THOMAS SANKARA: Biographie, Sa politique et sa mort
Biographie de Thomas Sankara
Thomas Isidore Noël Sankara, né le 21 décembre 1949 à Yako en Haute Volté, est issu de l’ethnie Silmimandé, ou encore « Peul-Mossi ». Son père était un ancien combattant et prisonnier de guerre de la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il se convertit au catholicisme alors qu’il est issu d’une famille musulmane. Il fait l’école primaire à Gaoua où il est aussi enfant de cœur. Il y prend conscience à l’injustice coloniale. Les prêtres comme ses parents s’attendent à le voir rejoindre le séminaire mais il en décide autrement et fait ses études secondaires d’abord au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays.
Il souhaitait être médecin mais un concours de circonstance fait qu’il entre au PMK, le Prytanée militaire du Kadiogo à Ouagadougou à partir de la seconde.
Après le bac, il suit une formation d’officier à l’Académie militaire d’Antsirabé, à Madagascar. Le pays vit alors une révolution ou l’armée y joue un rôle déterminant. Il reste une année supplémentaire pour y effectué le service civique qui lui donne l’occasion de faire des séjours à la campagne où l’armée assume des tâches d’éducation et d’animateur de développement.
Rentré au pays, il organise la nouvelle génération des jeunes officiers ayant été formés dans des écoles militaires à l’étranger qui étouffent dans une armée dirigés par les anciens officiers de l’armée coloniale. Ceux-ci se rassemblent d’abord sur la base de revendications d’amélioration de leurs conditions comme de celles de leurs soldats, ils en viennent peu à peu à créer des structures clandestines proches des militants civils clandestins marxistes. En 1976, il obtient la création du Centre national d’entraînement commando, situé à Pô, dans la province du Nahouri, à 150 km au sud de la capitale dont il prend la tête.
La même année, il se lie d’amitié avec Blaise Compaoré lors d’un stage au Maroc. Alors que l’arrivée d’un nouveau membre devait suivre une procédure stricte et progressive, Thomas Sankara demande à ses camarades d’accepter Blaise Compaoré sans passer par ses étapes. D’autres militaires qui joueront un rôle de premier plan appartiennent déjà à cette structure, Henri Zongo, Boukary Kabore, Jean-Baptiste Lingani et Abdul Salam Kaboré par exemple. Blaise Compaoré est adopté par le papa de Thomas Sankara, comme un de ses enfants et il déjeune tous les jours en famille quand il est à Ouagadougou.
En septembre 1981, il devient, sous la contrainte, secrétaire d’État à l’information dans le gouvernement du colonel Saye Zerbo. Mais il démissionne le 21 avril 1982, déclarant en direct à la télévision« Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! ».
Le 7 novembre 1982, un nouveau coup d’État portait au pouvoir le médecin militaire Jean-Baptiste Ouédraogo. Certains y voient déjà la main de Sankara, mais en réalité, les initiateurs cherchent alors à bénéficier de sa popularité grandissante, alors que Thomas Sankara pense que les conditions ne sont pas encore réunies. Des luttes internes au sein de l’armée aboutissent à sa nomination comme Premier ministre en janvier 1983. Il effectue alors différents séjours à l’étranger ou il rencontre d’autres dirigeants du Tiers monde. Il invite aussi Kadhafi à Ouagadougou ce qui exacerbe les luttes internes mais aussi attire l’attention des puissances étrangères. Il est limogé et mis aux arrêts le 17 mai, alors que Guy Penne, conseiller de François Mitterrand se rend à Ouagadougou. Pour Sankara il n’y a pas de doute sur les liens entre ces deux évènements. Blaise Compaoré réussit à rejoindre les commandos de Po dont il a pris le commandement sur proposition de Thomas Sankara. Il refuse de reconnaître le nouveau pouvoir.
D’importantes manifestations de lycées à l’initiative de PAI (Parti africain de l’indépendance) et de l’ULCR (Union des luttes communistes reconstruites) se déroulent à Ouagadougou demandant la libération de Thomas Sankara. Il est finalement ramené à Ouagadougou et placé en résidence surveillée. Mais il bénéficie de nombreuses complicités au sein de l’armée. Aussi organise-t-il avec ses amis militaires et les organisations clandestines civiles la prise du pouvoir. Il tente d’intégrer au processus révolutionnaire le PCRV (Parti communiste révolutionnaire voltaîque) mais ce parti refuse.
Le 4 août 1983, après plusieurs report, décision est prise que ce sera le jour J. Les commandos de Po sous la direction de Blaise Compaoré descendent sur Ouagadougou, tandis que des civiles parfois armés guident les militaires à l’entrée de Ouagadougou, participent à des missions de renseignements ou favorisent l’arrivée des militaires par exemple en coupant le téléphone. Thomas Sankara devient président de la Haute Volta qui sera rebaptisée l’année suivante le Burkina Faso, le pays des hommes intègres. Dès la prise du pouvoir il appelle la population à se constituer en comité de défense de la révolution.
Pour une synthèse de ce qu’a représenté la révolution on se reportera à l’article « Thomas Sankara leader d’un authentique processus révolutionnaire » à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article535.
Sankara se démènera sans compter son pays pour sortir du sous développement, promouvoir de nouvelles formes de démocratie directe, et apporter le bien être à la population de son pays. Il est souvent considéré aujourd’hui avec le recul comme ayant toujours un temps d’avance sur ses contemporains et ses collaborateurs. Il est tout autant un leader charismatique, un visionnaire, qu’un formidable producteur d’idées qu’il tente de mettre en pratique sans tarder. Ses admirateurs comme ses détracteurs aiment à citer cette phrase : « tout ce qui sort de l’imagination de l’homme est réalisable par l’homme ». Son intégrité et son engagement sont aujourd’hui rarement remis en cause mais il est parfois critiqué pour avoir voulu aller trop vite. D’autres disent qu’il était pressé parce qu’il n’avait pas beaucoup de temps.
L’année 1987, va connaître beaucoup d’évènements politiques. La lute interne va s’exacerber. Les syndicats se réorganisent et les CDR tentent d’en prendre la direction. Après avoir en 1986, largement critiqué les dysfonctionnements des CDR, en aout 1987, Sankara affiche clairement sa volonté de faire une pause pour stabiliser le processus révolutionnaire et lui donner des structure pérennes et notamment un parti politique qui rassemblerait différents tendances y compris ceux qui sont hors du processus comme le PAI. Mais il se heurte à une fronde interne parmi des membres du conseil national de la révolution qui s’organisent avec le bénédiction de Blaise Compaoré. Celui-ci travaillé par Houphouët Boigny et les réseaux français souhaitent mettre fin à la révolution. Il a besoin d’une caution politique. Tandis que des militants civils, affirment vouloir combattre le réformisme de Thomas Sankara. Ainsi Sankara est notamment critiqué pour vouloir réintégrer des fonctionnaires qui avaient été dégagés, mais aussi pour vouloir unir les militants de gauche alors que ses détracteurs souhaitent de nouvelles épurations, alors qu’ils suivront pour la plupart Blaise Compaoré dans sa route vers le libéralisme économique et le rapprochement avec les puissances occidentales. Plusieurs d’entre eux seront victimes d’attentats pour avoir voulu s’opposer à ce changement de politique à la fin des années 80.
Petit à petit les rapports se tendent entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré. Thomas Sankara souhaite préserver l’unité des militaires et leur demandent de sortir des organisations civiles pour se regrouper tous au sein de l’Organisation des militaires révolutionnaires. En parallèle il tente de créer des structures et un fonctionnement plus collectif au Conseil Nationale de la Révolution. Il passe dans cette période difficile par des périodes de dépression mais n’abandonne jamais son combat pour l’amélioration de la révolution. Alors que dans son entourage on ne cesse de le mettre en garde contre le complot qui s’organise contre lui, il se refuse à intervenir et interdit à ses amis de neutraliser Blaise Compaoré.
L’intervention que devait faire Thomas Sankara le soir du 15 octobre (voir à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article1163) est révélatrice de son état d’esprit d’alors. Il comprend que ceux qui conspirent ne le font pas pour divergence politique mais bien pour profiter du pouvoir et des avantages qu’il pourrait en profiter. Il propose de prendre différentes initiatives pour aller de l’avant, « éliminer » ceux qui complotent et entamer une tournée du pays où les dirigeants militaires de la révolution se présenteraient unis. Mais il ne prononcera pas ce discours. Il est assassiné le 15 octobre 1987, avec plusieurs autres civils à ses côtés, ceux qui constituaient une ébauche d’un secrétariat du Conseil National de la Révolution qui n’existait pas jusqu’ici.
Depuis de nombreux témoignages accréditent l’hypothèse d’un complot extérieur avec notamment la participation des compagnons de Charles Taylor qui souhaitait un soutien de Blaise Compaoré et de Kadhafi pour lancer la guerre au Libéria. Ce qui fera deux ans après, avec le soutien d’Houphouët Boigny, de Blaise Compaoré et de Kadhafi avec le bienveillance de la France. Pour en savoir plus on se reportera aux articles « Que sait-on sur l’assassinat de Sankara ? » à http://thomassankara.net/spip.php?article805 et « Assasssinat de Thomas Sankara, le complot extérieur à http://thomassankara.net/spip.php?article679 ).
Thomas Sankara est aujourd’hui devenu la référence d’une bonne partie de la jeunesse africaine. Beaucoup d’hommes politiques se réclament de ses idéaux et de son modèle de développement. Il est devenu aussi le symbole de la lutte contre la dette pour le mouvement altermondialiste.
Une campagne est actuellement en cours pour demander que toute la lumière soit faite sur son assassinat. Une pétition « Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique » est actuellement à signer en ligne à l’adresse http://www.thomassankara.net/spip.php?article866 . Elle a pour l’instant abouti à ce qu’une demande d’enquête parlementaire ait été déposée au parlement français en juillet 2011 (voir à http://www.thomassankara.net/spip.php?article1097)
Sa mort
Victime d’un coup d’état, son « lieutenant », Blaise Compaoré, s’est installé au pouvoir.
Jeudi 15 octobre 1987. Il est 16 heures. Des armes crépitent au Conseil de l’entente, l’état-major du Conseil national de la révolution à Ouagadougou, tout près des ministères et de la présidence. Un groupe de soldats para-commando vient de débarquer avec, à l’évidence, pour mission de liquider tout le monde.
Dans la cour, tous les gardes sont abattus. Dans un bureau, le capitaine Thomas Sankara en réunion avec des conseillers lance à son entourage : « restez-là, c’est moi qu’ils veulent ! » Le président, en tenue de sport, se précipite dehors les mains en l’air. Mais il est immédiatement fauché à l’arme automatique. Aucun de ses gardes ni conseillers ne sera épargné. En tout, une quinzaine de personnes sont abattues. Ils seront tous enterrés à la hâte, la même nuit, au cimetière de Dagnoen, un quartier de l’est de Ouagadougou.
Dans toute la zone de la présidence et du Conseil de l’entente, militaires et civils courent dans tous les sens.
Les Burkinabés qui sont au bureau ou à la maison se précipitent vers les postes transistors. Sur Radio Burkina, les programmes sont suspendus. On ne diffuse plus que de la musique militaire. Pour des Burkinabés déjà habitués aux coups d’État, c’est un signe qui ne trompe pas : le pouvoir a changé de main. La confirmation ne tarde pas. Un communiqué lu à la radio par un officier annonce notamment la démission du président du Faso, la dissolution du Conseil national de la révolution et proclame la création d’un Front populaire dirigé par le capitaine Blaise Compaoré, jusque-là numéro deux du régime révolutionnaire.
La confusion est totale. Le citoyen de base ne comprend pas pourquoi un règlement de comptes aussi sanglant entre deux leaders considérés comme « amis et frères ».
Mais les observateurs, eux, ne sont pas surpris. Depuis quelques mois, la guerre des chefs avait commencé au sommet de l’État entre les deux capitaines, numéros un et deux du régime. L’entente entre ces deux hommes, qui partageaient même des repas familiaux ensemble, s’effritait alors que la révolution déclenchée le 4 août 1983 entamait tout juste sa cinquième année.
A Ouagadougou, les rumeurs de coup d’État se faisaient de plus en plus persistantes. « Le jour que vous entendrez que Blaise Compaoré prépare un coup d’État contre moi, ce n’est pas la peine de me prévenir. Car, ce serait trop tard », avait lancé avec prémonition Thomas Sankara à des journalistes.
Il faisait ainsi allusion à la forte amitié qui le liait à Compaoré. Par naïveté ou par impuissance, le charismatique chef de la révolution burkinabé n’échappera donc pas aux balles de son entourage.
L’effet d’une bombe sur le continent
Sa mort fit l’effet d’une bombe.
Au Burkina et partout sur le continent, tout le monde est sous le choc. La consternation est générale notamment au sein de la jeunesse africaine.
Le rêve placé dans ce jeune officier de 38 ans vient de se briser. Arrivé au pouvoir 4 ans plus tôt à la suite d’un coup d’Etat mené par un groupe de jeunes officiers, le capitaine Thomas Sankara avait engagé une révolution pour changer les mentalités dans son pays, la Haute-Volta, l’un des États les plus pauvres de la planète. Il encourage ses compatriotes à compter sur leurs propres forces. Son gouvernement engage alors de vastes chantiers dans les domaines de la production, de l’éducation, de la santé, du logement, des infrastructures, etc.
Un président à convictions
Ses successeurs dresseront un bilan positif de ces quatre années de révolution.
Thomas Sankara reprend à son compte les discours panafricanistes de Kwamé Nkrumah ou de Lumumba. Il pourfend l’impérialisme dans ses discours et appelle à de nouveaux rapports entre le Nord et le Sud.
Invité au sommet Franco-africain de Vittel quelques mois après son arrivée au pouvoir en 1983, il refuse de serrer la main à Guy Penne, le conseiller de François Mitterrand venu l’accueillir à l’aéroport à Paris pour protester ainsi contre le manque de considération à un chef d’État africain.
Thomas Sankara s’attaque avec force à l’apartheid. A la tribune de l’OUA, des Nations unies, son discours dérange. « Je dis que les Africains ne doivent pas payer la dette. Celui qui n’est pas d’accord peut sortir tout de suite, prendre son avion et aller à la Banque mondiale pour payer », avait lancé le président burkinabé dans un tonnerre d’applaudissements à la tribune d’un sommet de l’OUA à Addis-Abeba.
Un président rigoureux et modeste
L’homme tranchait des autres présidents par sa simplicité et la rigueur imposée aux membres de son gouvernement. Il avait mis au garage les Limousines du parc automobile de l’Etat, imposant des Renault 5 comme voitures de fonction pour lui et ses ministres.
Pour inciter la consommation locale, il imposait des tenues en cotonnade tissée à la place des costumes occidentaux. La corruption avait disparu dans ce pays qu’il avait rebaptisé en 1984 Burkina Faso : la patrie des hommes intègres en langue locale.
La révolution multiplie les victoires mais aussi les erreurs, comme la décision de rendre gratuit durant toute une année les loyers, ou les dérives des Comités de défense de la révolution (CDR) qui faisaient la loi dans les quartiers et les services ou encore les nombreux « dégagements » de fonctionnaires pour manque d’engagement dans la révolution, ou une diplomatie régionale très critique à l’égard de ses voisins, en dehors du Ghana de Jerry John Rawlings.
Quinze ans après sa disparition, les Burkinabés gardent de lui l’image d’un homme intègre, qui a changé les mentalités de ses concitoyens et donné une dignité à son pays. Une image et un idéal qui résistent encore au temps et dont se réclament une demi-douzaine de partis politiques, détenteurs de sept sièges à l’Assemblée nationale depuis les élections législatives de mai dernier.
Sa politique
La politique de Sankara
- S’affranchir de la tutelle de la France : « comment sortir d’une misère asservissante ».
- Lutter contre la corruption des dirigeants.
Il devient (et reste) un véritable héros auprès de la population et surtout des jeunes.A l’arrivée au pouvoir de ce Président des pauvres, le pays connaît de nombreux changements :
- Le changement de nom du pays, La Haute-Volta devient Burkina Faso (Pays des hommes intègres).
- Une diminution du train de vie des dirigeants : Sankara roule en Renault 5.
- Thomas Sankara mise sur l’éducation et la santé (espérance de vie alors de 40 ans),.
- la population est enthousiaste et elle s’accommode des efforts demandés (sauf pour la diminution du nombre des fonctionnaires).
- Il encourage la consommation des produits locaux.
- La lutte contre la corruption par des procès retransmis à la radio. Aucune peine de mort n’est demandée.
- La campagne massive de vaccination des Burkinabé qui fera chuter le taux de mortalité infantile alors le plus haut d’Afrique.
- La construction considérable d’écoles et d’hôpitaux,
- Campagne de reboisement : plantation de millions d’arbres pour faire reculer le Sahel.
- Une grande réforme agraire de redistribution des terres aux paysans, augmentation des prix et suppression des impôts agricoles.
- De grandes mesures de libération de la femme (interdiction de l’excision, réglementation de la polygamie, participation à la vie politique, etc.).
- Mettre en place des aides au logement (baisse des loyers, grandes constructions de logement pour tous).
- et tant d’autres..
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