Sors de là : tu seras lapidé ! / Ma malédiction sera sur toi, jusqu’au Jour de la Créance », XXXVIII, 77-78). Réalisée par les anges, la lapidation d’Iblîs est à l’origine, selon la tradition islamique, des étoiles filantes.

4

 

IBLÎS, LE TENTATEUR

Après avoir été chassé du Paradis, Iblîs devient l’incarnation de la tentation. C’est lui qui incite Adam et Ève à goûter les fruits interdits du jardin d’Éden. Par la suite, il tourmente les hommes pour les pousser à de mauvaises conduites — lors de son bannissement du Paradis, Iblîs, s’adressant à Allah, annonce : « je dominerai la descendance de celui que tu honores plus que moi » (XVII, 62) ; « Par ta puissance, je les séduirai tous, sauf tes serviteurs » (XXXVIII, 82-83). En effet, seuls les adeptes les plus fidèles à l’enseignement du Coran peuvent, par leur conduite conforme aux textes saints, se garantir de ses assauts tentateurs et se préserver ainsi d’être envoyés en Enfer (la Géhenne) après leur mort (« Tu n’auras aucun pouvoir contre mes serviteurs », 15, 42) ; quant aux autres, ceux qui suivent Iblîs, « la Géhenne est le rendez-vous d’eux tous » (XV, 43).

 

 

 

Saba, reine de

1

 

PRÉSENTATION

 

Reine de Saba

Œuvre d'Edmund Dulac, artiste français d'origine britannique, cette illustration du début du siècle représente la Reine de Saba sur le chemin qui la mène au roi Salomon.

Archivo Iconografico, S.A./Corbis

Saba, reine de, dans l’Ancien Testament, souveraine du royaume de Saba séduite par la sagesse de Salomon, roi d’Israël.

Personnage de la tradition hébraïque, la reine de Saba est cependant moins citée dans la Bible — treize versets dans le premier Livre des Rois (X, 1-13), repris dans le second Livre des Chroniques (IX, 1-12) — que dans le Coran qui lui est postérieur (XVII, 15-45). Différents noms lui ont été attribués dans des récits ultérieurs : « reine du Midi » dans le Nouveau Testament, « Balkis » dans la tradition musulmane ou « Makeda » dans la tradition éthiopienne. Personnage complexe, l’énigmatique reine de Saba a hanté l’imaginaire occidental, notamment à travers la littérature et les arts.

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ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES

 

2.1

 

Récit biblique

Souveraine d’un royaume luxuriant et prospère, la reine de Saba rend un jour visite au roi Salomon à Jérusalem. Alors qu’elle désire impressionner son hôte par l’étendue de sa richesse en se présentant avec une suite de chameaux chargés d'épices, d'or et de bijoux, elle se trouve elle-même frappée d'admiration par la splendeur du royaume qu’elle découvre. La reine soumet alors Salomon à des énigmes ; elle est à nouveau stupéfaite, cette fois par la sagesse des réponses du roi. Elle conclut que cette magnificence vient de ce que le pays est gouverné par un roi sage, dans le respect de la Loi du dieu des Hébreux (Yahvé).

2.2

 

Récit coranique

Dans le Coran — qui consacre une sourate à la reine de Saba, « les Fourmis » —, la ligne directrice est sensiblement la même que dans la Bible. Mais, alors que dans l’Ancien Testament, c’est la reine qui entend parler de la sagesse de Salomon, dans le Coran, une huppe (un oiseau couronné) vient avertir le roi d’Israël de l’existence de la reine de Saba, qu’il convie en son royaume. Lorsqu’elle arrive à Jérusalem, non seulement presse-t-elle le roi de questions énigmatiques (comme dans la Bible), mais elle est à son tour confrontée à des épreuves que lui impose ce dernier : reconnaître son trône mystérieusement arrivé à Jérusalem et maquillé par Salomon ; et passer sur un sol recouvert de cristal, laissant croire à de l’eau, afin qu’elle découvre ses mollets.

2.3

 

Tradition chrétienne

Dans la Légende dorée, rédigée au XIIIe siècle, l’hagiographe Jacques de Voragine fait intervenir la reine de Saba dans l’histoire de la sainte croix sur laquelle, selon le Nouveau Testament, Jésus-Christ a racheté les péchés de l’humanité. La souveraine aurait en effet eu une vision en passant sur un pont de fortune permettant d’accéder au palais de Salomon : elle aurait vu dans le bois utilisé à cet effet la pièce qui servira à crucifier le « sauveur du monde ». Elle aurait alors immédiatement adoré le morceau de bois. Jacques de Voragine évoque également une seconde histoire dans laquelle la reine aurait averti Salomon de cette vision ; ce dernier aurait alors enterré le morceau de bois dans les entrailles de la terre.

2.4

 

Tradition éthiopienne

Selon le Kebra Nagast (« la Gloire des rois »), livre sacré des Éthiopiens coptes, la reine de Saba aurait eu un enfant de Salomon. Souveraine de la ville d’Aksoum selon ce texte, elle serait donc à l’origine de la dynastie éthiopienne, son fils, Ménélik Ier, étant le fondateur du royaume d’Aksoum.

3

 

SYMBOLIQUE

Le personnage de la reine de Saba est complexe, voire paradoxal, oscillant entre symbole de la sagesse et figure démoniaque : selon certaines légendes, lorsqu’elle relève sa robe pour passer sur le sol qu’elle pense mouillé, le roi lui découvre des jambes velues et des pieds de chèvre. Dans des textes ésotériques, elle est parfois perçue comme une magicienne obscure, une fille de djinn, mi-femme, mi-animal. Les exégètes bibliques voient pour leur part dans la visite de la reine à Salomon une préfiguration de l’Adoration des mages du Nouveau Testament.

4

 

REPRÉSENTATION

Musique et cinéma ont repris le mythe de la reine de Saba. Ainsi, le compositeur Charles Gounod a réalisé un opéra sur les amours de Balkis, la Reine de Saba (1862), tandis que le réalisateur King Vidor a adapté le récit biblique au cinéma dans Salomon et la reine de Saba (1959) avec, dans les rôles titres, Yul Brynner et Gina Lollobrigida.

4.1

 

En peinture

 

Piero della Francesca, la Visite de la reine de Saba au roi Salomon

Décorant la chapelle centrale du chœur de San Francesco d'Arezzo, l'Histoire de la vraie croix, déployée sur trois registres superposés, est inspirée de la Légende dorée de Jacques de Voragine. C'est cette croix, bientôt dressée pour le roi des Juifs, que la reine de Saba reconnaît (scène de gauche) dans la pièce de bois du pont, devant le palais où Salomon va la recevoir (scène de droite). Gothique par les figures, la fresque de Piero della Francesca innove par la puissance synthétique de la conception, servie par la simplicité presque géométrique des volumes et leur articulation dans l'espace, ainsi que par l'utilisation de la couleur et de la lumière.Piero della Francesca, la Visite de la reine de Saba au roi Salomon, v. 1452-1459. Fresque, 360 × 750 cm. Église San Francesco, Arezzo.

Archivi Alinari

Le personnage de la reine de Saba est également une source d’inspiration iconographique. Figure statique de la statuaire gothique des XIIe-XIIIe siècles (notamment dans les cathédrales de Chartres et d’Amiens), la reine de Saba est plutôt représentée à partir de la Renaissance dans les différents épisodes religieux de sa vie.

Ainsi la Porte du Paradis de Lorenzo Ghiberti comporte un panneau retraçant la rencontre des deux souverains (1452, baptistère Saint-Jean, Florence), tandis que, à la même époque, Piero della Francesca choisit de faire figurer, dans son cycle sur l’Histoire de la vraie croix (la Visite de la reine de Saba au roi Salomon, v. 1452-1459, église San Francesco, Arezzo), l’épisode de l’adoration de la croix relaté par Jacques de Voragine. Pour sa part, le Français Le Lorrain a peint l’Embarquement de la reine de Saba (1648, National Gallery, Londres), prétexte à la réalisation d’un paysage romain antique comme il s’est plu à en brosser.

4.2

 

En littérature

Le personnage de la reine de Saba n’a cessé de subjuguer les écrivains. Dans ses Voyages en Orient (1848-1851), Gérard de Nerval a transcrit un conte sur la reine de Saba qu’il prétend avoir entendu à Istanbul lors des soirées du ramadan. Gustave Flaubert a également mis la souveraine en scène dans son œuvre la Tentation de saint Antoine (1874). André Malraux s’est pour sa part penché sur le mystère du royaume de la reine de Saba et, en 1934, a entrepris à cette fin un voyage au Yémen ; son ouvrage, la Reine de Saba, une « aventure géographique », se nourrit de cette expédition. En 1989, Michel Butor a écrit une fiction d’après le tableau de Claude Lorrain, l’Embarquement de la reine de Saba.

 

 

 

 

Veau d'or

1

 

PRÉSENTATION

Veau d'or, dans le judaïsme, le christianisme et l’islam, idole adorée par les Hébreux au pied du mont Sinaï en l’absence de Moïse. L’épisode du Veau d’or est raconté dans le livre de l’Exode (inclus dans le canon de la Bible hébraïque et dans celui de l’Ancien Testament de la Bible chrétienne) et mentionné dans plusieurs sourates du Coran.

2

 

LA CRÉATION D’UN OBJET DE CULTE VISIBLE

 

Poussin, l'Adoration du Veau d'or

Maître dans la représentation de thèmes bibliques, Nicolas Poussin s'inspire d'un épisode de l'Exode pour peindre l'Adoration du Veau d'or. La Bible rapporte que lorsque les Hébreux atteignent le désert du Sinaï, Moïse confie le peuple à son frère Aaron avant de se rendre au mont Sinaï où il reçoit de Yahvé les Dix Commandements. Pendant son absence, les Hébreux s'éloignent de Dieu en construisant une divinité à l'image d'un Veau d'or qu'ils idolâtrent (Exode, XXXII, 1-6).Nicolas Poussin, l'Adoration du Veau d'or, v. 1634. Huile sur toile, 154,3 × 214 cm. The National Gallery, Londres.

National Gallery Collection; By kind permission of the Trustees of the National Gallery, London /Corbis

L’épisode du Veau d’or se déroule alors que les Hébreux ont atteint le désert du Sinaï, trois mois après avoir fui l’Égypte conduits par Moïse. Ce dernier, ayant confié le peuple à son frère Aaron, se rend sur le mont Sinaï, où, à l’issue de quarante jours et quarante nuits de jeûne, il conclut l’alliance entre son peuple et Dieu (Yahvé dans l’Ancien Testament, Allah dans le Coran). Cependant, pendant son absence, les Hébreux, ne sachant ce qu’il est devenu, demandent la création d’un dieu visible. Les femmes, les fils et les filles donnent — à Aaron dans l’Ancien Testament (Exode, XXXII, 1), à un Samaritain dans le Coran (sourate XX, « Tâ’. Hâ’ », 87) — leurs bijoux en or, qui sont fondus dans un moule pour créer la statue d’un veau.

Sur le mont Sinaï, Dieu avertit Moïse que son peuple s’est perverti et a commis un grand péché, et menace de l’exterminer, ce dont le prophète parvient à le dissuader. Redescendant du Sinaï, Moïse, furieux, trouve en effet les Hébreux occupés à danser et à festoyer autour du Veau d’or. L’Exode fait le récit de sa colère, qui le conduit à s’emparer des tables de la Loi qu’il a reçues de Dieu et à les briser.

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DESTRUCTION DU VEAU D’OR ET PUNITION DU PEUPLE IDOLÂTRE

 

Rembrandt, Moïse jetant les tables de la Loi

Rembrandt, Moïse jetant les tables de la Loi, 1659. Huile sur toile, 168,5 × 136,5 cm. Gemäldegalerie, Berlin.

Dahlem Staatliche Gemaldegalerie, Berlin/Bridgeman Art Library, London/SuperStock

« [Moïse] prit le veau qu’ils avaient fabriqué, le brûla au feu, le moulut en poudre fine, et en saupoudra la surface de l’eau qu’il fit boire aux Israélites. » (Exode, XXXII, 20). Ainsi, l’Ancien Testament comme le Coran — « Nous le brûlerons et ensuite / nous disperserons ses cendres dans la mer. » (sourate XX, 97) — font le récit de sa destruction par le feu, ce qui laisse supposer qu’il s’agit d’une statue en bois recouvert de feuilles d’or, plutôt qu’en or massif. Selon le récit de l’Exode, la colère de Moïse est si grande qu’il décide de punir les Hébreux ; il appelle à lui les fils de Lévi, qui n’ont pas participé au culte du Veau, et les exhorte à tuer tous les idolâtres (« Il leur dit 'Ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël : ceignez chacun votre épée sur votre hanche, allez et venez dans le camp, de porte en porte, et tuez qui son frère, qui son ami, qui son proche.' » — Exode, XXXII, 27). Les hommes s’exécutent, et environ trois mille hommes sont tués dans la journée. Le lendemain, Moïse s’adresse à Yahvé pour lui demander de pardonner son peuple et de ne pas s’éloigner de lui ; c’est alors que Dieu, accédant à sa demande, l’invite à renouveler l’Alliance sur le mont Sinaï.

L’Ancien Testament (Ier Livre des Rois, XII, 28-29) mentionne que, plus tard, Jéroboam Ier fait réaliser deux veaux d’or et les place dans les villes de Béthel et Dan pour servir de symbole à la présence de Yahvé (et pour, ainsi, contrebalancer l’influence de Jérusalem où se trouve l’arche d’Alliance). Comme avant eux le peuple au pied du mont Sinaï, Jéroboam et toute sa descendance sont punis pour avoir adoré des idoles : « j’exterminerai tous les mâles de la famille de Jéroboam, […] je balaierai la maison de Jéroboam comme on balaie complètement l’ordure. » (Ier Livre des Rois, XIV, 10).

4

 

INTERPRÉTATIONS

Dans l’Ancien Testament comme dans le Coran, le Veau d’or est fabriqué pour donner aux Hébreux un objet de culte visible, en lieu et place d’un Dieu invisible, avec lequel seuls communiquent les prophètes. Sa fabrication et son culte violent les trois premiers commandements de Dieu (« Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi. / Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. / Tu ne te prosterneras pas devant des dieux et tu ne les serviras pas […] » — Exode, « Le Décalogue », XX, 3-5). Le culte exclusif d’un Dieu unique et invisible est d’ailleurs précisément la condition de l’alliance entre celui-ci et les Hébreux. À cet égard, la littérature rabbinique (plus précisément la Aggadah) considère qu’il n’est pas un malheur frappant le peuple juif qui ne soit une punition de ce péché d’idolâtrie.

Le choix de l’image du veau ferait écho, en la dévalorisant, à celle d’anciennes divinités mésopotamiennes liées au taureau. Au Proche-Orient, l’animal est en effet très tôt associé à des figures divines : le dieu de la Pluie et de l’Orage Adad est figuré par un taureau, et l’on sacrifie des taureaux au dieu sumérien Enlil ainsi qu’au dieu babylonien Anu, pour s’approprier leur puissance ou leurs vertus de fertilité. Par ailleurs, les Hébreux venant de quitter l’Égypte quand survient l’épisode du Veau d’or, la forme de la statue pourrait avoir été inspirée par le culte porté au taureau dans l’Égypte antique (le dieu Apis, notamment, a l’apparence d’un taureau).

Sur le plan symbolique, le Veau d’or, associé aux biens matériels, représenterait la tentation d’élever la richesse au rang de divinité à vénérer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

taliban

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PRÉSENTATION

taliban, membre du mouvement islamique fondamentaliste d’Afghanistan qui a contrôlé la majorité du pays de 1996 à 2001.

Le mouvement des talibans a été fondé en août 1994 par le mollah Mohammed Omar, dans la ville de Kandahar, au sud de l’Afghanistan. Le nom de taliban, qui signifie « étudiant », est censé faire référence aux origines du groupe, bien que la plupart de ses membres aient connu la guerre toute leur vie et n’aient été étudiants que le temps d’une formation religieuse rudimentaire.

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UN MOUVEMENT NÉ SUR LES DÉCOMBRES DE LA GUERRE SOVIÉTO-AFGHANE

Le mouvement des talibans est issu du chaos et des incertitudes de la guerre soviéto-afghane (1979-1988), ainsi que des conflits internes qui l’ont suivie. Pendant les années 1980, l’Afghanistan est occupé par l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et dirigé par un gouvernement soutenu par les Soviétiques. La longue guerre qui a opposé l’Afghanistan à l’URSS a été essentiellement menée par les factions moudjahidines avec l’assistance militaire des États-Unis, le Pakistan fournissant également un soutien sous diverses formes, lieux de refuge et entraînement militaire notamment (voir guerre d'Afghanistan).

Après le retrait des troupes soviétiques en 1989, une guerre civile éclate entre les factions moudjahidines et le gouvernement central. Les Pachtounes, ethnie afghane majoritaire, dominait depuis longtemps les affaires du pays, mais, après le retrait des Soviétiques, c’est une coalition gouvernementale réunissant Tadjiks, Ouzbeks, Hazaras et autres groupes ethniques minoritaires qui s’installe au pouvoir. Les talibans, qui se présentent au départ comme émergeant des factions moudjahidines, sont essentiellement constitués de Pachtounes déterminés à reprendre le contrôle du gouvernement central à Kaboul. Ils sont entraînés et armés par le Pakistan, où vit également une population pachtoune numériquement importante. Les talibans se donnent une image de force nouvelle au service de la paix et de l’unité, et de nombreux Afghans, notamment les Pachtounes, les soutiennent dans l’espoir de trouver un répit après ces années de guerre.

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LA PRISE DE KABOUL

 

Soldats talibans (Afghanistan)

Martin Adler/Panos Pictures

À la fin de l’année 1994 et au début de 1995, les talibans se déplacent vers le sud et l’ouest de l’Afghanistan et prennent le contrôle de Kandahar et d’autres villes et bourgades, alors sous la domination de compatriotes pachtounes. Puis c’est le tour d’Herat et de la plupart des localités situées sur l’axe routier principal du sud et de l’ouest. En février 1995, les talibans atteignent les faubourgs de Kaboul, d’où ils sont délogés par les forces gouvernementales au mois de mars. En octobre, ils lancent une nouvelle offensive sur la capitale. Tout en faisant pleuvoir sur Kaboul bombes et fusées, les talibans poursuivent leur avancée et prennent le contrôle de l’est de l’Afghanistan, puis de la région centrale du pays. Ils continuent à soutenir le siège de Kaboul, la « Babylone », par assauts intermittents, tout au long de l’année 1996, jusqu’à ce qu’ils parviennent à prendre la ville en septembre.

Les troupes gouvernementales s’enfuient, tandis que les Pachtounes reprennent le contrôle de la capitale. Peu après la chute de la ville aux mains des talibans, Mohammad Najibullah, dernier président du pays soutenu par les Soviétiques, et son frère Shahpur Ahmadzai, chef de la sécurité, qui avaient l’un et l’autre trouvé refuge dans l’enceinte des Nations unies à Kaboul en 1992, sont traînés à l’extérieur des locaux par les talibans avant d’être roués de coups, fusillés et pendus sur la place publique.

4

 

UN MÉLANGE DE TRADITION PACHTOUNES ET DE FONDAMENTALISME ISLAMIQUE

 

Femmes afghanes en tchadri

La loi édictée par les talibans sous la forme de seize commandements oblige notamment les femmes à porter le tchadri — tunique recouvrant tout le corps et cachant le visage derrière un masque ajouré pour la vue, appelée également burqa —, dès qu'elles sortent de chez elles, sous peine de se voir, elles et leurs maris, battus ou tués.Devenue le symbole de l'oppression talibane sur les femmes, le port du tchadri était toutefois répandu avant l'arrivée des talibans, surtout dans les campagnes.

Noel Quidu/Liaison Agency

Après avoir repris le contrôle de Kaboul, les talibans créent un service gouvernemental qu’ils nomment « Ministère pour la prescription de ce qui est bien et l’interdiction de ce qui est mal », afin de faire respecter les règles de conduite « vertueuses ». L’ordre moral imposé par les talibans repose à la fois sur le code tribal pachtoune, le pachtounwalli, et sur la charia — les règles édictées par ces deux instances pouvant être contradictoires sur certains points. Les chefs talibans proscrivent la musique, ferment les cinémas, brûlent les films et interdisent la consommation d’alcool. Les hommes sont contraints de se laisser pousser la barbe, selon la coutume de l’Islam traditionaliste. On les rassemble pour les fustiger, afin de les inciter à revenir prier dans les mosquées. Les femmes doivent se dissimuler de la tête aux pieds sous un long voile couvrant, le tchadri, qui possède pour seule ouverture un rectangle noir de tissage plus lâche au niveau des yeux ; celles qui ne sont pas convenablement vêtues sont battues. Les talibans ferment les écoles de filles, interdisent l’accès des hôpitaux aux femmes, qui n’ont pas le droit de travailler hors de chez elles. En conséquence, les hôpitaux perdent l’essentiel de leur personnel et les enfants des orphelinats sont laissés à l’abandon. Dans un pays où des centaines de milliers d’hommes ont été tués à la guerre, les veuves se retrouvent dans l’impossibilité de travailler, alors qu’elles représentent la seule source de revenu pour leur famille.

 

École dans un camp de réfugiés afghans (Islamabad, Pakistan)

Dans un camp de réfugiés afghans installé aux alentours d'Islamabad, au Pakistan, une école de fortune a été créée avec le soutien de l'Unesco. Sous le régime des talibans (1996-2001), les écoles pour filles et femmes ont été fermées en Afghanistan, les petites filles n'ayant droit qu'à une éducation coranique jusqu'à l'âge de neuf ans.

Claro Cortes/REUTERS

Les talibans transmettent les lois et règlements qu’ils édictent via Radio Kaboul et par l’intermédiaire de camions équipés de haut-parleurs. Le meurtre, l’adultère et le trafic de drogue sont punis de mort. Les talibans autorisent également la lapidation des femmes accompagnées d’un homme avec lequel elles n’ont pas de relation de parenté. Parmi les autres règles appliquées figure l’amputation d’une main comme châtiment pour vol. Ces pratiques, réprouvées dans le monde entier, ont alerté un certain nombre d’organisations militant pour les droits de l’homme.

5

 

L’EXPANSION DES TALIBANS ET LA RÉSISTANCE AFGHANE

 

Bouddhas géants de Bamyan (Afghanistan)

Cette photographie de l'un des deux bouddhas géants de Bamyan (Afghanistan) a été prise avant que le chef suprême des talibans, mollah Mohammed Omar, n'ordonne leur destruction, survenue en mars 2001. Sculptées dans la falaise et abritées dans des niches trilobées peintes, ses colossales statues du Bouddha debout ont été détruites car jugées contraires à l’islam. La mobilisation internationale n’a pas réussi à empêcher la mise en œuvre de cette mesure iconoclaste.

Paul Almasy/Corbis

La victoire rapide des talibans à Kaboul en septembre 1996 leur ouvre la voie pour la conquête du reste du pays, et leurs soldats progressent vers le nord jusqu’aux places fortes des Tadjiks, Ouzbeks et Hazaras, dans les montagnes. Le président Burhanuddin Rabbani et le Premier ministre Gulbuddin Hekmatyar, qui ont pris la fuite lors de la prise de Kaboul, restent dans le nord du pays et continuent la lutte contre les talibans aux côtés d’autres factions. Cette résistance tente de s’organiser au sein d’une alliance entre les différents chefs de l’opposition islamique, dite Alliance du Nord, dirigée par le héros de la lutte contre l’occupant soviétique, le commandant Massoud. En novembre 1996, les talibans sont repoussés vers la capitale. Les affrontements sporadiques entre talibans et factions du nord, armés par les Russes et les Iraniens, aboutissent à une impasse au début de l’année 1997, la totalité du pays, à l’exception du nord, demeurant sous la coupe des talibans. Des milliers de réfugiés affluent dans les camps organisés par l’ONU, à l’extérieur d’Herat.

Malgré les préoccupations relatives au non-respect des droits de l’homme et à la situation des femmes notamment, les Nations unies et un certain nombre d’autres pays, dont les États-Unis, tentent de maintenir un dialogue diplomatique avec les talibans dans l’espoir de ramener la paix dans la région. Ce dialogue est rompu, en 1998, à la suite du refus des talibans d’extrader le terroriste présumé d’origine saoudienne Oussama Ben Laden, soupçonné d’être l’auteur des attentats d’août 1998 contre les ambassades américaines du Kenya et de la Tanzanie. Le Conseil de sécurité de l’ONU impose l’année suivante, pour les mêmes raisons, des sanctions économiques et commerciales à l’Afghanistan.

En septembre 2000, les talibans contrôlent la quasi-totalité de l’Afghanistan et renforcent leur emprise sur le pays, détruisant notamment les deux bouddhas géants de Bamyan, sculptés au début du viie siècle. Cette destruction, survenue en mars 2001, et ordonnée par le chef suprême des talibans, Mollah Mohammed Omar, dans le but de faire disparaître toute trace de civilisation antérieure à l’Islam, suscite une vive émotion dans l’opinion publique internationale.

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L’EFFONDREMENT DU RÉGIME DES TALIBANS

 

Oussama Ben Laden

Membre d'une famille d'entrepreneurs saoudienne et riche homme d'affaires, Oussama Ben Laden prend part, dans les années 1980, à la lutte contre l'occupant soviétique en Afghanistan et bénéficie alors du soutien de l'Arabie saoudite et des États-Unis. Dans les années 1990, il finance les mouvements les plus extrémistes du fondamentalisme musulman, dont il est l'un des principaux représentants. En 1996, il trouve refuge en Afghanistan où, sous la protection du régime taliban, il développe un réseau terroriste international, Al Qaida. Considéré par les États-Unis comme l'un des éléments les plus dangereux du terrorisme international, le milliardaire islamiste est soupçonné d'avoir organisé une série d'attentats contre des cibles américaines, dont ceux perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center, à New York, et contre le Pentagone, quartier général du ministère de la Défense, à Washington.

REUTERS

À la suite de l’annonce d’un attentat-suicide perpétré contre le commandant Massoud le 9 septembre 2001, les troupes des talibans enregistrent de très fortes progressions face aux forces de l’Alliance du Nord. La mort du chef emblématique de la résistance au régime taliban vient fragiliser encore davantage une alliance que menacent les divisions ethno-religieuses et les ambitions personnelles.

Mais deux jours après l’assassinat du commandant Massoud, quatre avions de ligne détournés s’écrasent aux États-Unis, causant la mort d’environ 3 000 personnes. Le milliardaire islamiste Oussama Ben Laden est suspecté d’être à l’origine de ces attentats. Les talibans, qui l’abritent en Afghanistan, refusent de le livrer, tandis que George W. Bush cherche à mettre en place une coalition internationale contre le terrorisme. Les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite puis le Pakistan rompent alors leurs relations avec les talibans. Les bombardements américano-britanniques sur l’Afghanistan commencent le 7 octobre. Ils visent les installations de l’organisation Al Qaida de Ben Laden ainsi que les aéroports contrôlés par les talibans afin de s’assurer la maîtrise du ciel. Les avions américains pilonnent également les positions des talibans sur les lignes de front et dans les villes principales afin de permettre la progression de l’Alliance du Nord.

 

Kaboul après la chute des talibans

Le marché aux oiseaux de Kaboul renaît quelques semaines après la reddition des talibans, en novembre 2001. En effet, sous la loi des talibans, il était interdit de garder des oiseaux en cage pour éviter que le chant des oiseaux ne distraie la prière. Interdits pendant toute la période talibane, les combats de coqs et de cailles, fort appréciés des Afghans, ont également repris.

Oleg Popov/REUTERS

En quelques semaines, l’Alliance du Nord se rend maîtresse de la majeure partie de l’Afghanistan. Après avoir réussi à prendre le contrôle de la ville stratégique de Mazar-é Charif puis de la plupart des provinces du nord, elle entre dans Kaboul le 13 novembre. La reddition des talibans a ensuite lieu à Kunduz et finalement à Kandahar, le 6 décembre, la dernière ville où ils résistaient et où est censé se cacher le chef des talibans, le mollah Mohammed Omar.

La chute du régime des talibans marque l’espoir d’une ère nouvelle pour l’Afghanistan avec la mise en place d’un gouvernement de transition à la fin décembre 2001 et le déploiement à Kaboul d’une Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (ISAF) mandatée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Toutefois, les talibans restent présents et actifs en Afghanistan. Ils procèdent à des attaques régulières du pouvoir — chef de l’autorité intérimaire élu à la tête du pays en octobre 2004, Hamid Karzaï échappe notamment à un attentat en septembre 2002 — et mènent des actions de guérilla de grande ampleur, notamment pendant l’été 2005.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



19/03/2012
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