Les details sur la première guerre mondiale
Guerre mondiale, Première
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PRÉSENTATION |
Guerre mondiale, Première, conflit, qui, du 28 juillet 1914 au 11 novembre 1918 opposa les Alliés, coalition formée autour de la Triple-Entente (France, Royaume-Uni et Russie), aux Empires centraux (Allemagne et Autriche-Hongrie) et leurs alliés, et qui pour la première fois dans l’Histoire de l’humanité engagea des pays de toutes les régions de la planète. La Grande Guerre, telle qu’elle fut baptisée, eut pour principal théâtre d’opération l’Europe (front de l’Ouest : France, Belgique ; front de l’Est : Russie) et pour théâtres secondaires, l’Italie, les Balkans, l’Asie (détroit des Dardanelles, Palestine, Mésopotamie), les colonies allemandes d’Afrique (Togo, Sud-Ouest africain) et d’Extrême-Orient, et la plupart des mers du globe. Son point de départ fut la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie, le 28 juillet 1914. Celle de l’Allemagne à la Russie, le 1er août, fut la première étape de son extension à toute l’Europe par le jeu des alliances. Le conflit prit une dimension mondiale avec l’entrée en guerre, aux côtés de la Triple-Entente, du Japon (1914) et surtout des États-Unis (1917).
Trente-deux nations prirent part au conflit. Vingt-huit d’entre elles combattirent dans le camps des Alliés, aux côtés de la Triple-Entente constituée par la France, le Royaume-Uni et la Russie, auxquels s’allièrent l’Italie (1915) et les États-Unis (1917), contre la coalition des Empires centraux, regroupant l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, rejoint par la Turquie (1914) et la Bulgarie (1915).
La cause directe de la guerre entre l’Autriche-Hongrie et la Serbie fut l’assassinat, le 28 juin 1914, à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, héritier du trône des Habsbourg, par Gavrilo Princip, un étudiant bosniaque lié aux milieux panserbes (voir Sarajevo, attentat de). Cependant, les causes profondes du conflit remontent à la fin du siècle précédent.
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CAUSES DE LA GUERRE |
Les divers courants nationalistes présents en Europe avant le déclenchement des hostilités plongeaient leurs racines dans les tensions et les conflits du XIXe siècle. En outre, l’essor de l’empire d’Allemagne comme puissance économique et politique mondiale exacerba les rivalités entre les grandes nations du continent. La création et le maintien, après 1871, de grandes armées et de deux alliances militaires antagonistes menaçaient de faire basculer cette rivalité en conflit armé.
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Nationalisme |
La Révolution française et les guerres napoléoniennes répandirent dans presque toute l’Europe le concept de démocratie politique, à savoir l’idée selon laquelle les peuples partageant les mêmes origines ethniques, la même langue et les mêmes idéaux politiques avaient le droit de former un État indépendant soit en se séparant d’un État dominant, soit en regroupant des populations soumises à des maîtres différents. Cette idée fut totalement ignorée par les monarchies autocratiques lors du congrès de Vienne, qui a redéfini la carte européenne en 1815. Plusieurs peuples qui aspiraient à l’unité et à l’autonomie restèrent assujettis à plusieurs petits souverains locaux ou furent annexés aux Empires. Ce fut le cas des Allemands, que le congrès de Vienne maintint divisés en une multitude de duchés, de principautés et de royaumes ; de l’Italie, également morcelée et dont certaines portions restaient gouvernées par des puissances étrangères ; des Belges flamands et francophones, que le congrès plaça sous le contrôle néerlandais. Au cours du XIXe siècle, certaines dispositions du congrès furent remises en cause par des révolutions et des mouvements nationalistes. La Belgique se détacha des Pays-Bas et devint indépendante en 1830. L’unification italienne fut réalisée en 1861 et l’unité allemande en 1871.
Toutefois, à la fin du siècle, dans d’autres régions d’Europe, en particulier les Balkans, les revendications nationalistes restèrent sans réponse et engendrèrent des tensions locales et internationales. Le panslavisme, « entretenu » par la Serbie, trouva un écho parmi certains peuples des Balkans qui souhaitaient se libérer de la domination ottomane. Les intérêts de l’Empire austro-hongrois où vivaient des populations slaves furent également directement menacés. Le panslavisme fut à l’origine de plusieurs conflits régionaux au début du XXe siècle.
Le nationalisme gagna également du terrain au sein des populations des grandes puissances européennes à la fin du XIXe siècle. Dans tous les pays, la propagande patriotique attisa l’idée d’un « ennemi héréditaire » aux frontières. En France, notamment, l’annexion de l’Alsace-Lorraine par le IIe Reich au terme de la guerre franco-allemande de 1870-1871 eut pour effet de nourrir un esprit « revanchard » attisé par les gouvernements successifs, inquiets de la croissance industrielle et démographique allemande.
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Impérialisme |
Le nationalisme se manifesta également dans les rivalités coloniales et économiques entre grandes puissances européennes. La révolution industrielle, née en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle, s’étendit à la France et à la Belgique au début du siècle suivant, puis aux États-Unis et à la Russie et enfin à l’Allemagne. Les progrès rapides de l’industrialisation dans ce pays depuis 1871 et, en conséquence, le développement plus rapide encore de son commerce menaçaient de plus en plus l’hégémonie britannique dans le monde.
Le Drang nach Osten, expression de l’expansionnisme économique allemand à l’est de l’Europe et au Proche-Orient (Empire ottoman), était considéré par la Russie comme une menace pour ses intérêts politiques et économiques. Les Turcs, quant à eux, s’inquiétaient des ambitions tsaristes sur les détroits, qui auraient donné aux Russes un débouché maritime sur la Méditerranée.
Hors d’Europe, à la fin du XIXe siècle, la recherche de nouveaux marchés et de ressources naturelles devint le principal objet de la concurrence entre les grandes nations industrielles. En Afrique, champ d’expansion privilégié des politiques économiques européennes, les rivalités entre la France et le Royaume-Uni ainsi qu’entre l’Allemagne, d’un côté, et la France et le Royaume-Uni, de l’autre, manquèrent à plusieurs reprises de provoquer une guerre entre 1898 et 1914.
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Course aux armements |
En réponse à ces tensions, les nations européennes adoptèrent, entre 1871 et 1914, des politiques intérieures et extérieures qui accentuèrent à leur tour le risque d’embrasement. Persuadées que leurs intérêts étaient menacés, elles entretinrent en temps de paix de puissantes armées permanentes, constamment modernisées et agrandies par des mesures de conscription.
Sur mer, la recherche de la suprématie navale suscita une concurrence acharnée. En réponse à l’expansion de la marine allemande depuis 1900, le Royaume-Uni développa sa flotte sous le commandement de l’amiral John Fisher. La guerre russo-japonaise (1904-1905) ayant démontré l’efficacité des armements navals à longue portée, les Britanniques construisirent des cuirassés. Remarquables par leur armement lourd, ils furent largement copiés. La course à l’armement, le perfectionnement des techniques et de l’organisation militaires accrurent l’influence des états-majors sur le pouvoir politique. Partout, ceux-ci mirent au point des plans de mobilisation et d’attaque minutieux qu’il était difficile d’arrêter une fois déclenchés.
Pour tenter d’enrayer cette course aux armements au coût exorbitant, qui plaçait les États dans une logique de guerre dont ils perdaient le contrôle, les gouvernements firent une tentative de désarmement mondial. Mais les conférences de La Haye, en 1899 et 1907, échouèrent.
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Système des alliances |
Tout comme la militarisation aggravait le risque de guerre, la diplomatie des nations européennes menaçait d’étendre à tout le continent le moindre conflit local. Chaque État chercha à conclure des alliances pour ne pas se retrouver isolé en cas de guerre. Les grandes puissances européennes se regroupèrent en deux coalitions militaires hostiles, — la Triple-Alliance, ou Triplice — réunissant l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, et la Triple-Entente, formée en 1893 et 1907, comprenant la France, le Royaume-Uni et la Russie.
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Des raisons de croire à la paix |
Face à ces menaces, les raisons de croire à la paix n’étaient pourtant pas négligeables. Des ruptures d’alliances étaient toujours possibles entre les membres des différentes coalitions.
Par solidarité entre Anglo-Saxons et en raison de liens dynastiques (l’empereur Guillaume II était le petit-fils de la reine Victoria), les Allemands restèrent persuadés, jusqu’à l’été 1914, que les Britanniques, considérés à tort comme pacifistes, ne rentreraient pas dans la guerre.
Les forces socialistes (partis et syndicats), en progrès dans la plupart des pays industrialisés, étaient majoritairement pacifistes et militaient pour une solidarité internationale des ouvriers. Elles proposaient d’opposer à la guerre la grève des travailleurs. Par ailleurs, les rivalités économiques n’avaient pas empêché les industriels et financiers de pays antagonistes de développer, surtout depuis 1909-1910, des opérations internationales communes. En 1913, le Français Jean Jaurès et l’Allemand R. Hasse déclarèrent : « Trois forces militent en faveur du maintien de la paix : la solidarité du prolétariat, la coopération des capitaux anglais, français et allemands, et la peur des gouvernements que, de la guerre, ne jaillisse la révolution. »
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Marche vers la guerre (1905-1914) |
L’Europe étant divisée en deux camps antagonistes, la moindre dégradation de la situation politique, économique ou militaire en Europe, en Afrique ou dans les autres colonies menaçait de provoquer un incident international. Entre 1905 et 1914, plusieurs crises et deux conflits locaux menèrent l’Europe aux portes de la guerre générale.
La première crise éclata à propos du Maroc, où l’Allemagne intervint en 1905-1906 aux côtés des Marocains contre l’ingérence française. La République menaça de déclarer la guerre à l’Allemagne, mais la crise fut finalement résolue lors de la conférence d’Algésiras (Espagne), en avril 1906, qui reconnut à la France des droits au Maroc.
Les Balkans furent le théâtre d’une autre crise, en 1908, quand l’Autriche-Hongrie annexa la Bosnie-Herzégovine, mettant à profit la faiblesse de l’Empire ottoman secoué par la révolution des jeunes-turcs (voir Ottoman, empire). Principal foyer du pansalvisme, la Serbie, qui avait des visées sur cette région, menaça de déclarer la guerre à l’Autriche. Elle dut y renoncer faute du soutien de son allié russe qui lui était indispensable dans cette entreprise.
Une troisième crise, à nouveau au Maroc, éclata en 1911 quand les Allemands envoyèrent le navire de guerre Panther à Agadir pour protester contre l’entrée des Français à Fès et Meknès (voir Agadir, incident d’). Le conflit fut résolu lors de la conférence d’Agadir le 4 novembre. Les Allemands laissaient les mains libres aux Français au Maroc, en échange d’une partie du Congo. L’Italie profita du fait que l’attention des grandes puissances fut retenue par cette crise pour déclarer la guerre à la Turquie, dans l’espoir d’annexer la région de Tripoli (Libye). L’Empire ottoman étant un allié de l’Allemagne, l’agression italienne eut pour effet d’affaiblir la Triple-Alliance.
Les guerres des Balkans de 1912-1913 virent le démembrement des possessions ottomanes en Europe. Au cours du premier conflit, la Russie, qui cherchait à s’assurer le contrôle des détroits de la mer Noire à la Méditerranée, joua un rôle décisif. La Serbie, quant à elle, affirma ses prétentions au détriment de la Bulgarie et des Turcs, tandis que l’Autriche-Hongrie était tenue à l’écart. Déçue par l’affaiblissement de son allié ottoman, l’Allemagne renforça son armée. La France répliqua en faisant passer la durée du service militaire de deux à trois ans. Suivant l’exemple de ces pays, toutes les nations européennes augmentèrent considérablement leurs dépenses militaires en 1913 et 1914.
Dans une Europe puissamment armée et rongée par les rivalités nationales, l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône de l’Empire austro-hongrois, cristallisa les tensions. Dans les deux camps, convaincus que l’équilibre diplomatique et militaire leur était favorable, les grandes puissances étaient prêtes à risquer la guerre pour tenir l’autre camp en respect.
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Manœuvres diplomatiques |
Considérant que cet assassinat était imputable à la Serbie, le gouvernement austro-hongrois se montra pour la première fois prêt à une opération militaire pour en finir avec le panslavisme, qui menaçait de plus en plus ses intérêts vitaux.
Le 23 juillet, l’Autriche-Hongrie envoya un ultimatum en dix points à Belgrade, exigeant le châtiment des complices éventuels de Princip et l’arrêt de la propagande anti-autrichienne en Serbie. Le 25 juillet, sous la pression du Royaume-Uni et de la Russie, la Serbie accepta de se plier à toutes ces exigences, à l’exception de la participation d’officiers autrichiens à l’enquête considérée comme une incursion dans les affaires intérieures du pays, mais l’Autriche jugea cette réponse insatisfaisante. Les Russes tentèrent alors de persuader les Autrichiens de modifier les termes de l’ultimatum, les menaçant de mobiliser leurs troupes en cas d’attaque contre la Serbie. Le 26 juillet, le Premier ministre britannique Edward Grey proposa de régler le conflit par une conférence réunissant le Royaume-Uni, la France, l’Italie et l’Allemagne, mais cette dernière, estimant que l’équilibre militaire lui permettait de régler le conflit serbe, rejeta l’offre.
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Déclarations de guerre |
Le 28 juillet, l’Autriche-Hongrie, garantie du soutien de l’Allemagne, déclara la guerre à la Serbie. La Russie riposta le lendemain par une mobilisation partielle. L’Allemagne avertit la Russie que, si cette mobilisation se poursuivait, les deux nations entreraient en guerre et incita l’Autriche-Hongrie à négocier avec Moscou une modification de l’ultimatum à la Serbie. Devant le refus russe de démobiliser, l’Allemagne déclara la guerre à la Russie le 1er août.
La mobilisation française commença le même jour et, le 3 août, l’empereur allemand Guillaume II déclara la guerre à la France. Répliquant à l’entrée en Belgique de troupes allemandes, le Royaume-Uni lança un ultimatum à Berlin le 4 août, exigeant le respect de la neutralité belge. Devant le refus de l’Allemagne, elle lui déclara la guerre le jour même.
Le 6 août, la Serbie déclara la guerre à l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie avait fait de même la veille avec la Russie. Le 11 août, la France déclara la guerre aux Habsbourg d’Autriche, imitée le lendemain par le Royaume-Uni. Le 5 septembre 1914, par le pacte de Londres, la France, la Grande-Bretagne et la Russie s’engagèrent à ne pas signer de paix séparée. Le Japon, qui avait des ambitions sur les possessions germaniques d’Extrême-Orient, déclara la guerre à l’Allemagne le 23 août. Le 2 novembre, la Russie, suivie le lendemain par le Royaume-Uni et la France déclarèrent la guerre à la Turquie qui avait signé un pacte secret avec l’Allemagne. L’Italie resta neutre jusqu’au 23 mai 1915, date à laquelle elle se désolidarisa de la Triple-Alliance et déclara la guerre à l’Autriche-Hongrie pour satisfaire ses revendications territoriales. Le caractère mondial du conflit allait être encore accru avec l’entrée en guerre tardive des États-Unis, le 6 avril 1917, puis de la Chine, le 14 août suivant.
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Mobilisation |
Les forces de paix ne purent résister à l’atmosphère nationaliste exacerbée par les événements (voir assassinat de Jean Jaurès à la veille de la déclaration de guerre). Les refus de rejoindre les armées furent très rares et l’on n’eut même pas besoin en France d’appliquer le carnet B (arrestation préventive des leaders pacifistes). Cependant, les élans patriotiques, bien que réels, furent surévalués par les propagandes alliées. La mobilisation se fit partout dans le calme, avec sérieux ou résignation, et surtout l’idée que la guerre serait courte.
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OPÉRATIONS MILITAIRES |
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1914 : la guerre de mouvement |
Les opérations militaires commencèrent en Europe sur trois fronts principaux : le front de l’Ouest ou front franco-belge, le front de l’Est ou front russe et le front du sud ou front serbe. Elles s’exercèrent également sur mer et dans les colonies.
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Front de l'Ouest |
La stratégie allemande initiale prévoyait de mener une guerre éclair (Blitz Krieg) sur le front de l’Ouest, en France, tandis qu’une petite partie de l’armée allemande et la totalité de l’armée austro-hongroise garderaient le front de l’Est, qui n’était pas menacé immédiatement par une Russie lente à mobiliser. La défaite de la France devait être acquise grâce au plan Schlieffen (du nom du chef d’état-major allemand de 1891 à 1907) en six semaines. De puissantes armées devaient pénétrer en Belgique (violant sa neutralité) pour prendre les Français à revers dans un mouvement rapide, puis faire volte-face pour les encercler et les anéantir. Une fois la victoire acquise, les armées allemandes devaient se concentrer sur la Russie et l’écraser. Mis en œuvre en automne 1914 par le chef d’état-major Helmuth von Moltke après quelques modifications, le plan Schlieffen sembla tout d’abord fonctionner comme prévu.
3.3 |
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Bataille des frontières |
L’incursion éclair en Belgique au début du mois d’août ne rencontra guère d’obstacles. L’armée belge abandonna les places fortes de Liège et de Namur et fit retraite dans la forteresse d’Anvers (15 août). Les Allemands poursuivirent leur avancée et battirent les Français lors de la bataille des Ardennes (22 août) et de Charleroi (21-23 août), puis une armée britannique à Mons (23 août). Sur toute la ligne de front belge et luxembourgeoise, les Alliés reculaient. Simultanément, les Allemands reprirent la Lorraine envahie par les Français.
Les Britanniques, dirigés par le commandant French, et les Français se replièrent précipitamment, mais en ordre, sur la Marne. Ils furent pourchassés par trois armées allemandes qui parvinrent à franchir la rivière, mais ne purent isoler l’aile gauche franco-britannique. L’attaque de la capitale, défendue par le général Gallieni, sembla imminente, aussi le gouvernement se transféra à Bordeaux.
Mais, Paris n’était pas le but des Allemands, aussi pivotèrent-ils, toujours conformément au plan Schlieffen, en direction du Sud-Est pour encercler les armées françaises. Le général Joffre, commandant en chef des armées du Nord et du Nord-Est, averti des mouvements allemands, lança le 6 septembre une contre-offensive générale sur le flanc droit de l’armée allemande commandée par Alexander von Kluck.
Au cours de la première bataille de la Marne, du 6 au 13 septembre 1914, Joffre, aidé de Gallieni, bloqua la progression de l’armée de von Kluck, qui avait distancé les deux autres armées allemandes et ne pouvait espérer leur soutien. En outre, le haut commandement allemand était affaibli par des divisions et les erreurs de Helmuth von Moltke. Croyant la victoire acquise à l’ouest, il avait prélevé six corps d’armées le 25 août pour parer à une attaque russe sur le front oriental. Soutenus sur leur gauche par les Britanniques, les Français attaquèrent le flanc droit des Allemands et forcèrent l’armée de von Kluck à battre en retraite. L’ensemble des forces allemandes se replia sur l’Aisne puis se fixa le long des Ardennes et de l’Argonne. En raison de l’échec du plan allemand et de la victoire française, Erich von Falkenhayn prit la tête de l’état-major allemand, le 14 septembre, en remplacement de von Moltke.
Les Français, épuisés, engagèrent une série de batailles dans l’Aisne, la Somme et en Artois, sans parvenir à déloger les Allemands. Ceux-ci réussirent à étendre leurs lignes vers l’est jusqu’à la Meuse, au nord de Verdun.
3.4 |
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Course à la mer |
Au nord-ouest du front, la course à la mer s’engagea alors des deux côtés, visant à déborder l’ennemi pour le contrôle des ports de Dunkerque et de Calais, lieux de débarquement des renforts britanniques. Les Allemands ne purent atteindre les ports français de la Manche, grâce aux inondations provoquées par les Belges dans la région de l’Yser. Les Britanniques avancèrent jusqu’à Ypres, à l’extrémité sud-ouest de la Belgique. Après avoir pris Anvers le 10 octobre, les Allemands tentèrent une percée lors de la sanglante bataille des Flandres, en novembre, mais ils se heurtèrent à la résistance des troupes alliées commandées par Joffre. En décembre, celles-ci contre-attaquèrent sur toute la longueur du front, de Nieuport, à l’ouest, à Verdun à l’est, mais n’emportèrent pas de victoire décisive. La « mêlée des Flandres » marqua la fin de la guerre de mouvement et des combats à découvert sur le front occidental, qui se stabilisa sur près de 800 km, de la Suisse à la mer du Nord. À la fin de 1914, les deux camps établirent des tranchées, faute de vainqueur : la guerre qui devait être courte menaçait d’être longue. Le front, en effet, ne devait pratiquement pas bouger pendant les trois années suivantes, chaque camp assiégeant et pilonnant les tranchées adverses et tentant par des offensives de les investir et de les franchir.
3.5 |
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Front de l'Est |
Sur le front oriental, conformément aux plans des Alliés, le tsar lança l’offensive dès le quinzième jour de la guerre, plus tôt que prévu par les Allemands. En août, deux armées russes entrèrent en Prusse-Orientale et quatre autres envahirent la province autrichienne de Galicie. Ils remportèrent une victoire à Gumbinnen (19-20 août) sur des forces allemandes inférieures en nombre, qui étaient sur le point d’évacuer la région lorsque des renforts commandés par le général Paul von Hindenburg remportèrent sur les Russes une victoire décisive à Tannenberg (27-30 août 1914), confirmée lors de la bataille des lacs Mazures (Prusse-Orientale), le 15 septembre, ce qui contraignit les Russes à se replier vers leur frontière.
Face aux troupes autrichiennes mal équipées, les quatre armées russes progressèrent régulièrement et envahirent la Galicie après les victoires de Lemberg, en août et septembre. Elles s’emparèrent de Lvov (3 septembre) et de la Bucovine et repoussèrent l’ennemi dans les Carpates, où le front se stabilisa en novembre.
Les Autrichiens entreprirent à trois reprises d’envahir la Serbie, mais ils furent repoussés et subirent une défaite à Cer, le 24 août. Les Serbes, qui avaient repris le 13 décembre Belgrade, occupée depuis le 6 novembre, après la bataille de Rudnik, ne tentèrent aucune invasion en Autriche-Hongrie.
3.6 |
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Front turc |
L’Empire ottoman entra dans la guerre le 29 octobre 1914, en bombardant, grâce à deux cuirassés cédés par l’Allemagne le 12 août, le port d’Odessa et les côtes méridionales de la Crimée en mer Noire. La Russie déclara la guerre à la Turquie le 2 novembre ; le Royaume-Uni et la France firent de même le 5. En décembre, les Turcs commencèrent à envahir la région russe du Caucase.
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Guerre en mer |
Les Alliés, forts de la puissance maritime britannique, contrôlèrent les mers et imposèrent un blocus aux Empires centraux. La marine britannique était constituée de deux flottes. La plus importante, basée à Scapa Flow dans les îles Orcades, au nord de l’Écosse, s’appelait la Grand Fleet (« Grande Flotte »). Elle comprenait 20 cuirassés et de nombreux croiseurs et destroyers. La seconde flotte comprenant des vaisseaux plus vieux gardait la Manche. La flotte du Kaiser, qui comptait quant à elle 13 cuirassés, était basée dans les ports allemands de la mer du Nord. Les Britanniques attaquèrent la base navale allemande de l’île d’Helgoland, coulant trois vaisseaux ennemis. Les sous-marins allemands détruisirent plusieurs unités britanniques, dont le supercuirassé Audacious (octobre). Par une attaque audacieuse de sous-marins, à Scapa Flow, ils contraignirent les unités de la marine britannique à se retirer vers des bases de la côte ouest écossaise.
Au cours de l’année 1914, il n’y eut aucune bataille majeure dans l’Atlantique Nord. Dans le Pacifique sud, en revanche, l’escadre de croiseurs de l’amiral Maximilian von Spee endommagea considérablement les installations françaises de Tahiti et celles de l’île Fanning, sous domination britannique (septembre et octobre 1914). Le 1er novembre, elle remporta contre l’escadre britannique de l’amiral Cradock la bataille de Coronel, au large du Chili. Mais le 8 décembre suivant, Spee perdit quatre de ses cinq vaisseaux dans la bataille des îles Falkland, face à l’escadre britannique de sir Frederick Sturdee. L’escadre allemande du Pacifique était réduite à néant.
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1915 : L'ENLISEMENT DU CONFLIT |
Sur le front de l’Ouest, l’année 1915 fut marquée par l’enlisement du conflit dans la guerre des tranchées et par une forte poussée allemande sur le front russe. Des combats opposèrent la Turquie au Royaume-Uni dans le détroit des Dardanelles pour désenclaver la Russie et de nouveaux fronts s’ouvrirent avec l’entrée en guerre de l’Italie et de la Bulgarie.
4.1 |
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Front de l'Ouest |
Au cours de l’année 1915, les tranchées furent aménagées en système de défense inexpugnable. Elles furent, au fur et à mesure, organisées en lignes successives, entrecoupées de fil de fer barbelé et de champs de mines. Les soldats de première ligne, soumis aux bombardements et vivant dans des conditions d’hygiène déplorables, subirent une pression continuelle. Mais le front n’apparaissait pas encore totalement figé : chaque camp espérait rompre le front adverse. Les Alliés menèrent plusieurs offensives pour rompre la défense allemande et libérer les territoires occupés.
En janvier et février, les Français tentèrent en vain une percée en Champagne. En mars, les Britanniques attaquèrent victorieusement Neuve-Chapelle (Artois) mais ne purent prendre que la ligne avancée des Allemands. En avril et mai, ces derniers lancèrent une offensive dans les Flandres, à Ypres, et employèrent des nuages de chlore gazeux, première apparition à grande échelle de la guerre chimique.
En mai et juin, une attaque franco-britannique en Artois, entre Neuve-Chapelle et Arras, permit aux troupes de progresser de 4 km à l’intérieur du système de défense allemand. Les Britanniques à Lens et les Français sur la crête surplombant Vimy tentèrent deux attaques simultanées. La percée ne fut pas décisive (voir Artois, batailles d’).
En septembre, les Français lancèrent une grande offensive sur un front d’environ 25 km entre Reims et la forêt d’Argonne. Ils s’emparèrent de la première ligne de tranchées allemandes, mais furent arrêtés par la seconde. Dans l’ensemble, les lignes établies à l’ouest en fin d’année 1914 restèrent pratiquement inchangées en 1915.
Les combats de 1915 se soldèrent par de très lourdes pertes (1,4 million tués, blessés ou prisonniers), surtout pour l’artillerie française, mais ne permirent pas de gains significatifs. Ils permirent toutefois de soulager la Russie en difficulté.
4.2 |
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Front de l'Est |
Cette année-là, les Allemands, tirant les conclusions de l’échec du plan Schlieffen, changèrent de stratégie et, profitant de la stabilisation du front de l’Ouest, concentrèrent leurs efforts sur le front oriental dans l’espoir de pousser les Russes à une paix séparée, pour se retourner ensuite contre les Français et les Britanniques. Au cours de la seconde bataille des lacs Mazures, en février 1915, les troupes du tsar abandonnèrent la Prusse-Orientale et laissèrent plus de 100 000 prisonniers. En avril, les Russes, qui menaçaient la Hongrie, furent repoussés par l’armée autrichienne et chassés des Carpates.
En mai, les Allemands lancèrent avec le soutien des Autrichiens une vaste offensive en Galicie et remportèrent à Gorlice une victoire qui contraignit les Russes à abandonner la Galicie et la Bucovine, puis la Pologne, la Lituanie et la Courlande ainsi que toutes leurs places fortes frontalières.
En septembre, après la perte de Brest-Litovsk (25 août) et de Vilna (18 septembre), les Russes stabilisèrent le front le long d’une ligne nord-sud, de Riga à la frontière roumaine, entrant eux aussi dans la période des guerres de tranchées.
Près de la moitié des armées du tsar étaient hors de combat (900 000 prisonniers et 700 000 blessés), mais les Allemands n’étaient pas parvenus à les forcer à conclure une paix séparée. Néanmoins, le front de l’Est fut stabilisé de Riga à Czernowitz et la Russie ne joua plus de rôle décisif jusqu’à son désengagement de la guerre en 1917.
4.3 |
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Front italien |
L’Italie, qui avait été membre de la Triple-Alliance et qui se prononça pour la neutralité au début du conflit, mena des discussions avec les belligérants afin d’obtenir des garanties sur ses prétentions territoriales quant aux terres irrédentes, dans la région de Trentin et d’Istrie (voir Irrédentisme). Elle obtint ces garanties (accords de Londres en avril 1915) et entra en guerre contre l’Empire austro-hongrois le 23 mai 1915. Au cours de l’année 1915, la guerre des tranchées est marquée par quatre batailles indécises, opposant les deux armées sur le fleuve Isonzo (29 juin-7 juillet, 18 juillet-10 août, 18 octobre-3 novembre et 10 novembre-10 décembre).
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Guerre dans les Balkans |
Au début de 1915, l’avancée turque dans le Caucase russe incita le tsar à demander le soutien du Royaume-Uni. Les détroits contrôlés par Istanbul constituaient, en outre, un objectif stratégique majeur, car ils fermaient l’accès de la Russie à la Méditerranée et leur prise permettrait de rompre son isolement.
À l’instigation de Churchill, premier lord de l’Amirauté, le Royaume-Uni décida d’organiser une expédition contre la Sublime Porte. En février 1915, une flotte commandée par le général Ian Hamilton bombarda les forts turcs des Dardanelles, mais perdit un tiers de ses navires devant Canakkale, le 18 mars. Les Alliés effectuèrent deux débarquements sur la presqu’île de Gallipoli, en avril (troupes françaises, britanniques et australiennes) puis en août, après l’arrivée de plusieurs divisions britanniques supplémentaires. La résistance farouche des Turcs commandés par Mustafa Kemal Pacha et soutenus par les Allemands et la stratégie médiocre du commandement allié firent de l’expédition des Dardanelles un désastre (145 000 morts). Les troupes alliées se retirèrent de novembre 1915 à février 1916. Dans le Caucase, en revanche, les Russes reprirent aux Turcs la plupart des territoires perdus. Pour apporter leur soutien à Belgrade, les troupes françaises et britanniques rapatriées des Dardanelles formèrent une tête de pont à Salonique (5 octobre), malgré l’opposition du roi Constantin Ier qui défendait la neutralité de la Grèce. Les forces austro-allemandes du général August von Mackensen envahirent la Serbie le 6 octobre avec l’aide de la Bulgarie qui déclara la guerre à la Serbie le 14 octobre. Les Serbes subirent une déroute et, le 23 novembre, effectuèrent une difficile retraite à travers le Monténégro et l’Albanie. Ils trouvèrent refuge dans l’île grecque de Corfou, occupée par les Alliés en janvier 1916. Les troupes françaises et britanniques de Serbie se retirèrent à Salonique, où elles raffermirent leurs positions.
Contre la Turquie, les Britanniques avaient ouvert un front en Mésopotamie dès novembre 1914. Les forces britanniques de l’Inde battirent les Turcs à plusieurs reprises. Mais au cours de la bataille de Ctésiphon, au sud-est de Bagdad, le 24 novembre 1915, les armées ottomanes réussirent à contenir la progression, vers Bagdad, des Britanniques qui durent se replier sur Kut al-Amara. À Suez, en revanche, ceux-ci parvinrent à repousser la menace turque.
4.5 |
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Guerre maritime |
En septembre 1914, les alliés avaient proclamé le blocus naval à l’encontre de l’Allemagne, mais celle-ci continua au début à se ravitailler par les ports neutres de Rotterdam, Bergen et Copenhague.
À partir de février 1915, le Reich entreprit une guerre sous-marine à outrance à l’encontre des Alliés, et ceux-ci répliquèrent par un blocus total de l’Allemagne, qui mécontenta les pays neutres. Le 7 mai, le torpillage du transatlantique britannique Lusitania (armé de 12 canons de 6 pouces) fit 1 198 morts, dont 128 Américains. La protestation officielle des États-Unis obligea l’Allemagne à ajourner cette tactique de guerre.
4.6 |
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Guerre dans les colonies |
4.6.1 |
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Afrique |
Une force britannique prit possession du Togo en août 1914. En septembre, le Cameroun fut envahi par les Britanniques venus du Nigeria et par les troupes françaises de l’Afrique-Équatoriale française. Les Allemands ne cesseront les combats qu’en février 1916.
Le Sud-Ouest africain allemand (actuelle Namibie) fut conquis entre septembre 1914 et juillet 1915 par les troupes de l’Afrique du Sud.
La plus importante possession germanique, l’Afrique-Orientale allemande (actuelle Tanzanie), vit cependant les assauts, des troupes britanniques et indiennes, repoussés en novembre 1914 par le général Paul von Lettow-Vorbeck, et la lutte continuera jusqu’à l’armistice (voir plus loin).
4.6.2 |
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Extrême-Orient |
Dans le Pacifique, la partie allemande des Samoa fut envahie par les Néo-Zélandais en août 1914 et, le mois suivant, les Australiens occupèrent l’archipel Bismarck et la Nouvelle-Guinée, possessions allemandes.
Entre août et novembre 1914, les Japonais s’emparèrent des îles Marshall, des îles Mariannes, des îles Palaos et des îles Carolines sous domination allemande. En novembre 1914, ils prirent la forteresse de Qingdao, un port allemand de la province de Shandong en Chine.
5 |
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1916 : L'IMPASSE |
Ayant repoussé les Russes hors de la Prusse-Orientale, de Galicie et de Pologne, les Allemands purent transférer quelque 500 000 soldats du front est vers le front ouest afin de réaliser une percée décisive. Mais là, comme ailleurs, avec des fortunes diverses, rien de décisif ne se produisit et les systèmes défensifs mis en place se maintinrent d’une façon générale.
5.1 |
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Verdun et la Somme |
Le plan allemand, mis au point par Erich von Falkenhayn, chef d’état-major de l’armée allemande, prévoyait de jeter d’énormes forces sur le camp retranché de Verdun, point saillant de la défense française, dans le but d’épuiser l’ennemi. Le maréchal Joffre et son homologue britannique Douglas Haig prévoyaient de leur côté de lancer en été une série d’offensives dans la Somme.
Le 21 février, les Allemands noyèrent Verdun sous un déluge d’artillerie. Ils gardèrent l’initiative pendant quatre mois, parvenant à prendre, au prix de luttes acharnées, les forts de Douaumont (25 février) et de Vaux (2 juin) et les fortifications de Thiaumont (23 juin). Mais la défense française s’organisa sous le commandement du général Philippe Pétain, puis du général Georges Robert Nivelle. Elle repoussa une attaque générale du 9 au 10 avril, et le 24 juin à Souville. En août, Paul von Hindenburg et Erich Ludendorff remplacèrent Falkenhayn au poste de chef d’état-major. Mais le sort de la bataille était joué. D’octobre à décembre, le général Charles Mangin désenclava la ville en reprenant les forts de Douaumont (24 octobre) et de Vaux (2 novembre). La durée de la bataille et l’étendue des pertes (360 000 Français et 330 000 Allemands) devaient marquer durablement les esprits et Verdun devint un symbole de la résistance française (voir Verdun, bataille de).
La bataille de la Somme, qui débuta le 1er juillet sous la direction du général Ferdinand Foch et se prolongea jusqu’à la mi-novembre, fut menée essentiellement par les forces britanniques car les Français, épuisés par les combats de Verdun, ne purent engager que 16 divisions au lieu des 40 prévues. L’offensive permit de gagner 325 km2 de territoire, mais la tentative de percée échoua. Bataille de matériel alors que Verdun était un combat presque au corps à corps, elle vit l’utilisation, pour la première fois, des tanks que les Britanniques déployèrent le 15 septembre près de Courcelette. En décembre, le général Nivelle succéda à Joffre à la tête des armées françaises du Nord et du Nord-Est.
5.2 |
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Sursaut russe |
Sur le front oriental, en 1916, les Russes conduisirent une offensive dans la région du lac Narocz à environ 95 km au nord-est de Vilna (aujourd’hui Vilnius). Cette attaque, qui visait à soulager les Alliés à Verdun, fut un échec total. Non seulement elle ne put aucunement détourner les Allemands du front de Verdun, mais en outre les Russes perdirent plus de 100 000 hommes.
Répondant à l’appel des Italiens qui demandaient une action les dégageant de la pression autrichienne dans le Trentin-Haut-Adige (voir plus loin), les Russes lancèrent une autre offensive plus heureuse en Bucovine et en Galicie. De juin à août, le général Aleksis Akseïevitch Broussilov attaqua les Autrichiens sur un front s’étendant de Pinsk à Tchernivtsi, au sud. Quand les renforts allemands arrivèrent du front occidental, les Russes avaient progressé de 65 km et fait environ 500 000 prisonniers. Toutefois, ils ne purent s’emparer d’aucun de leurs deux objectifs : les villes de Kovel et de Lemberg. En outre, les très lourdes pertes subies (près d’un million de soldats) contribuèrent largement au découragement de l’armée.
5.3 |
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Italie et les Balkans |
Sur le front italien, l’année 1916 vit une nouvelle bataille indécise sur l’Isonzo, la cinquième dans cette région. Les Autrichiens lancèrent également une offensive dans le Trentin, en mai, destinée à percer les lignes ennemies pour prendre à revers ses positions sur l’Isonzo. Ils s’emparèrent d’une grande partie du Trentin, mais ne parvinrent pas à enfoncer les lignes italiennes. Lors de la contre-attaque de juin-juillet, ceux-ci reprirent la plus grande partie des terres qu’ils avaient perdues. D’août à novembre, l’Isonzo connut quatre nouvelles batailles indécises. La prise de Gorizia par les Italiens, le 9 août, fut la victoire la plus significative.
La manœuvre des Russes incita la Roumanie à entrer en guerre aux côtés des Alliés (27 août 1916). Ses troupes pénétrèrent dans la province austro-hongroise de Transylvanie (août-septembre), mais furent rapidement repoussées. En même temps que les troupes bulgares et turques, les armées austro-allemandes du général Falkenhayn envahirent la Roumanie (novembre-décembre). À la mi-janvier 1917, le pays était entièrement conquis, donnant aux puissances d’Europe centrale des réserves de blé et de pétrole appréciables.
En août 1916, l’armée serbe reconstituée à Corfou lança, aux côtés des Russes et des Italiens, une attaque contre les Bulgares et les Allemands sur le front de Salonique. Après quelques victoires, ils subirent une violente contre-attaque. Au début du mois d’octobre, une force franco-serbo-britannique entreprit la campagne de Macédoine pour soutenir la Roumanie menacée. Le 19 novembre, les troupes alliées s’emparèrent de Bitola et, en décembre, atteignirent le lac d’Ohrid, à la frontière de l’Albanie et de la Macédoine. En Grèce, les puissances alliées accusèrent le roi Constantin Ier de favoriser les puissances d’Europe centrale, en dépit de sa neutralité officielle. Le 29 septembre, Éleuthérios Venizélos, hostile au monarque, forma à Salonique un gouvernement provisoire et déclara la guerre à l’Allemagne et à la Bulgarie, le 3 novembre. Le roi Constantin Ier contrôlant toujours Athènes et une grande partie du pays, les Alliés imposèrent un blocus maritime pour le forcer à respecter sa neutralité. Le 19 décembre, le Royaume-Uni reconnut officiellement le gouvernement provisoire grec.
5.4 |
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Fronts turcs |
En 1916, l’Empire ottoman eut à combattre sur de nombreux fronts. De janvier à février, les Russes pénétrèrent en Arménie, à l’est de la Turquie, et s’emparèrent d’Erzurum le 16 février, puis de Trébizonde le 18 avril (voir Trabzon).
En Mésopotamie, les Britanniques évacuèrent Bagdad et capitulèrent devant les Turcs à Kut al-Amara le 29 avril 1916. Les troupes ottomanes portèrent à nouveau l’offensive sur Suez. En décembre suivant, les Britanniques contre-attaquèrent et s’emparèrent de la ville deux mois plus tard. En Arabie, Hussein ibn Ali, grand cheikh de La Mecque lança, en juin 1916, avec son fils Abd Allah ibn Hussein, la révolte du Hedjaz contre l’occupant turc. Conseillés par Thomas Edward Lawrence (Lawrence d’Arabie), les Britanniques le reconnurent roi du Hedjaz en décembre 1916 et lancèrent une attaque en Palestine depuis l’Égypte, pour soutenir la révolte arabe. Dans les premiers jours de janvier 1917, ils avaient pris plusieurs forts.
5.5 |
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Batailles navales |
Le blocus maritime fut de plus en plus durement ressenti par l’Allemagne, dont l’économie eut du mal à s’approvisionner, tandis que les Alliés continuaient à commercer avec les pays neutres, en particulier les États-Unis. En 1916, l’Allemagne tenta de rompre le blocus dans la mer du Nord. La bataille du Jutland (31 mai-1er juin 1916) entre les navires allemands et la Grande Flotte britannique fut l’affrontement naval le plus important de la guerre. Bien que les pertes du Royaume-Uni fussent plus importantes, la Grande Flotte remporta une victoire tactique car la flotte allemande ne se risqua plus à lui livrer bataille ; aussi les Britanniques gardèrent leur suprématie maritime. Les croiseurs allemands parvinrent cependant à briser le blocus et coulèrent un tonnage considérable de bateaux alliés dans l’Atlantique Nord.
5.6 |
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Poids de la guerre et la propagande |
Confrontés à une guerre totale sans précédent qui exigeait d’énormes efforts de la part des populations, les gouvernements d’Europe, qu’ils fussent autoritaires ou démocratiques, durent affermir leur autorité.
En Russie, où le mécontentement se développa à partir de 1916, le tsar Nicolas II prit la direction de la guerre, sans tenir compte de la lassitude du pays. En Allemagne, l’état-major dirigé par Hindenburg et Ludendorff s’imposa progressivement au pouvoir civil du gouvernement de Theobald von Bethmann-Hollweg. La tendance fut identique dans les démocraties, mais le pouvoir législatif conserva un droit de regard sur la conduite de la guerre. En France, tous les partis politiques participèrent à l’Union sacrée et le Parlement fut tenu de respecter le secret militaire ; mais après le remplacement de Joffre, à la fin de 1916, il retrouva un certain poids.
Conscients que le conflit allait durer, les gouvernements organisèrent dès la fin de 1914 une économie de guerre. Partout, l’organisation de la production et du ravitaillement devinrent des priorités nationales. Les États accrurent leurs interventions. Dans tous les secteurs industriels, on fit appel à la main-d’œuvre féminine pour remplacer les hommes partis au front. En France, le lancement d’emprunts et de bons de Défense nationale permit de financer l’armement mais eut des conséquences inflationnistes.
Outre la mobilisation de l’économie, celle des esprits apparut comme un facteur majeur de la victoire. Les gouvernements exploitèrent la fibre patriotique à grands renforts de propagande (slogans, affichage, compte rendus optimistes de l’état-major). La presse fut soumise à la censure et les journalistes invités à lutter contre le défaitisme.
Des courants pacifistes teintés d’esprit révolutionnaire, sur lequel Lénine exerçait une influence déterminante, apparurent cependant et organisèrent une première rencontre à Zimmerwald en 1915, puis à Kienthal en 1916. Leurs résolutions en faveur d’une paix immédiate n’eurent guère de répercussions sur le plan international mais trouvèrent un écho au sein des populations civiles confrontées à des conditions de vie de plus en plus difficiles. Pour la première fois depuis le début de la guerre, de nombreuses grèves éclatèrent.
5.7 |
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Tentatives de négociation |
En 1916, Thomas Woodrow Wilson, président des États-Unis, le plus puissant des pays neutres, tenta d’amener les belligérants à négocier pour obtenir, selon ses termes, une « paix sans victoire ». Grâce à la médiation de son conseiller Edward M. House, qui rencontra les principaux chefs d’États européens, ses efforts semblèrent sur le point d’aboutir.
En décembre, le gouvernement allemand informa les États-Unis qu’il était prêt à entamer des pourparlers de paix. Le Royaume-Uni rejeta la proposition car la situation militaire défavorable de l’Entente à cette époque (la Roumanie venait d’être envahie) lui faisait craindre des exigences inacceptables de la part des Empires centraux. Wilson poursuivit ses efforts de médiation jusqu’en janvier 1917, appelant les belligérants à préciser leurs « buts de guerre », c’est-à-dire leurs revendications. Il parvint finalement à arracher des offres de paix concrètes à chaque alliance, mais ne put les mettre d’accord.
6 |
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1917 : L'ENTRÉE EN GUERRE DES ÉTATS-UNIS ET LE RETRAIT RUSSE |
L’année 1917 fut marquée par une profonde crise morale dans la plupart des pays d’Europe, épuisés par trois années de guerre. Côté alliés, la défection russe fut compensée par l’engagement américain.
6.1 |
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Entrée en guerre des États-Unis |
Sur les conseils de son état-major, convaincu qu’une rupture des approvisionnements de l’Entente permettrait d’obtenir la victoire, l’empereur d’Allemagne Guillaume II décréta la guerre sous-marine à outrance à partir du 1er février 1917. Le 3 février, les États-Unis, qui avaient déjà fait part de leur vive opposition à cette option qui, selon eux, violait les droits des pays neutres, rompirent leurs relations diplomatiques avec l’Allemagne. À la demande de Wilson, le Pérou, la Bolivie et le Brésil en firent autant. Le 6 avril, les États-Unis déclarèrent la guerre à l’Allemagne.
Les experts allemands avaient prévu un tel risque, mais estimaient que la guerre sous-marine à outrance entraînerait une défaite du Royaume-Uni dans les six mois, avant que l’engagement américain ne devienne opérationnel.
Les États-Unis envoyèrent leur premier contingent en France en juin, deux mois après leur entrée dans le conflit. Le corps expéditionnaire américain, commandé par le général John J. Pershing allait compter jusqu’à 2 millions d’hommes en novembre 1918, mais son rôle sur le champ de bataille ne devint important qu’à partir du printemps 1918.
6.2 |
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Guerre sous-marine à outrance |
La guerre sous-marine à outrance, qui devait contraindre le Royaume-Uni à capituler en quelques mois, se révéla un échec. D’août 1914 à janvier 1917, les destructions de navires avaient été de 3,8 millions de tonnes et, pour la seule année 1917 atteignirent 5,7 millions de tonnes, avec un pic à 680 000 tonnes en avril. Mais la Grande-Bretagne adopta un système de convoyage des navires marchands par un écran de vaisseaux de guerre (destroyers et chasseurs de sous-marins), utilisa des hydravions pour détecter les submersibles et eut recours à des grenades sous-marines. Au cours de l’été, l’efficacité des attaques diminua et la flotte sous-marine allemande subit de sérieuses pertes. Au début de l’année 1918, grâce aux États-Unis, les constructions de nouveaux navires dépassèrent le tonnage des destructions. La stratégie allemande avait échoué.
6.3 |
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Batailles d'Artois et d'Ypres |
Au début de 1917, l’attitude défensive des Allemands, qui raccourcirent leurs lignes en février pour économiser leurs troupes et qui s’étaient repliés sur la ligne Hindenburg, convainquit Nivelle d’engager une offensive massive pour rompre les lignes allemandes sur le front occidental.
La bataille d’Artois, opérée par les Britanniques afin de faciliter l’offensive de Nivelle, se déroula près d’Arras entre le 9 avril et le 21 mai. Les 9 et 10 avril, les troupes canadiennes s’emparèrent héroïquement de la crête de Vimy, solidement fortifiée et farouchement défendue, alors que les forces britanniques avançaient de 6 km, ce qui constituait un succès très éphémère. En revanche, l'attaque du Chemin des Dames organisée par Nivelle, le 16 avril, fut un désastre : les pertes s'élevèrent à 147 000 hommes, dont 40 000 tués et plus de 100 000 blessés, en moins de deux semaines. Elle provoqua une crise morale profonde dans le pays et dans l’armée, qui fut agitée par des mutineries. Le général Nivelle, responsable de cette attaque imprudente, fut remplacé le 15 mai par le général Pétain, qui avait prévu l’échec de l’offensive. La politique du nouveau commandant fut de rester sur la défensive en attendant l’arrivée des troupes américaines. Il se contenta de lancer quelques offensives limitées et soigneusement préparées, couronnées de succès à Verdun (août) et à La Malmaison (octobre).
Impatients de remporter une victoire qui leur fut propre, les Britanniques, commandés par Douglas Haig, tentèrent une percée dans les Flandres sur le flanc droit des positions allemandes. Une première bataille à Messines prépara les attaques principales (31 juillet-10 novembre) à Ypres, appelées la troisième bataille d’Ypres ou campagne de Passchendale. Les combats acharnés firent environ 250 000 victimes de part et d’autre mais ne permirent pas de percer le front.
Au cours de la bataille de Cambrai, du 20 novembre au 3 décembre, les Britanniques lancèrent un raid de près de 400 chars d’assaut, sans précédent dans l’histoire militaire. Ils avancèrent de 8 km à l’intérieur des lignes allemandes, mais, faute de renforts, durent abandonner presque tout le terrain gagné lors de la contre-attaque ennemie.
6.4 |
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Crises morales |
Au printemps de 1917, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne furent secoués par de profondes crises sociales. L’épuisement des esprits après trois années de guerre, les restrictions de l’hiver et la hausse des prix des denrées provoquèrent de nombreuses grèves, qui n’épargnèrent pas l’industrie de l’armement. En Allemagne, l’état-major dut militariser les usines pour mettre fin à l’agitation entretenue par les révolutionnaires spartakistes. Une mutinerie de la flotte allemande, à Kiel, et des scènes de fraternisation entre soldats allemands et russes, provoquèrent une vive inquiétude au sein de l’état-major.
En France, la défaite sanglante du Chemin des Dames provoqua des rébellions au sein de l’armée au début du mois de mai. Jusqu’au 10 juin, on recensa 230 mutineries (refus de monter au front, d’obéir). La répression fut sévère (décimation), mais relativement limitée (42 exécutions officielles). Nivelle limogé, Pétain s’efforça de calmer les esprits et d’améliorer la condition des soldats (permissions, ravitaillement, etc.). Dans le pays, l’importance du nombre des victimes et la stagnation des opérations entretenaient le sentiment de l’inutilité des efforts consentis. Au mois de novembre, le président Poincaré nomma Clemenceau à la tête du gouvernement qui entreprit de lutter contre le « défaitisme » et de restaurer la confiance.
En Russie, le mécontentement général, beaucoup plus profond, allait provoquer une révolution.
6.5 |
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Repli russe |
Sur le front oriental, la révolte du peuple russe contre le gouvernement impérial bouleversa les données au cours de l’année 1917. En mars, un gouvernement provisoire fut mis en place et le tsar Nicolas II fut contraint d’abdiquer. Le nouveau pouvoir poursuivit la guerre et, en juillet, le général Broussilov lança une attaque en Galicie et en Bucovine. Mais les territoires conquis furent rapidement repris par les forces austro-allemandes.
Le 3 septembre, les Allemands s’emparèrent de Riga, défendue par le général Lavr Gueorguievitch Kornilov, et en octobre ils envahirent la plus grande partie de la Lettonie, ainsi qu’un grand nombre d’îles russes en mer Baltique. Le 7 novembre (selon le calendrier grégorien ; voir Révolution russe), le parti bolchevique, dont l’une des principales revendications était l’arrêt de la guerre, prit le pouvoir. À peine en poste, il signa l’armistice avec l’Allemagne, le 15 décembre, puis conclut la paix par le traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), qui fit perdre d’immenses territoires à la Russie. Libérés de toute menace sur leur front est, les Empires centraux rapatrièrent 700 000 soldats à l’ouest.
6.6 |
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Tentatives de paix |
En 1917, la tentation de la paix gagna d’autres pays. En Autriche-Hongrie, où la situation intérieure était critique, le nouvel empereur Charles Ier fut approché par l’Entente, par l’intermédiaire de son beau-frère Sixte de Bourbon-Parme. Les pourparlers secrets échouèrent et leur révélation provoqua la colère des Allemands. Pour relancer la dynamique de l’alliance, l’empereur Guillaume II apporta son soutien à Vienne lors de l’offensive en Italie, en octobre.
En juin, le pape Benoît XV chargea le cardinal Pacelli, nonce à Munich, de tenter une médiation. Son plan de paix, plutôt favorable à l’Allemagne, fut rendu public le 14 août, mais les deux camps le rejetèrent.
6.7 |
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Revers italiens |
Pendant les huit premiers mois de l’année, malgré les défaillances de l’artillerie et du soutien logistique, les forces italiennes commandées par le général Luigi Cadorna continuèrent d’essayer de percer les lignes autrichiennes sur l’Isonzo. En mai, elles progressèrent vers Trieste et le plateau de Bainsizza, mais ne purent atteindre leur objectif.
En octobre, les forces austro-allemandes lancèrent une violente contre-offensive avec neuf divisions autrichiennes et six divisions allemandes fraîchement arrivées. Elles parvinrent à percer les lignes italiennes en déroute qui abandonnèrent l’Isonzo et se replièrent sur des positions le long de la Piave. Au cours de la désastreuse bataille de Caporetto, 300 000 soldats italiens furent capturés et environ autant désertèrent. En novembre, des troupes françaises et britanniques vinrent prêter main forte aux Italiens et le général Armando Diaz remplaça le général Cadorna à la tête de l’armée.
6.8 |
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Entrée en guerre de la Grèce |
Sur le front des Balkans, après avoir engagé plusieurs offensives indécises à Monastir, sur le lac Prespa et sur le fleuve Vardar, les Alliés entreprirent d’évincer le roi grec Constantin Ier en raison de son soutien aux Empires centraux. En juin 1917, les Alliés envahirent la Grèce et lancèrent un ultimatum au roi, qui fut contraint d’abdiquer en faveur de son fils Alexandre Ier. Le 27 juin, le Premier ministre Éleuthérios Venizélos déclara la guerre aux Empires centraux.
6.9 |
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Proche-Orient |
En mars et en avril 1917, les Britanniques tentèrent par deux fois de s’emparer de la Palestine, mais furent stoppés à Gaza. Sous les ordres d’un nouveau chef, le général Edmund Allenby, ils prirent leur revanche en perçant les lignes turques à Beersheba, le 31 octobre, et s’emparèrent de Jérusalem le 9 décembre.
En juin, les troupes arabes commandées par Lawrence d’Arabie prirent le port d’Aqaba, aux mains des turcs, et menèrent des attaques incessantes tout au long de l’année contre la ligne ferroviaire Damas-Médine, dans le Hedjaz. L’année 1917 fut également marquée par les victoires britanniques en Mésopotamie. Ils prirent Bagdad en mars et, en septembre, avancèrent jusqu’à Ramadi, sur l’Euphrate, et Tikrit, sur le Tigre.
7 |
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1918 : LA VICTOIRE DES ALLIÉS |
Le 8 janvier 1918, le président Wilson formula des propositions très éloignées des revendications des Empires centraux. Devant le Congrès américain, il énonça les « quatorze points » nécessaires à l’établissement d’une paix juste et durable. Cette paix ne devait intervenir que quelques mois plus tard.
7.1 |
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Succès des Empires centraux |
L’année débuta sous de sombres hospices pour l’Entente. Le 3 mars, la Russie signa une paix séparée à Brest-Litovsk. Elle fut imitée le 7 mai par la Roumanie qui se retrouvait totalement isolée face aux Empires centraux dans les Balkans et dut céder la région de Dobroudja à la Bulgarie et les voies de passage des Carpates à l’Autriche-Hongrie. L’Allemagne obtint un bail à long terme sur les puits de pétrole roumains et eut les mains libres pour tirer profit des richesses de l’Ukraine.
7.2 |
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Derniers efforts allemands |
Au début de 1918, les Allemands constatèrent l’échec de la guerre sous-marine et décidèrent de lancer une vaste offensive terrestre sur le front occidental avant l’arrivée massive des Américains. Hindenburg et Ludendorff pensaient pouvoir tirer bénéfice des 700 000 soldats rapatriés du front oriental pour emporter la décision contre des Alliés épuisés qui se contentaient d’une position défensive.
L’offensive de France, qui commença le 21 mars, repoussa les Britanniques et créa une brèche de 20 km entre les lignes alliées en Picardie. Les Allemands s’engouffrèrent dans une poche de 60 km de profondeur autour de Noyon et Montdidier, menaçant Amiens. L’assaut fut finalement stoppé, le 5 avril, par un renfort de réservistes français, commandés par Pétain.
Une conséquence directe de l’avancée allemande fut la création d’un commandement unique des forces alliées (Américains, Britanniques, Belges et Français), qui fut confié au général Ferdinand Foch.
Le 9 avril, les Allemands lancèrent une seconde attaque et prirent Armentières et la crête de Messine aux Britanniques.
La seconde défaite du Chemin des Dames (27 mai-6 juin), dans l’Aisne, provoqua la chute de Château-Thierry et la capture de 60 000 soldats français. Le 15 juillet, enfin, les Allemands lancèrent en Champagne l’« assaut de la paix » qui leur permit de franchir la rivière mais leur progression fut arrêtée par les troupes françaises et américaines.
7.3 |
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Contre-attaque alliée |
Au cours de la seconde bataille de la Marne, les Américains prirent une part importante aux combats lors de la bataille de Château-Thierry. Sentant que l’attaque allemande s’épuisait et disposant du renfort des 16 divisions américaines du général Pershing, le général Foch ordonna une première contre-attaque, le 18 juillet, qui repoussa l’ennemi. Les Allemands n’étaient pas parvenus à emporter la décision et perdirent définitivement l’initiative au profit des Alliés.
Le 8 août commença la contre-attaque qui devait entraîner la capitulation allemande trois mois plus tard. Du 8 au 11, les Britanniques lancèrent une deuxième offensive autour d’Amiens et libérèrent la poche de Montdidier. Poussé par une troisième contre-attaque (20 août-1er septembre), Ludendorff fut contraint de se replier sur la ligne Hindenburg (de la région lilloise à l’Argonne), le 1er septembre, mais ses positions furent enfoncées.
Au sud-est, les troupes américaines parvinrent à reprendre Saint-Mihiel au prix de combats acharnés et firent plus de 14 000 prisonniers (12-14 septembre). En octobre et au début du mois de novembre, les Britanniques progressèrent vers Cambrai et les Américains avancèrent par la forêt d’Argonne. Un dernier assaut enfonça les lignes allemandes entre Metz et Sedan.
7.4 |
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Capitulation de la Bulgarie, de l’Autriche-Hongrie et de la Turquie. |
La situation dans les Balkans, très favorable aux Empires centraux après la capitulation roumaine, connut un retournement au cours de l’année 1918. Le 15 septembre, une force d’environ 700 000 soldats français, britanniques, serbes et italiens, dirigée par le commandant en chef des armées alliées d’Orient, Franchet d’Esperey, lança une grande offensive contre les troupes allemandes, autrichiennes et bulgares en Macédoine. L’attaque fut un tel succès qu’à la fin du mois les Bulgares défaits durent conclure un armistice avec les Alliés (29 septembre), qui rentrèrent à Sofia le 16 octobre. La Turquie et l’Autriche-Hongrie étaient menacées. La partie serbe de l’armée alliée poursuivit son avancée et occupa Belgrade le 1er novembre, tandis que l’armée italienne envahissait l’Albanie. Le 10 novembre, la Roumanie reprit in extremis les hostilités contre les Empires centraux.
Sur le front austro-italien, les Autrichiens franchirent la Piave en juin, mais ils furent refoulés et perdirent 100 000 hommes. La victoire revint définitivement aux Alliés en octobre, lors d’une offensive qui culmina à la bataille de Vittorio Veneto (24 octobre-4 novembre). Plusieurs centaines de milliers de soldats autrichiens furent faits prisonniers et le reste de l’armée des Habsbourg se dispersa. Le 3 novembre, les Italiens prirent enfin Trieste, et le 5 novembre, ils occupèrent Fiume.
Le choc de la débâcle entraîna des mouvements révolutionnaires en Autriche-Hongrie. Les Tchèques et les Slovaques proclamèrent une république unie le 7 octobre et les Hongrois se comportèrent de fait comme un État indépendant. Le 29, les Slovènes, les Croates et les Serbes proclamèrent leur indépendance et se regroupèrent au sein d’un royaume des Slaves du Sud (Yougoslavie). L’Empire austro-hongrois avait vécu et Charles Ier, dernier empereur de la dynastie des Habsbourg, abdiqua le 11 novembre. La République autrichienne fut proclamée le lendemain.
En Orient, les campagnes des Alliés furent également couronnées de succès. Au mois de septembre, les forces britanniques enfoncèrent les lignes ennemies à Megiddo et refoulèrent l’armée turque et le corps d’armée allemand qui lui portait assistance. Après le ralliement des forces arabes sous le commandement de Lawrence d’Arabie, les Britanniques envahirent le Liban et la Syrie, prirent Damas (29 septembre), puis Alep et d’autres points stratégiques, tandis que les forces navales françaises occupaient Beyrouth. Un armistice fut conclu le 30 octobre à Moudros. Les Turcs furent obligés de démobiliser, de rompre les relations avec les Empires centraux et d’autoriser les vaisseaux de guerre alliés à passer par le détroit des Dardanelles.
7.5 |
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Armistice |
Les offensives alliées sur le front occidental ayant repoussé les forces allemandes sur tous les fronts, Ludendorff prit conscience qu’il était vaincu et poussa le chancelier à demander l’armistice. Les pourparlers avec Wilson s’ouvrirent au début d’octobre mais le Président américain exigea le renversement de l’empereur Guillaume II. Les Britanniques continuèrent leur avancée dans le nord de la France et le long de la côte Belge et, le 10 novembre, les troupes américaines et françaises atteignirent Sedan. Au début du mois de novembre, la ligne Hindenburg était complètement enfoncée et les Allemands battaient en retraite précipitamment sur tout le front.
La défaite de l’armée allemande plongea le pays dans le chaos. Les ministres socialistes entrèrent en conflit avec l’empereur Guillaume II qui refusait de démissionner, tandis que les rues furent envahies par des manifestations en faveur de la paix. La flotte allemande se mutina à Kiel, des soviets furent créés et la vague révolutionnaire déferla sur l’Allemagne. Le 9 novembre, l’empereur Guillaume II abdiqua finalement et la République de Weimar fut proclamée le même jour. Une délégation avait déjà été envoyée pour négocier l’armistice avec les Alliés. Celui-ci fut signé le 11 novembre à 5 heures du matin, dans un train stationné près de la gare de Rethondes, en forêt de Compiègne. Les hostilités cessèrent le matin même à 11 heures sur le front de l’Ouest.
7.6 |
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Sabordage de la flotte allemande |
Suivant les termes de l’armistice, les Allemands remirent aux Alliés la plus grande partie de leur flotte, soit 10 navires de combat, 17 croiseurs, 50 torpilleurs et plus de 100 sous-marins. Toute la flotte à l’exception des sous-marins fut rassemblée à Scapa Flow en novembre 1918, les officiers et les équipages allemands restant à bord. Le traité de Versailles (1919) stipulait que les navires capturés deviendraient la propriété permanente des Alliés, ceux encore en possession de l’Allemagne devant également leur être remis. En réaction à ces mesures, les Allemands sabordèrent leurs bateaux retenus à Scapa Flow le 21 juin 1919.
7.7 |
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Fin de la guerre en Afrique-Orientale allemande |
En 1916, les troupes du général Lettow-Vorbeck qui n’avaient pu repousser l’offensive des forces alliées (britanniques, sud-africaines et portugaises), placées sous le commandement du général sud-africain Jan Christiaan Smuts, s’étaient retirées dans le sud-est de la colonie portugaise du Mozambique puis, en novembre 1918, avaient pénétré en Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe) ; Lettow-Vorbeck ne se rendit que trois jours après la signature de l’armistice en Europe.
8 |
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BILANS DE LA GUERRE |
8.1 |
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Bilan technique |
La Première Guerre mondiale fut avant tout une guerre de tranchées, particulièrement sur le front occidental, celui qui devait emporter la décision en 1918, mais aussi sur les fronts russo-turc et austro-italien. Guerre de position, elle vit s’affronter les adversaires jusqu’à l’épuisement des infanteries (les crises de 1917). Les innovations techniques (artillerie mobile, sous-marins, chars et aviation) font pourtant de ce conflit la première « grande guerre moderne ». Son achèvement rapide lors des campagnes de France, en 1918, s’explique en partie par l’emploi généralisé de ces techniques, qui redonnèrent au front sa mobilité. La Première Guerre mondiale fut une guerre industrielle et la victoire revint finalement à l’alliance disposant du plus puissant appareil industriel. Le maintien intact de l’appareil de production allemand au lendemain de l’armistice laissa aux vainqueurs le sentiment d’une guerre inachevée.
La Première Guerre mondiale vit l’essor prodigieux de la production d’avions, de ballons stationnaires et de dirigeables à des fins militaires. La France disposait de 162 avions en 1914 et de 11 836 en 1918 (les autres pays connurent une évolution comparable). Ils répondaient à un double usage : l’observation et le bombardement. Les belligérants firent un usage extensif du ballon captif pour observer les fronts stationnaires, les dirigeables servirent à la reconnaissance en mer, tandis que les avions furent utilisés pour les reconnaissances côtières. En liaison avec les opérations militaires terrestres, l’aviation servit à observer les dispositifs de défense des adversaires ou pour bombarder les lignes ou les troupes ennemies en action. Les avions et les dirigeables effectuèrent également de nombreux raids sur les villes et les usines situées loin derrière les lignes ennemies.
Le premier raid aérien sur Paris eut lieu le 30 août 1914. Au Royaume-Uni, il eut lieu à Douvres le 21 décembre 1914 et à Londres le 28 novembre 1916. En 1915 et 1916, les dirigeables allemands, les zeppelins, effectuèrent 60 raids dans l’est de la Grande-Bretagne et sur Londres.
Dès le milieu de 1915, les combats entre escadrilles aériennes devinrent fréquents. Les Allemands conservèrent la maîtrise des airs d’octobre 1915 à juillet 1916, puis la suprématie passa dans l’autre camp. Avec l’entrée en guerre des États-Unis, la supériorité alliée devint écrasante. Au moment de l’armistice, les 45 escadrilles américaines présentes sur le front comprenaient presque 800 avions et 1 200 officiers. L’histoire a retenu le nom des pilotes les plus célèbres, des « as de guerre » dont les exploits faisaient la une des journaux, tels le Français Georges Guynemer, le Britannique Mannock, l’Américain Eddie Rickenbacker, le Canadien William Avery Bishop et le baron allemand Manfred von Richthoffen.
8.2 |
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Bilan humain |
La Première Guerre mondiale commença le 28 juillet 1914 et prit fin le 11 novembre 1918, après plus de quatre années de combats, alors que tous les belligérants avaient imaginé une guerre courte. Son coût total a été estimé à 2 500 milliards de francs-or. Le nombre des victimes s’éleva à plus de 8 millions de militaires (voir le tableau : victimes de la Première Guerre mondiale) et plus de 13 millions de civils. Avec 1,8 million de morts, l’Allemagne paya le plus lourd tribut, juste devant la Russie (1,7 million) et la France (1,4 million). Les pertes furent particulièrement sévères dans ce pays qui supporta sur son sol les plus violents combats (7 p. 100 du territoire ravagé). Dans tout le nord-est de la France, les infrastructures urbaines, industrielles et agricoles furent totalement détruites. La mort d’un quart des Français âgés de dix-huit à vingt-sept ans eut des conséquences démographiques à long terme.
8.3 |
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Bilan géostratégique |
La Première Guerre mondiale marqua la fin du cycle pluriséculaire de la domination européenne sur le monde. Ruinées par le conflit, les vieilles nations européennes virent émerger les États-Unis comme première puissance économique mondiale. Malgré l’espoir d’une paix définitive qu’avaient fait naître les traités, la Première Guerre mondiale portait en elle le germe d’un conflit encore plus dévastateur. Les puissances européennes victorieuses cherchèrent à obtenir des Empires centraux des réparations d’un montant égal au coût total de la guerre et se distribuèrent les territoires et les possessions des vaincus, en vertu d’accords secrets conclus avant l’entrée en guerre des États-Unis. Au cours des négociations de paix, le président Wilson tenta d’abord d’obtenir l’acceptation de la totalité de son programme en quatorze points, mais finalement afin d’obtenir l’appui des Alliés à la création de la Société des Nations, il n’insista plus sur certains points.
Les traités de paix signés à Versailles, Saint-Germain, Trianon, Neuilly et Sèvres, dans l’ensemble, furent en fait de véritables diktats imposés par les puissances victorieuses. Ils provoquèrent de profonds ressentiments et des troubles sociaux parmi les vaincus, et même chez certains vainqueurs dont les revendications ne furent pas entièrement satisfaites, comme l’Italie. La volonté de révision des traités de la part de ces pays provoqua, à terme, la résurgence d’un militarisme et d’un nationalisme agressif.
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